Perché sur un arbre, Zan contemplait le petit village Humain. C’était une de ses activités favorites, et il s’y adonnait dès qu’il le pouvait. Pour ça, il lui suffisait d’être discret et de disparaître. Il n’avait jamais dit à personne où il allait pendant ces moments-là.
Car le problème, voyez-vous, c’est que Zan était un Mort-vivant. Ce n’était pas un drame en soi mais lorsque l’on n'était un Mort-vivant et que l’on aimait les Humains ça le devenait.
Oui, Zan aimait les Humains. Mais pas comme petit-déjeuner… En fait, il était nostalgique de l’époque où il était encore vivant. Alors dès qu’il le pouvait, il allait les observer sans qu’eux ne le sachent.
Le problème, c'est que les Humains, eux, n’aimaient pas beaucoup les Mort-vivants même si ceux-ci était gentils. Donc Zan venait épier les vivants et ce, malgré le danger que cela représentait.
Généralement, il apparaissait la nuit, alors que la vision des humains était réduite. Puis il montait sur l’arbre et restait là. Il attendait sans vraiment savoir pourquoi. Il n'en repartait que lorsque le ciel commençait à s’éclaircir et le jour à se lever.
Dans sa contemplation, des souvenirs lui revenaient en mémoire. Des souvenirs de la lointaine époque où il était encore en vie. Même s’il ne s’agissait que de brèves apparitions, la plupart du temps, ces souvenirs étaient heureux. Peut-être est-ce la raison qui le poussait à revenir, en ces lieux que jadis il avait parcourus innocemment.
Mais aujourd’hui n’était pas un jour comme les autres, puisque bien avant que le jour ne se lève, le village fit preuve d’une certaine agitation. Zan, curieux par nature, décida de rester pour en apprendre plus. Il voulait savoir pourquoi des gens courraient dans les rues, alors même qu’il faisait encore sombre.
Zan, grand naïf, n’avait absolument pas comprit qu’il était la cause de toute cette animation.
En effet, un garde Humain, en faisant sa ronde, avait repéré une drôle de forme dans un arbre. Il s’était alors empressé de prévenir ses supérieurs qui à leur tour, étaient venu voir l’étrange chose. Tous s’étaient bien vite rendus compte qu’il s’agissait d’un Mort-vivant et un pas très malin vu l’endroit qu’il avait choisit pour les espionner.
Zan, pour chacune de ses visites, se plaçait au même endroit. Or si l’arbre offrait une belle cachette en été, il n’en était plus de même à l’automne quand les feuilles tombaient. Du coup, Zan était bien en vue, sans s’en rendre compte.
Les Humains avaient donc vu un être dont les os étaient visibles et la peau ne semblait tenir en place que par un concours de circonstance, à certains endroits. Des cheveux longs et noir terne, cachant une partie de son visage, faisait du même coup ressortir la blancheur de sa peau, qui était la preuve que plus aucune goutte de sang ne circulait dans ses veines.
Voyant un groupe de guerriers Humains sortir de la ville, Zan se décida enfin à quitter son arbre et à rentrer chez lui. Malheureusement, les vivants l’encerclaient déjà. Zan essaya donc la diplomatie, mais apparemment, les humains n’avaient aucune envie de parlementer avec un cadavre.
-Je ne suis pas dangereux ! déclara Zan. Je ne faisais que regarder, rien d’autre…
-Un espion ! hurlèrent les vivants.
-Mais non, je ne suis pas un espion !
-Il parle notre langue, c’est un espion ! Il l’a appris exprès pour cela !
Il était vrai que Zan avait quelque chose de spécial. Il n’avait pas oublié la langue humaine qu’il parlait autrefois, contrairement aux autres morts. Peut-être était-ce parce qu’il avait gardé un coté humain qu’ils les appréciaient tant.
-Que faisons-nous de lui ? demanda le commandant.
-On pourrait le découper en morceaux et les répandre partout !
-Je suis contre ! avoua Zan.
-On pourrait l’enterrer vivant !
-Idiot, il est mort ! Il ressortirait !
-J’ai une meilleur idée, on va le brûler en place publique. Les vieilles chaires doivent bien prendre feu, précisa le commandant.
-Je vous ai dit que je résistais très mal au feu ? demanda Zan.
-La ferme ! Escortez-le jusqu'à ces appartements.
-Vous m’invitez ? demanda Zan, surpris.
-Oui à un beau feu de joie, et comme on dit « honneur aux invités », tu seras l’attraction principale. Préparez le bûcher.
A ce moment-là, Zan fut certain que si son cœur battait encore, il aurait loupé un battement. Lui, qui voulait visiter le camp Humain, avait réussit : il allait tout voir en détail.
Zan fut mené jusqu'à un cachot, dans lequel on le jeta avec brutalité. Il se releva et s’épousseta, vérifiant en même temps qu’il n’avait pas perdu un de ses morceaux. Il contempla avec tristesse un lambeau de peau qui gisait au sol.
-C’est malin ! Maintenant, je ne pourrai pas le remettre !
Le mort prit le morceau dans sa main et se rendit compte au toucher qu’il s’agissait d’un morceau de tissu. Déjà vivant, il n’avait pas une très bonne vue alors la mort n’avait pas arrangé les choses.
-Ca peut arriver à tout le monde de se tromper ! se rassura-t-il.
Un rire léger résonna soudain dans la sombre prison. Zan se retourna peu rassuré. Il eut beau scruter chaque recoin du cachot, il ne vit rien qu’un sol en pierre recouvert par endroits de paille.
-Je rêve ! murmura Zan.
Le Mort-vivant se prit à penser qu’il était normal dans sa situation de délirer quelque peu. Après tout, il était seul, dans un endroit hostile, où une mort certaine l’attendait, et sans que personne ne le sache. C’était presque comme s’il était déjà mort et enterré.
En fait, non ! Cette situation, il l’avait déjà connu et celle du moment était bien pire.
-Pourquoi tu dis que tu rêves ? demanda une petite voix.
Zan sursauta et se mit à hurler.
-Sortez de votre cachette ! Et venez donc vous battre, je vous attends !
-Je ne veux pas me battre, dit la petite voix, avec un ton apeuré.
-Alors sors de ta cachette !
-Je suis là !
Zan sentit que l’on tirait sur ses vêtements et se retourna vivement. Il se retrouva face à face avec une fillette Humaine. Elle devait avoir entre six et huit ans, sa petite taille ne lui permettait pas d’en savoir plus. Il approcha et se rendit compte qu’elle avait le visage sale et les cheveux emmêlés. La terre maculait tout son corps et ses vêtements déchirés.
-Coucou !
Zan regarda cette petite, étonné. Elle lui souriait avec un air véritablement heureux. Le Mort-vivant se demanda ce que pouvait faire une telle enfant dans cette horrible prison, car à n’en point douter la petite fille était humaine. Zan, toujours très surprit, ne parvenait pas à dire le moindre mot. L’enfant sembla s’en inquiéter. Zan se reprit et lui adressa quelques mots.
-Bonjour, qui es-tu ?
Un sourire illumina à nouveau le petit visage couvert de poussière.
-Je suis Téra ! Et toi ?
-Zan.
Le mort s’interrogeait toujours sur l’étrange être en face de lui. Il désirait en savoir plus sur elle mais ne voulait pas la bousculer avec de trop nombreuses questions. De plus, il trouvait étrange que la fillette n’ait pas peur de lui. Après tout, il était toujours un Mort-vivant.
-Dis, Zan, tu veux être mon ami ?
Téra lui tendit la main, souriante. Zan hésita quelques instants puis il lui tendit lentement sa main. Il avait peur que l’enfant ne soit effrayé en voyant sa main quelque peu décomposé, mais elle n’eut aucun mouvement de recul et prit ce qu’on lui tendait.
-Tu n’as pas peur de moi ? lui demanda Zan.
-Non, tu es mon ami, alors pourquoi j’aurais peur ?
-Parce que je suis un Mort-vivant !
Téra s’assit à terre et Zan en fit de même en face de la petite fille.
-J’ai pas peur parce que je peux voir !
-Tu peux voir ?
-Oui, je vois des choses que les autres sont incapables de voir. Des fois, je vois si les gens sont gentils ou méchants, je vois aussi les morts. Et toi, je sais que tu es gentil.
Zan réfléchi, un pouvoir de « vision véritable » pour sûr. Pour le moment, le don de cette enfant ne s’était pas encore éveillé entièrement mais plus tard… Très peu de gens possédaient un tel pouvoir, à tel point que c’était devenu source de légende. Curieux, Zan osa poser la question qui lui brûlait les lèvres.
-Téra, pourquoi une enfant comme toi est dans une prison humaine ?
Le visage de la petite fille se ferma. Elle cessa de sourire et son regard se perdit dans le lointain, c'était comme si elle avait mit une distance entre eux. Puis elle déclara :
-Je vais te montrer !