Un oubli

Par Jowie
Notes de l’auteur : Et voilà, plumette de l'espace, tu as atteint la fin de ce premier tome ! Merci beaucoup d'avoir lu, j'espère te revoir bientôt pour le tome 2 pour la suite des aventures d'Eleonara !

 

Habillée comme Tomislav d'Ox, Eleonara refit mentalement l'inventaire de son petit sac en toile. Couteau subtilisé aux cuisines, nourriture, gourde... Il manquait quelque chose. Le ventre contracté, elle recontrôla le contenu de son sac. Il manquait vraiment quelque chose.

Elle se frappa le front ; mais bien sûr, le flacon de l'alchimiste ! Où avait-elle bien pu l'égarer ? Elle voulait absolument découvrir à quoi il servait ! Était-il tombé de son sac ?

Ses dents crissèrent de frustration. Pendant deux ans, elle l'avait dissimulé sous son oreiller, en vérifiant constamment qu'il s'y trouvait encore à son réveil, à la pause de midi, au moment de souffler sa bougie... Tant de précautions pour le perdre au dernier moment !

Le cahier rouge, la fleur dorée, le flacon : un à un, ses trésors s'étaient volatilisés. Tous, sauf deux. Pliées en quatre, les feuilles de parchemin remplies d'expressions nordiques étaient au fond de son soulier droit, bien en sécurité. Quant à la boucle mikilldienne, elle l'avait enfilée à sa ceinture si bien que celle-ci se pressait, tiède, contre le bas de son ventre.

Mais ce n'était pas tout. Elle avait décidé, à l'ultime instant, d'ajouter un troisième élément à sa collection. Sous son bliaud, l'Œil de Diutur pendait à son cou. Il appuyait sur son cœur. Deux pierres, l'une contre l'autre. La première était froide et dure, la deuxième molle, lourde et triste.

L'Œil de Diutur. Pour se rappeler qu'elle avait beaucoup, beaucoup à se reprocher.

Eleonara était venue au Don'hill dans l'espoir d'attendre et d'apprendre. Elle repartait nauséeuse, le cœur pesant et avec la chair de poule. Elle avait voulu se renseigner sur Hêtrefoux, sur les Sylvains et si possible, sur les concoctions de l'alchimiste. Pourtant, c'était sur elle-même qu'elle aurait dû s'instruire. L'horreur qu'elle avait déclenchée lui était restée en travers de la gorge comme une bouchée de pomme trop ambitieuse, disposée à l'étouffer. Elle n'avait rien voulu de tout cela ; elle n'avait jamais voulu laisser de telles traces. Elle avait promis à la Dame de lui rendre hommage et de rentrer à Hêtrefoux ; elle aurait préféré ne rien promettre du tout.

Elle releva délicatement le rabat de la sacoche. Pas le rabat de son sac en toile, mais celui du ballot en cuir dans lequel elle se cachait, genoux contre menton, bringuebalant à la cadence du cheval de Sebasha. Un rai de lumière passa à travers la fente et l'éblouit. Au fur et à mesure que ses pupilles se rétrécissaient, elle devina la cuisse gauche du cheval s'avancer, se tendre et reculer à un rythme énergique.

Loin derrière le fessier de l'animal et une étendue d'herbe fraîche, l'abbaye du Don'hill secouait ses drapeaux gris dans un adieu endeuillé. Majestueuses, les dentelles montagneuses sur lesquelles il était perché s'encerclaient de brume.

Eleonara bâilla. Il était tôt et elle n'avait pas dormi de la nuit.

Elle s'était échappée avec succès. La Dame aurait été fière d'elle ; Eleonara ne l'était pas.
 

Lorsqu'elle guigna à nouveau par la fente de la sacoche, la forteresse monastique avait disparu.

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