Les deux suspects tremblent comme des feuilles sur leur canapé fait main. J’avance d’un air menaçant.
– On sait tout.
La femme panique.
– On peut tout vous expliquer.
Le mari place sa main sur son épaule avec plus de force que nécessaire.
– Arrête tout de suite, Sidonie. On va finir en prison.
Elle s’avance pour fuir le bras qui l’oppresse et lui jette un œil noir.
– Wellington, tu peux bien garder ton honneur si tu veux. Moi, je ne veux pas finir ma vie avec ça sur la conscience. On l’a tué putain !
Je les observe et j’imagine ce qui se trame dans leur petit cerveau.
Il blanchit, réalisant trop tard toute l’horreur et la bêtise de ces dernières heures, et peut-être même de ces dernières années. Le voilà marié à une femme qui se fait passer avant lui-même, une aberration, sans aucun doute.
Elle papillonne entre les menottes qui se balancent le long de mes hanches et le flingue sur mon épaule. Je peux presque voir le long couloir dans sa gorge qui rétrécit.
– Dites-moi tout. Sa famille mérite de savoir.
L’argument fonctionne toujours. Elle jette un dernier coup d’œil vers son mari flambant neuf, baisse la tête et se lance.
– On a fait venir Loo Bric pour qu’il bénisse notre mariage. C’était une jolie cérémonie. Le seule problème c’est que nos parents ne voulaient pas en entendre parler alors on l’a supplié de venir ici. C’était discret, loin de tout. Il ne pouvait pas y avoir de problème, pas vrai ?
Elle m’adresse un sourire de circonstance : gêné et gênant.
– C’est après que ça a mal tourné. Il voulait à tout prix faire son rituel de purification mais on était déjà bien bourrés tous les trois.
Une larme coule au coin de son œil. Elle l’essuie et traîne une couche de maquillage sous ses doigts. Son Wellington pose une main sur sa joue et dépose un baiser sur l’autre.
– Je vais continuer, inspecteur. Vous promettez de laisser ma femme tranquille ?
J’acquiesce. Tout ce que je veux, c’est la vérité.
– Sid vous l’a dit, on avait tous trop bu. On avait pas de poudre d’or à notre portée, que de l’alcool. Alors il a eu une idée géniale : faire fondre un bout de la penderie. Un petit coin discret pour pas qu’on ait de problème avec le directeur. Il a bougé le meuble et il s’est accroupi à côté des vêtements. Sid et moi on le regardait faire, béats d’admiration. Et puis, la première goutte d’or est tombée sur une de ses fleurettes. Il a hurlé. On s’est précipité, mais c’était déjà trop tard, tout un côté de son corps était calciné.
Sidonie sanglote à présent dans ses bras. Elle gémit un « c’était trop horrible » ce à quoi son mari répond « tout doux, ma belle ».
Je fais pareil avec Félix quand il se rate en sautant sur son arbre à chat. Fichu cerveau.
– On a juste eu le temps de voir trois autres gouttes tomber, sur ses fleurettes, son pédoncule, ses feuilles. Le métal l’a carbonisé avant qu’on ait le temps d’appeler les secours. Il était si petit. La cuisson a été instantanée.
Il se cramponne à sa femme.
– On savait plus quoi faire et on voyait flou. J’ai fini par dire à Sid que c’était peut-être une hallucination. C’était le premier soir de notre séjour ici. On s’est endormi d’épuisement le lendemain matin, les yeux rivés sur son petit corps sans vie, avec l’espoir fou qu’il se relève et s’en aille. Même qu’il s’évapore, signe qu’on rêvait bel et bien.
Sidonie se redresse, son maquillage a créé un double d’elle sur le polo de Wellington. Il faut que je cligne des yeux plusieurs fois pour réussir à m’en éloigner. C’est plus flippant qu’un test de Rorschach.
– Je me suis réveillée avant mon mari. J’ai vu le cadavre qui tombait en lambeaux dans la penderie. Et sans réfléchir, je l’ai porté morceau par morceau jusqu’à la douche. Je voulais le faire disparaître. J’ai paniqué. C’était si facile en plus : ses fleurettes étaient en bouillie alors je l’ai vu disparaître peu à peu dans la canalisation sans que j’ai besoin de finir le travail à la main. Il ne restait que son tronc quand on est parti se promener. Je pensais que l’eau chaude allait finir le travail. J’ai eu peur, inspecteur, si peur. Vous devez me croire.
Je les regarde une dernière fois avant de me diriger vers la sortie. Ernest a ses coupables. Je laisse l’arrestation aux autres. Mon mojito m’attend et avec lui l’oubli.
J’ai tout de même une dernière pensée pour le corps en bouillie de ce brocoli mort pour rien.
"Elle papillonne entre les menottes qui se balancent le long de mes hanches et le flingue sur mon épaule." -- Le flingue est sur l'épaule ? En général, il pend dans un étui en cuir sur les côtes ou bien sur une hanche.
Pour finir, j'ai relevé une petite erreur dans ce chapitre, tu as écrit "finir" au lieu de "fini" : "J’ai finir par dire à Sid que c’était peut-être une hallucination."
Je note la coquille et je vais voir pour le reste. En fait, je voulais faire en sorte que ce soit flou, pour garder une forme de suspense sur l'identité de la victime. Et j'ai trop bien réussi mon coup !
J'espère que ça t'a plu tout de même.
J'ai pas tout compris sur la façon dont il est mort, comment il s'est retrouvé en deux et une partie en morceaux. Comment a-t-elle fait pour le faire disparaitre, avec quoi s'ils n'ont rien trouvé de tranchant dans la chambre ? Après si c'est un brocolis...
En tout cas merci pour cette histoire amusante.
Il faut vraiment que je réécrive ce chapitre.
C'est purement un problème de description. Parce qu'il a perdu ses branches en fait, il reste son tronc, trop épais pour partir en bouillie sous l'eau chaude après sa cuisson maladroite.
Et puis le but de l'histoire, c'était surtout de faire rire ^^
Tant mieux si ça a fonctionné ;)
Merci pour ton retour !
Sinon j'aime bien
- les noms des starlettes, Sidonie et Wellington, fallait les trouver
-"Elle papillonne entre les menottes qui se balancent le long de mes hanches et le flingue sur mon épaule. Je peux presque voir le long couloir dans sa gorge qui rétrécit." drôle et magnifiques ces métaphores
- son mari flambant neuf
Et oui raconte-nous d'autres histoires avec Patrice (et Félix)
Il a fait fondre de l'or et ça lui est tombé dessus, le brûlant sur le coup.
Je vais relire et éclaircir ça ^^
Merci beaucoup !
Je pense que la suite des aventures de cette brigade hors du commun va arriver sous peu !
Bon faut pas s'attendre à un succès dingue, mais c'est très drôle à écrire en tout cas ^^