Seul, le regard vide, où, en une danse gracieuse, viennent se perdre les feux de la ville.
Regarde-les, ces êtres qui errent la nuit, perdus entre rêve et ennui. Ne voient-ils pas cette ombre qui les suit ? Éclatante comme un soleil, dont le corps rayonne de merveilles. Et chaque soir ils s’endorment, étrangers d’eux-mêmes.
Et toi mon corps, toi qui divague, qui t’enlise ; qu’attends-tu ? Retourne-toi.
Seul à seul avec elle, mon reflet se noie dans ses yeux d’or.
« Mon âme, comment ai-je pu te laisser ainsi seule ?
— Lorsque tu doutais, j’étais le doute. Lorsque tu désirais, j’étais le désir. Lorsque tu étais triste, j’étais la tristesse. Lorsque tu jouissais, j’étais la jouissance. Comment alors aurais-je pu connaître la solitude ? Moi qui suis la mère de ton être et qui, lorsque tu vis, incarne la vie elle-même.
— Mon âme, si tu étais là, toujours auprès de moi, pourquoi ne t’ai-je jamais vue ?
— Le voulais-tu ? Aurais-tu enduré mon éclat ? Et quelle importance ? Tu avais besoin de m’ignorer pour avancer. Et moi j’éclairais tes pas, je te regardais tomber, te relever, recommencer. Et lorsque tu maudissais l’existence, c’est moi que tu maudissais.
— Mon âme, pourquoi puis-je te voir à présent ? Vais-je mourir ?
— Non. Tu peux me voir car tu vas cesser d’errer, cesser d’avoir peur du vide. Comprends-tu ? Ne cherche plus ; cet absolu que tu désires, cet amour auquel tu veux goûter chaque jour, moi seule peux te l’offrir. Car qui mieux que moi pourrait t’aimer ? Moi qui connais tous tes vices et toutes tes vertus, moi qui t’ai vu naître et te verrai mourir et qui, la nuit, te berce et t’enivre de rêves.
— Mon âme, t’ai-je déjà dit comme je t’aime ?
— Nul besoin de le dire, car je le sais. »
Ensemble, enlacés. Sa peau dorée contre la mienne, mes lèvres dévorant les siennes. Et sur nos corps luisants, en une danse gracieuse, viennent se perdre les feux de la ville.