Degenesis : un avant-goût de l’enfer
Chapitre 1 : Un soldat et son arme.
Terre, Purgare, Forteresse Alpine, année 2583, 510 ans après l’Eshaton.
« Et je te montrerai quelque chose qui n’est ni ton ombre au matin marchant derrière toi, ni ton ombre le soir surgie à ta rencontre ; je te montrerai ton effroi dans une poignée de poussière » T.S. Eliot
Dans les baraquements, une sirène retentit. Une jeune fille tomba de son lit et poussa un cri de surprise. Elle fixa le plafond d’un air las et se redressa péniblement en observant les couchettes vides autour d’elle. Ils étaient partis, tous ceux qui faisaient partie de ses camarades de chambre. Tous ? Non. Son regard s’arrêta sur le visage de son ami qui l’observait d’un air amusé.
Elle venait une nouvelle fois de se vautrer au sol… Ce rituel matinal faisait partie des raisons pour lesquelles il était resté. Tous les autres avaient trouvé la formation trop dure, ou n’avaient pas passé certains tests psychologiques. En à peine une année, plus de 60% des recrues avaient abandonné.
Mais eux, ils étaient toujours là… Des portes s’ouvrirent. Des pas retentirent. Les autres groupes s’étaient déjà mis en marche.
-Dépêche-toi Ver. Ce n’est pas aujourd’hui qu’il faut être en retard.
La jeune fille, qui fêtait d’ailleurs ses 15 ans aujourd’hui, lui lança un regard maussade.
-C’est mon anniversaire, laisse-moi au moins savourer 5 minutes la douceur du sol. C’est le cadeau que j’ai décidé de m’offrir…
-Tu vas avoir bien mieux comme cadeau. Grouille ! Sinon je pars sans toi et je dis au caporal que tu ne peux pas venir car c’est la mauvaise période.
Le regard maussade se changea en regard de tueur. Veronica se redressa lentement, ses cheveux couvrant son visage, puis s’avança vers Reiss. Ce dernier déglutit et recula, heurtant l’armoire qui se trouvait à côté de sa couchette. Son casque qui reposait en équilibre instable sur l’armoire vint alors lui tomber sur la tête dans un bruit sonore qui laissait imaginer la violence du choc. Il se recroquevilla sur le côté en laissant échapper une plainte presque inaudible… Ou un juron.
-Grouille, sinon je pars sans toi et je dis au caporal que j’ai assommé un voleur de sous-vêtements avant de lui voler sa plaque.
Reiss releva péniblement la tête en se frottant le haut du crâne avec sa main droite et fixa d’un air dubitatif la jeune fille avant de s’empourprer en voyant que cette dernière tenait dans sa main une chainette marquée de son nom. Elle la lança au sol devant lui et le jeune homme remarqua que la demoiselle avait déjà enfilé sa combinaison et ses bottes… Mais également qu’elle était juste à côté de la porte qui menait vers le hall de rassemblement.
-Tu es mignon quand tu dors, si seulement tu ne ronflais pas autant…
Dit-elle, son casque désormais sous le bras, avant de s’engouffrer dans la porte qu’elle venait d’ouvrir. Elle eut juste le temps d’entendre un juron avant que la paroi en métal ne se referme automatiquement.
Veronica avança vers le hall. Au fur et à mesure de ses pas, son sourire et l’excitation sur son visage s’effacèrent pour laisser place à l’impassible. Ce jour était spécial, cela faisait un an que leur formation avait commencé. Et bien entendu, on les avait avertis que ce jour scellerait leur appartenance à la légion. Elle entendit subitement des pas pressés dans le couloir, Reiss venant se placer à côté d’elle sans rien dire alors qu’ils arrivaient à leur destination. Sans un mot, ils rejoignirent la ligne formée par les autres recrues, attendant les ordres de leurs supérieurs.
Le hall était pourvu d’une sorte d’estrade sur laquelle les officiers se plaçaient pour avoir une vue d’ensemble sur les soldats. Le caporal Wicht, leur officier supérieur mais également l’homme chargé de leur formation se tenait là. Après quelques minutes, l’horloge sonna. Tout retardataire serait sévèrement puni mais visiblement, d’après le léger sourire en coin affiché par le caporal, tout le monde était là.
Wicht était un homme plutôt fringant. La trentaine, un bouc parfaitement travaillé et une coupe militaire courte standard pour ses cheveux bruns. Plutôt musclé et svelte, il avait tout du soldat parfait. Ses yeux bleus avaient terrorisé de nombreuses recrues mais aujourd’hui, il y avait quelque chose de différent dans son regard. Il était satisfait, et cela n’arrivait pas souvent. Il fit subitement un pas en avant puis prit la parole.
-En ce jour, vous n’êtes plus de simples recrues. Vous devenez des soldats à part-entière. Des soldats hellvétiques. Pour vous prouver notre confiance, vous allez chacun recevoir votre arme, un fusil d’assaut Sagur-II aussi appelé Défricheur. Cependant, cette confiance va dans les deux sens. Si jamais vous le perdez, vous perdez votre statut, vos titres… Cette arme est un prolongement de vous, et il n’y a que de vos doigts raides, de votre corps froid, que l’on ne peut le prendre.
Veronica sentit un frisson lui parcourir l’échine. Derrière le caporal, des hommes en harnais complet, l’armure hellvétique blanche composée de diverses plaques renforcées, posaient des armes sur une table. Trois canons de calibre 5.45, une crosse amovible pouvant servir de bipied ou de baïonnette grâce à la lame dissimulée à l’intérieur, un ordinateur de bord assez sommaire et bien entendu, le tout serti par une superbe couleur blanche qui sied tant aux Hellvétiques. Les cols alpins étant recouvert la plupart du temps de neige, il n’y avait pas mieux comme symbole et camouflage.
-Lorsque vous entendrez votre nom, vous viendrez chercher votre fusil. Vous m’avez bien compris ?
-Chef, oui, chef !
Répondirent les recrues, comme d’un seul homme. Ensuite, vint l’appel. Veronica croisa le regard de Reiss lorsque ce dernier fut appelé. Il lui offrit un sourire alors qu’il se dirigeait vers l’estrade pour récupérer son arme et retourner à ses côtés quelques instants plus tard. L’attente la rongeait désormais et chaque nom qui n’était pas le sien faisait grimper l’excitation qu’elle ressentait. Puis finalement ce fut son tour. Entendre son nom la plongea quelques secondes dans un état second dont elle fut sortie par un coup de coude de Reiss. Instinctivement, elle se mit en marche, monta sur l’estrade et après un salut au caporal, elle tenait dans ses mains son arme. Alors qu’elle retournait se placer dans le rang, son masque d’impassibilité était fissuré d’un sourire joyeux. Elle avait réussi…
Le reste de l’appel se déroula sans heurt. Wicht observa pendant quelques instants les hommes et femmes présents devant lui avant de reprendre la parole.
-Ces armes sont chargées. 10 balles vous ont été octroyées. Vous en recevrez tous les mois et avant de partir en mission. L’ordinateur dans votre fusil enregistre chaque tir, alors choisissez bien vos cibles et ne manquez pas votre coup. Soldats… La doctrine !
Ils savaient tous ce que le caporal attendait… Ils l’avaient apprise par cœur…
Je jure de porter mon Défricheur contre mon cœur, car il est mon seul bouclier contre la barbarie. Chaque cartouche fut confectionnée dans la sueur, et je vise donc avec précision pour ne pas les gaspiller. Seul compte le coup au but.
Ce harnais n’est rien sans moi, et sans ce harnais je ne suis rien. Il me protège contre la mort, je le protège donc de toute détérioration. Seule compte la survie.
Je jure d’être le bouclier d’Hellvetica. Quand bien même le peuple nous hait, ils sont nos frères, elles sont nos sœurs. Nous montons la garde. Seul compte notre peuple.
Je jure de pratiquer l’austérité plutôt que le gaspillage, de rester loyal envers les soldats de ma propre unité, de me tenir à leurs côtés comme frère d’armes, et de donner ma vie pour Hellvetica.
Veronica avait le souffle court. Une bouffée d’orgueil emplissait désormais son être et elle la savourait comme si c’était la dernière. Le caporal leur donna alors une heure de temps libre avant le déjeuner. Avec Reiss, elle se dirigea vers leur chambre. Avant même que ce dernier n’ait le temps de dire un mot, sa partenaire s’était déjà hissée sur son lit et démontait son arme. Il poussa un soupir et alla s’asseoir sur sa propre couchette, ses yeux rivés sur la demoiselle. Elle mit une bonne quinzaine de minutes pour démonter et remonter entièrement son fusil, sans doute l’excitation et une volonté de vérifier chaque composant. Mais durant tout ce temps, il ne la quitta pas des yeux une seule seconde.
Lorsqu’elle reposa enfin son arme, satisfaite, Reiss décida qu’il était temps de jeter un coup d’œil à la sienne. Rapidement, il vérifia les composants principaux, retira le chargeur, vérifia la chambre et pressa la détente. Rien ne se produisit, comme prévu. Il plaça alors son arme à côté de lui et ferma les yeux. Il faisait partie de ces rares personnes capables de s’endormir très rapidement n’importe où. Alors s’il était sur sa couchette, avec quelqu’un pour veiller sur lui, on pouvait se douter que cela ne prendrait que quelques secondes.
Alors que désormais, il était dans un état de somnolence avancé, quelque chose le tira de sa torpeur. Le bruit si caractéristique de l’eau qui coule. Il ouvrit un œil et tourna la tête pour observer le lit de Veronica… vide. Avec un sourire aux lèvres, il entreprit de se relever mais à peine avait-il effectué un mouvement qu’une voix féminine le stoppa net.
-Essaye, j’ai toujours préféré m’entrainer avec des cibles mobiles…
Ayant bien entendu remarqué que le Défricheur de la demoiselle n’était plus là non plus, et en entendant le bruit caractéristique de la culasse qui reprenait sa position initiale… Il décida de rester quelques minutes de plus à l’endroit où il se trouvait. Il était bien là après tout.
Un avant-goût intéressant pour cet avant-goût de l'enfer :D J'aime bien l'ambiance militaire et le côté galvanisé des soldats. Par contre tu as un problème de cocordance des temps avec une alternance passé/présent un peu brouillonne, comme si t'étais pas sûr de ton coup :D
Oui! Désolé pour la concordance, ça sera vite corrigé! Je ferai plus attention à l'avenir!
J'aime aussi beaucoup le côté militaire, mais ce n'est qu'une des facettes de ce qui sera exploré à travers cette fanfic. Le monde est vaste et en dehors des Alpes, beaucoup de choses changent.
Merci beaucoup !
Je rejoins Litchie : j'ai aussi noté sur mon post-it l'alternance du passé/présent ;)
Je me suis demandée : pourquoi Reiss a tout à coup peur de Ver au début ? Et à la fin, j'ai un peu questionné sa propension à dormir facilement. Disons que je suis peut-être terre à terre mais c'est encore le matin, non ?
Sinon c'est chouette. Ver me plait bien, femme-maitre un peu ? J'ai hâte de la voir partir en mission. Je voudrais aussi mieux comprendre sa relation avec Reiss.
Au plaisir !
Pour la propension à dormir facilement... J'ai l'habitude de lire des romans sur des soldats et il apparait souvent que ces derniers sont en manque de sommeil. Entrainement tous les jours, réveil aux aurores, privation de sommeil et campement dans des conditions précaires... Les temps de repos sont rares. Et de ce fait, même si le besoin de sommeil dépend de chacun, rares sont ceux qui laisseraient passer un dodo sur un lit confortable. C'est ce que j'ai voulu dire. Qui ne s'est jamais réveillé le matin et après avoir fixé le réveil, ne s'est jamais dit "Je dormirais bien un peu plus"
Merci beaucoup en tout cas. La suite arrive bientôt pour répondre au reste!
Bon, fautes mises à part, j'aime beaucoup ce début! Ver a l'air d'avoir un caractère bien trempé, et même si Reiss en bouffe, il a l'air de bien l'aimer. Peut-être un peu trop d'ailleurs ^^.
C'est cool en tout cas de voir un peu comment ça se passe à Hellvética! Tu as inventé le texte de la doctrine ou bien il sort du bouquin?
Compte sur moi pour lire la suite ;).
Pour comment ça se passe j'ai du pas mal inventé mais la doctrine j'ai simplement repris et un peu retravaillé!
Merci pour la lecture!