Un témoignage intrigant

Méline avait enseigné à Galatée comment parler aux souris et aux grenouilles. La fillette commença donc tout naturellement par interroger les grenouilles du bord du lac, mais elles n’avaient rien vu.

Elle alla jusqu’au village pour trouver des souris. En chemin, elle croisa quelques amis de l’école et la bande des Trofort, qu’elle avait rebaptisé les Trobêtes car leur principal amusement consistait à embêter les autres.

— Hé, la minus à lunettes ! T’es trop petite, tu devrais être en poussette !

Ils l’interpellaient ainsi chaque jour dans l’espoir d’attirer son attention. Elle constata qu’Enguerrand, qui était son ami l’an dernier, faisait désormais partie du groupe et qu’ils portaient tous des costumes bizarres, avec des boucliers en bois.

— Hé, les bébés qui parlent ! Vous devriez rentrer, c’est l’heure de changer vos couches ! répliqua-t-elle.

— On n’est pas des bébés, on est des chevaliers ! crièrent-ils en resserrant instinctivement les jambes.

— Des bébés chevaliers ! lança-t-elle.

Comme elle ne voulait pas se laisser entraîner dans une discussion, elle prit la première ruelle qui lui permettait de s’éloigner d’eux et se cacha derrière de grandes poubelles. Elle se trouvait derrière la boulangerie.

Les Trobêtes passèrent en tapant sur des tambours. Enguerrand portait de l’aluminium brillant sur les bras, le torse et son casque de vélo.

— N’importe quoi, eux, grommela Galatée.

Puis elle se rendit compte que des souris se trouvaient probablement dans le passage et chuchota dans leur langue : la fée Méline a un problème, est-ce que quelqu’un pourrait m’aider ?

Une dizaine de petites souris sortirent alors le museau des poubelles. Certaines avaient encore des restes de pâte feuilletée plein les moustaches. Quand Galatée leur raconta la mésaventure d’hier, pourtant, toutes secouèrent la tête et reprirent leur repas.

La petite sorcière sentit sa gorge se nouer. Comment allait-elle bien pouvoir aider son amie ?

— Moi, je pourrais bien te renseigner, dit alors une toute petite voix à ses pieds.

Galatée baissa la tête et vit une souris grise qui tenait entre ses pattes un bout de pain aux raisins et aux noisettes.

— Qui es-tu ?

— Myrtille, du clan des souris Seeli, dit l’animal. J’étais près du lac hier et j’ai aperçu quelque chose hier qui m’a semblé incroyable. Méline a plongé avant que je ne puisse lui parler, ensuite je me suis dit que ce n’était pas si important, mais plus j’y pense, plus je me dis que c’était louche.

Myrtille se remit à grignoter. Elle devait avoir très faim. Galatée attendit patiemment.

— Voilà ce qui s’est passé, reprit-elle. Je passais donc par les rives du lac hier après-midi, quand vous étiez en train de jouer. Tu te souviens, comme Méline est devenu lumineuse pendant sa transformation ?

— Oui, répondit la petite sorcière, toute ouïe.

— Eh bien, pendant que vous couriez vers l’autre côté du lac, j’ai vu un nouvel éclair brillant, à l’endroit où se trouvait l’escarboucle. Je croyais qu’il s’agissait de Méline, mais vous êtes revenues toutes les deux ensuite.

— Et l’escarboucle avait disparu, conclut la petite sorcière. Merci, Myrtille. C’est tout ce que tu as vu ? De quelle couleur était l’éclair ?

— Assez aveuglant, pour tout te dire. J’ai fermé les yeux et quand je les ai rouverts, il avait disparu. C’était un éclair argenté.

— Il était grand comment ? demanda Galatée avec intérêt.

Myrtille la regarda, l’air pensif.

— Juste un peu plus grand que toi, dit-elle enfin.

Galatée resta perplexe. S’agissait-il d’une autre fée ?

— Je dois en parler à Méline.

— Je peux venir avec toi ? Je la connais de vue, mais je ne lui ai jamais parlé. Nous, les souris, nous menons une vie paisible dans notre clan, mais la fée, c’est quelqu’un. Les autres seront très impressionnés quand je leur dirai que je l’ai vue de près !

— Bien sûr, dit Galatée. Tu vas voir, elle est très gentille.

Myrtille monta alors sur l’épaule de Galatée et elles partirent ensemble.