Chapitre 8.
Contre toute attente, la soirée se déroula dans le plus grand des calmes. James ne chercha pas à faire entendre raison à son fils, se doutant que ce serait peine perdue et Caleb, quant à lui, dirigeait chaque discussion vers un sujet qui les éloignerait des récents évènements.
La nuit fut cependant agitée pour l’adolescent. Il ne pouvait nier la terreur qui l’avait envahi sous l’eau, les yeux du serpent géant, sa façon de le tirer. Il avait la sensation de sentir sa queue se planter encore et encore dans sa jambe et se réveilla à plusieurs reprises, le souffle court et trempé de sueur.
Les premiers rayons du soleil l’aidèrent pourtant à finir sa nuit d’une manière plus apaisée. Son père venant frapper à sa porte il ne reçut que pour toute réponse un grognement suivi d’un “je dors” et ouvrit malgré tout la porte.
- Lève-toi, on doit aller manger avec tes grands-parents. J’avais complètement oublié.
- Non mais tu rigoles! Grogna encore Caleb à moitié endormi.
- Je ne rigole pas, bouge toi! On dirait que tu as fait la fête toute la nuit. Souffla James en ouvrant la fenêtre.
- La fête! J’ai vraiment la tête d’un mec qui a fait la fête! Te fous pas d' moi, j’ai mal dormi en plus! Marmonna l’adolescent en se levant.
Il avait beau l’avoir entendu, James prit une nouvelle fois sur lui. Aujourd’hui, pour quelques heures, il voulait mettre de côté toutes ces choses, oublier les dangers qui guettaient son fils et lui lança une chemise propre en appuyant ses propos d’un regard entendu.
- Aller, aller, tu te prépares! Je te donne 10 minutes et pas une de plus. Faut que je fasse un saut à la boulangerie en plus!
- Une chemise? P’pa t’es pas sérieux! Je vais avoir l’air de quoi avec ça? Rechigna l’adolescent.
- Ne discute pas, tu comprendras tout à l’heure! Lui promis James en refermant la porte pour lui laisser le temps de s’habiller.
Malgré ses protestations Caleb avait revêtu la chemise donnée par son père. Tout en se regardant dans le miroir de la salle de bain, il prit le temps de se coiffer un minimum et ajusta le bas de son jeans non sans donner un coup d’œil à sa jambe. Les plaies n’avaient pas disparu, bien au contraire, elles étaient entourées d’hématomes mais la douleur, elle, était bien plus supportable. Il souffla un peu, réajusta son col avant de glisser son pendentif en dessous et hurla en descendant.
- Je suis prêt, c’est bon!
- Tu veux boire ou manger avant de partir? Demanda James en affichant un sourire ravi de le voir ainsi apprêté.
- Je croyais qu’on mangeait chez les grands-parents?
- Il n’est que 11h, y’a un peu de temps. Bon alors oui ou non?
Caleb haussa les épaules, se dirigeant vers la cuisine il se servit un verre de jus d’orange,un fond de café et prit un morceau de bacon avant de s’asseoir. Son père l’avait suivi, appuyé contre le montant de la porte les bras croisés il secoua doucement la tête avant de sourire. Il se voyait un peu dans les manies de son fils. Son verre dans une main, la seconde déjà bien accrochée à son téléphone pour répondre aux messages de Ted qui s’excusait pour la veille, demandait de ses nouvelles et s’il serait en cours le lendemain.
Pianotant une réponse, Caleb relevait finalement les yeux vers son père.
- Ted me demande si je vais en cours demain. Si je suis en état de sortir aujourd’hui, je pourrais retourner à l’école non?
- Oui, bien sûr, mais s’il y a le moindre problème..
- Je sais, je sais, je te préviens tout de suite. Mais t’en fais pas. Ça ira comme sur des roulettes.
Sur ses quelques paroles, ils quittèrent la maison pour se rendre chez Simon et Maddy qui les accueillirent à bras ouverts. Leurs sourires et leur bonne humeur étaient au rendez-vous mais Caleb ne put manquer leurs regards de connivence avec James. S’il se sentit un peu exclu dans un premier temps, il décida de ne pas en prendre cas et de profiter de la journée pour se détendre.
- Mon grand, vient par là, s’il te plaît. Lui demanda soudainement Simon avec un large sourire.
- Qu’est-ce qu’il y a? Répondit l’adolescent en le suivant vers le garage.
S’il était surpris de se trouver ici, Caleb ne dût pas attendre très longtemps pour comprendre. Son aïeul attrapa une boîte cachée derrière un tas d’outils et lui tendit une enveloppe en chuchotant.
- C’est pour toi, pour ton anniversaire. Tu l’ouvriras quand tu seras seul et surtout, tu ne diras rien à ton père d’accord?
- Quoi? Mais pourquoi? C’est quoi?
- Cache ça veux-tu! Ne put s’empêcher de rire Simon avant de partir comme si de rien était.
Laissé seul l’adolescent hésita une seconde avant de glisser l’enveloppe dans la poche de son pantalon et retourna dans la maison. Il entendit Maddy en pleine discussion avec son fils et fronça les sourcils en comprenant un “tu es sûr qu’il ne se doute de rien?”! Qu’est-ce que cela voulait dire? Il grogna, se dirigea vers la salle de bain pour s’y enfermer, bien décidé à découvrir le contenu du cadeau de son grand-père et écarquilla les yeux. Comptant les billets il resta un moment bouche bée et après les avoir remis en ordre, fila se jeter dans les bras de Simon en bafouillant des mercis à tout va.
Maddy les observait à son tour, du coin de l’œil. Frappant dans ses mains elle annonçait gaiement.
- Bien, tout le monde est prêt, on y va?
- On va où au juste? Questionna Caleb à l’oreille de son grand-père.
- C’est une surprise, mais ça devrait te plaire. En route! Affirma Simon en lui ébouriffant les cheveux.
Caleb chercha à se recoiffer en passant devant son père, pourtant il ne lui accorda pas un regard ni un sourire, se demandant toujours ce qu’il manigançait avec Maddy. Son téléphone sonna dans sa poche il le tira pour lire le nouveau message de Ted et leva les yeux au ciel. Quoi? C’était quoi cette blague, pourquoi lui demandait-il s’il y avait un “truc” entre lui et Zoey? S’apprêtant à répondre, il vit la main de Simon s’écraser sur son écran et siffla entre ses dents.
- Mais tu fais quoi là? C’est important, il faut que je réponde.
- Laisse ça pendant une heure ou deux tu veux bien? On passe un petit moment en famille et promis après tu pourras continuer d’envoyer des messages à tes petits camarades.
- Un dernier message? Demanda Caleb avec un sourire presque enfantin.
Simon se mit à rire, hochant la tête il resta près de son petit-fils qui tapa son message à une vitesse vertigineuse. Par curiosité il jeta un rapide coup d’œil et déchiffra rapidement “Arrête tes conneries. Jsuis en famille, j’tappelle ce soir.”
- Je crois mon garçon qu’il va être grand temps que tu retournes à l’école. Ton orthographe laisse à désirer. Heureusement que tu ne parles pas comme tu écris, ce serait un vrai désastre tu le sais ça?
- N’importe quoi j’écris très bien. C’est juste pour aller plus vite, puis il m’a saoulé là avec ses questions.
- Il t’a quoi?
- Enervé, il m’a énervé!
Sans cesser de grommeler, l’adolescent s’engouffrait dans la voiture de son père, à l’arrière avec sa grand-mère qui lui offrit son plus beau sourire. Il n’était pas difficile de se douter qu’elle était très fière de ce qu’elle avait vu avec James mais Caleb croisait les bras, regardant la route qui défilait sous ses yeux il fut surpris de les voir s’arrêter devant un magnifique bâtiment et lu.
- Eleven Maddison Park! Mais on fait quoi là?
- On va fêter ton anniversaire! S’écria sa grand-mère en riant.
- Quoi? On va manger ici? Mais c’est pas sérieux!
Les trois adultes descendirent de voiture, très fiers de cette surprise qui avait tout l’air de perturbé Caleb. S’approchant de son père, le garçon souffla.
- C’était pour ça la chemise alors!
- Je n’allais pas te laisser rentrer ici avec l’un de tes sweat. Je l’aurais assez mal vécu! Répondit James en passant un bras autour de ses épaules.
- Tu m’étonnes! Parvint à articuler Caleb les yeux grands ouverts.
Il avait dû mal à réaliser. Un repas dans un restaurant gastronomique, sa famille avait mis la barre très haute mais ce n’était pas ce qui le touchait le plus. Les voir tous ici, souriants, discutant de tout et de rien, être réunis. Son regard passait régulièrement de l’un à l’autre et Caleb malgré lui, sentit une boule se former dans son estomac. Pour que tout ne soit parfait, il ne manquait qu’une personne et l’adolescent se pinça les lèvres. Il était impossible pour lui de gâcher ce moment qu’ils semblaient tous apprécier et s’amuser.
- On sait bien que ton anniversaire n’est que demain mon chéri, mais on voulait profiter de le fêter vraiment tous ensemble. Lança Maddy en le couvant du regard.
- On passera te voir demain en fin de journée pour t’offrir tes cadeaux. Ajouta Simon en lui faisant un clin d’œil.
- Oh mais non, c’est déjà énorme qu’on soit ici. Faut pas abuser non plus!
- On a 15 ans qu’une fois dans sa vie, ne t’en fais pas! Ça nous fait plaisir! Le sermonna sa grand-mère en levant son verre pour trinquer.
De bonne grâce, Caleb leva son verre pour trinquer avec chacun d’entre-eux. Sans cesser de les remercier, il profita du repas ainsi que de la bonne ambiance et se tourna subitement vers son père.
- Mais, t’avais pas dit que tu voulais passer à la boulangerie?
- Oh j’ai dis ça? Sûrement une erreur de ma part! Ricana James en levant les yeux au ciel.
- Pourquoi passer à la boulangerie alors que le dessert arrive! Jubila Maddy en voyant un serveur s’approcher d’eux avec un magnifique gâteau.
Il y avait bien longtemps que Caleb n’avait pas pris autant de plaisir à fêter son anniversaire. Lorsque Simon lui suggéra de faire un vœu avant de souffler ses bougies, l’adolescent resta coi. Il plissa les yeux, sentit le regard de son père sur lui et soupira. Il savait qu’il voulait beaucoup de choses, et aussi étrange que cela puisse paraître, il ne souhaita pas en premier lieu retrouver sa mère. Il voulait comprendre, avoir des réponses, savoir qui étaient ces voix qui résonnaient tantôt dans ses rêves, tantôt dans son quotidien. C’était à ses yeux, le premier pas à faire pour remonter jusqu’au mystère de la disparition de Nirvelli. Une petite moue s’afficha sur son visage alors qu’il soufflait enfin ses bougies, son vœu était clair; connaître ses voix et peut-être leur mettre des visages.
Tout le monde applaudissait et au même moment, le tonnerre gronda plus puissamment que jamais. L’adolescent se raidit, jeta un bref regard vers le ciel qui devint noir et afficha son plus beau sourire, comme si de rien était. Sa main glissait dans sa poche, serra de toutes ses forces son téléphone pour canaliser son envie de provoquer l’oiseau qui décrivait de grand cercle au-dessus d’eux. Pas aujourd’hui, pas maintenant. Il avait promis à Simon de ne pas être sur son téléphone, de profiter de ce moment en famille et ça valait aussi pour lui.
Lorsque la petite famille quitta enfin le restaurant, Caleb leva la tête vers le ciel. L’oiseau était toujours présent, chaque grondement et éclair se répondant comme une symphonie bien orchestrée. Les épaules de l’adolescent s'affaissèrent et James n’eut qu’à lui lancer un regard pour comprendre. Il soupira, alluma une cigarette et fut rapidement rejoint par Simon qui choisit de tâter doucement le terrain.
- Il y a un souci? Quelque chose dont tu voudrais me parler?
- Non, ce n’est rien, c’est juste Caleb qui…Enfin, c’est Caleb. Répondit James en laissant échapper une volute de fumée.
- Qui grandit? Qui s’émancipe? Tu l’as bien élevé, je ne m’en fais pas trop pour lui. Sourit Simon qui dévia son regard vers son petit-fils en ajoutant. Il sait que quoi qu’il arrive, nous sommes tous avec lui et surtout il t’aime.
Caleb vint placer sa main sur son pendentif. Il cherchait ses mots mais ferma lentement ses yeux avant de parvenir à murmurer.
- Je n’ai pas peur de lui. Qui qu’ils soient et où qu’ils soient, je sais que les Grands Esprits me soutiendront. Je ne reculerai pas devant l’adversité, par fierté, par honneur et par devoir.
Le ciel se zébra dans différentes teintes de bleus allant jusqu’au noir, Caleb sentit les vibrations du tonnerre jusque sous ses pieds et sourit finalement en réouvrant les yeux. L’oiseau-tonnerre avait disparu et derrière lui son père l’appelait pour repartir.
- Alors dis nous. Est-ce qu’il y a un endroit où tu voudrais qu’on aille?
La première réponse qui vint à l’esprit de l’adolescent fut naturellement le lac, mais se ravisa avant de proposer le plus simplement du monde.
- Williamsburg. Ça fait un moment que j’ai pas mis les pieds là-bas, Camille m’a dit qu’ils avaient pas mal de nouveaux tableaux à la galerie d’art et que ça valait le détour!
- Oh! Je ne m’attendais pas à ça. Souffla Maddy en déposant successivement son regard sur son mari puis son fils.
- C’est une excellente idée, ton père nous a dit que tu avais de bonnes prédispositions en arts et que tes professeurs étaient toujours ravis de ton travail. Renchérit Simon en ouvrant la portière de la voiture.
Caleb lança un regard vers son père, surpris que ce dernier ait parlé de ses aptitudes à ses grands-parents. Il lui offrit pourtant un sourire qui se voulut affectueux et grimpa en voiture en murmurant tout simplement merci. Un petit mot mais qui ne put que combler de joie le cœur de James. Après tout Simon avait raison, son fils l’aimait et savait qu’il serait toujours là pour lui.
La fin de journée commençait déjà à s’annoncer quand la petite famille quitta enfin Williamsburg, Caleb avait mille couleurs en tête et offrait enfin un sourire sincère à ses proches. Ils pouvaient le voir dans ses yeux, à sa gestuelle plus détendue que d’ordinaire. Il donnait le sentiment d’être un adolescent comme les autres et les supplia de s’arrêter dans la papeterie la plus proche pour refaire le plein de crayons et autres nécessaires de dessins.
- T’exagères un peu non? Le houspilla James malgré son sourire.
- P’pa allez dis oui! Promis je te rembourserais quand je serais riche et célèbre! Reprit il de plus bel.
- Reste dans la voiture avec ta mère, j’emmène le petit. Décida Simon en faisant signe à son petit-fils de descendre.
James n’eut pas son mot à dire et arqua un sourcil en voyant son fils sauter de la voiture. Il le vit gratifier une fois encore son papi d’un large sourire et l’entraîner vers la boutique. Ce dernier riait de bon cœur avant de souffler lorsqu’ils furent hors de portée de la voiture.
- Merci, merci beaucoup! Avec ce que tu m’as donné j’ai de quoi faire, et puis tu vois c’est bien utilisé!
- Si ton père l’apprend il va me faire un scandale, tu en as conscience!
- T’inquiète je ne vais rien lui dire mais tu me laisses payer!
Dans un recoin de la boutique, Caleb ouvrit une nouvelle fois son enveloppe. Les pensées fusaient dans son esprit jusqu’à ce qu’il ne parvienne à faire le point. Il devait mettre de l’argent de côté et pour le reste, il pouvait largement trouver ici de quoi faire son bonheur pour les mois à venir. Crayons, feutres, pastel, bloc de feuilles à grain. Il poussait un soupir de soulagement en refermant la porte derrière lui et remonta en voiture sous le regard amusé de Simon.
- Si tu n’entends plus ton fils quand il est dans sa chambre, dis toi qu’il est en pleine activité créatrice. Taquina Simon à l’attention de son fils.
Le trajet du retour fut plus silencieux que jamais. Chacun semblant graver cette journée dans sa mémoire. Simon et Maddy de retour chez-eux, père et fils, n'attendirent pas longtemps pour en faire de même. Retrouver l’ambiance de la maison, profiter du reste de la soirée pour vaquer à ses occupations. James avait presque fini par oublier le petit moment de flottement qui avait eu lieu à la sortie du restaurant mais ce soir Caleb agissait comme tout ado qui se respecte, porte entrouverte dans sa chambre, musique de fond et bruit de crayon qui gratte sur le papier. Que pouvait-il espérer de mieux?
Voilà un chapitre plutôt calme par rapport à l'action. J'aime bien la volonté de la famille de resserrer les liens avec Caleb. Je me suis demandé pourquoi le grand-père cache le fait qu'il donne de l'argent à Caleb. Et puis, je n'ai pas compris à qui parlait Caleb à la sortie quand il dit :
"- Je n’ai pas peur de lui."
Là, j'étais un peu perdu sur les enjeux de qui sait quoi et qui s'inquiète de quoi...
A bientôt pour la suite !
Alors effectivement il m'apparaît comme évident le pourquoi Simon cache le fait qu'il donne de l'argent à Caleb mais lors de la phase de réécriture je remettrais tout cela au clair, de même pour la petite phrase de Caleb!
Tes remarques me permettent vraiment de pouvoir faire l'état des choses à retravailler et je t'en remercie sincèrement! Mais oui, il fallait bien un peu de calme dans tout ces aléas!
A très bientôt