Une si douce folie (02.06.2019)

Par Lutetia
Notes de l’auteur : On commence avec une histoire légère qui m'a été soufflée par ma sœur. Toute ressemblance avec des personnes réelles est potentiellement possible.

Elle sait que ce n’est pas raisonnable mais il y a bien une chose contre laquelle elle ne peut pas lutter. Elle a la main tendue, ses doigts tremblent, une goutte de sueur coule lentement sur son front. Comme si elle avait besoin de ce petit détail en cet instant.

« Sérieusement ! »

Elle passe une main nerveuse sur son visage en soufflant. Elle se croirait dans un film d’action. De ces long-métrages où le héros frôle la mort au moins vingt fois et désamorce des bombes à tout va. Les secondes passent, un silence plane …

« Tu veux de l’aide ?

– NON !… je me débrouille.

– Comme tu veux mais t’as l’air ridicule. »

Effectivement, la jeune fille est à moitié affalée sur la table, une jambe repliée sous les fesses, le genoux de l’autre à proximité de son visage. Elle n’est pas souple, loin de là mais cela fait un moment qu’elle réfléchit et elle a eu tout le loisir de se tortiller.

« Tout compte fait, aide-moi .. »

C’est presque une demande plaintive qu’elle fait à sa sœur, d’une toute petite voix. Elle relève la tête, son cerveau continuant à se demander si ce qu’elle s’apprête à faire est bien ou mal.

« Tu ferais quoi à ma place ?

– Ça sera là demain tu sais ..

– Oui mais c’est toujours meilleur le jour même ... »

Elle se redresse, les yeux toujours rivés sur l’objet de son désir. Elle hésite toujours, c’est vrai que maintenant qu’elle y pense, il serait plus raisonnable de laisser ça pour plus tard. Mais est-il sage d’être toujours guidée par la raison ?

« Et puis tu as mal au ventre, non ?

– Comment tu le sais ?

– Tu te compresses le bide depuis tout à l’heure. Tu fais toujours ça. D’ailleurs je n’ai jamais trouvé ça très logique de ta part ..

– Oh, ça va ! Ça marche bien pour les règles. »

Mais là c’est pire, tant qu’elle était dans sa drôle de position ça allait. Maintenant, elle n’a qu’une envie c’est s’allonger et respirer lentement.

« Oh et puis zut ! Si je ne la mange pas tout de suite, je suis sûre que quelqu’un va me la piquer.

– Tu peux toujours mettre un post-it ?

– Non, ça ne marche pas. La dernière fois, il avait disparu avec la dernière part de tarte. »

Elle ne fait pas confiance à sa famille sur ce point. Ils ne sont pas très dignes de confiance. À part sa sœur. Et encore, quand elle a faim, elle ne se prive pas. C’est juste que ça arrive moins souvent. Il faut absolument qu’elle prenne sa décision. Elle regarde son ventre, le tâte. Techniquement, il y a encore de la place pour ce qu’il reste. Bien que le déjeuner ait été copieux – celui de la veille aussi –, il semble qu’il y ait encore un petit espace. Rien qu’en repensant aux bonnes patates découpées en petits morceaux, sorties de la graisse de canard, encore chaudes et fumantes … et les cuisses de canard parfaitement cuite puis réchauffées au four, elle en a des frissons. La peau à la fois juteuse et craquante … Un pur délice pour les papilles ! Elle a toujours aimé le canard et cuisiné de cette façon, il est irrésistible. Et elle n’est pas la seule à l’avoir trouvé excellent. Sans dire que c’était la guerre à table, elle a bien envoyé quelques regards éclairs pour obtenir la cuisse qu’elle convoitait ! Non mais, personne ne se mettra en travers de son déjeuner !

« Bon qu’est-ce que tu fais alors ?

– Chut, je repense à ce midi … répond-t-elle en ôtant le filet de bave qui apparaît au coin de ses lèvres.

– Toi alors ! Tu m’impressionneras toujours, pouffe sa sœur. Tu as ouvert ton deuxième estomac, ça y est ?

– Pas encore .. je me .. concentre.

– Comme si ça demandait un effort ! »

Pff, elle ne sait pas ce que c’est ! C’est facile pour elle, elle a un estomac de moineau. C’est sûr qu’elle n’avait plus faim après l’apéro et l’entrée – de succulentes tomates accompagnées de mozzarella de bufflonne –, elle ne peut pas comprendre. C’est facile de se moquer.

« Je vais y arriver, ma volonté est plus forte que ça !

– Tu vas résister ? S’étonne sa sœur en ouvrant de grands yeux.

– Mais non, crétine, quelle idée saugrenue !

– C’est bien ce que je pensais, le contraire m’aurait même étonnée !

– Tss ..

– C’est que je commence à te connaître.

– C’est ça, aller vas t’en, tu me déconcentres. J’aimerai être tranquille.

– Comme tu voudras. Si je reste aux toilettes une heure, ça te dérange ?

– Haha, oust ! »

Comme si elle ne pouvait pas tenir. Elle en a connu d’autres.

« À nous deux, mousse au chocolat d’amour, susurre-t-elle en caressant du bout de l’index l’épaisse mousse aérée marron. Toi au moins tu ne te moqueras jamais. Et pour cause ! » dit-elle en plongeant sa cuillère – vous ne pensez tout de même pas qu’elle la mangerait à la main ? Elle est civilisée tout de même ! – en direction du cœur de l’assiette.

Lorsqu’elle amène la mousse à sa bouche, elle marque une pause. « Sa-vou-rer puis dé-vo-rer ! » c’est un peu son credo. Elle a déjà suffisamment observé l’objet de son désir alors elle hume l’odeur sucrée de chocolat et de calvados, s’en imprègne les sinus.

« Qu’est-ce que ça sent BON ! »

Ce cri vient du cœur et lorsqu’elle finit son hymne au chocolat, sa bouche se referme sur la cuillère. Ce n’est qu’alors qu’un bruyant soupir guttural se fait entendre. Mais elle s’en fiche royalement, rien ne peux l’arrêter !

Pas même son estomac qui commence à en avoir un peu marre d’être malmené et surtout qu’on ne l’écoute pas. C’est vrai quoi, sa maîtresse pourrait faire un petit effort … mais bon, tant que ce n’est pas ça tous les jours, il ne s’en sort pas trop mal.

 

Plus tard dans la soirée, la jeune fille est littéralement devenu un légume, incapable de bouger mais heureuse. Si elle avait plus attendu, ça n’aurait pas été pareil. Est-ce qu’elle essaye de se convaincre que ce qu’elle a fait est bien ? Peut-être mais ça marche. Au moins elle ne regrette rien, et elle le referait.

« Alors ?

– Ne te moque pas, je vais très bien !

– Et si j’appuie ?

– À tes risques et périls, à toi de faire un choix », répond-t-elle avec un sourire extatique. Peu importe ce qu’il lui arrive, elle s’en moque. D’accord, elle a un peu mal au ventre mais c’était si doux et plaisant. Elle n’a qu’à attendre et son estomac aura fait sa petite affaire.

Si il y a bien une chose qu’elle a appris avec toutes ses expériences, c’est qu’il faut être pa-tiente !

 

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Zoju
Posté le 13/04/2020
Salut, j’ai beaucoup aimé ce texte. On imagine parfaitement la scène et on s’ident au personnage (on a tous connu cette situation et ce plaisir coupable ). Les descriptions et les dialogues sont bien fluides et on prend plaisir à découvrir le pourquoi du questionnement. Au moment où je t’écris, il est midi et je dois avouer que ton récit m’a donné faim. 😁 Sur ce bonne appétit et je lirais ton autre texte dans la journée. Courage pour la suite.
Lutetia
Posté le 15/04/2020
Merci beaucoup pour ce retour :) !! À noter que c'est une situation qui est déjà arrivée avec ma propre sœur mais est-ce qu'elle l'a regretté ? Oh que non !
Zoju
Posté le 15/04/2020
Le contraire m'aurait étonnée
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