Brume amère,
Dans ce vallon solitaire.
Les Colchiques pleurent.
Les Colchiques pleurent…
Il était si fatigué…
Tenant à peine sur ses pieds
Les bras le long du corps,
Le garçon restait inanimé,
Le regard délaissé.
Comment y était-il arrivé ?
Dans ce vallon humide
Parsemé de Colchiques violacés.
Il n’aurait su dire…
Sur ces terres boueuses
Où il se sentait lentement s’ensevelir,
Le temps semblait s’être envolé.
Éloigné loin de cette vallée brumeuse,
Où se plaignaient sans faillir
Ces délicats bourgeons éparpillés.
Et lui se lamentait à leurs côtés…
Debout dans ce vallon
Depuis une infinité.
Sur les larmes abondantes
Des Colchiques violets.
Le garçon
Rêvassait une autre réalité.
Plongé dans la brume il repense,
À des songes oubliés.
Doucement…
Langoureusement…
Et les Colchiques pleurent.
Les Colchiques pleurent.
Dans ce val embrumé,
Où chaque seconde
Ressemble à l’éternité.
Mollement…
Affectueusement…
Il s’est laissé entraîné
Entre leurs soupirs monocordes,
S’écoulant sur la terre mouillée.
Et les Colchiques pleurent.
Les Colchiques pleurent.
Sous la brume
De ce vallon isolé…
Où le garçon se serait presque laissé effacer.
S’il ne s’était égaré
À travers l’humidité,
Un soupir désuet.
Tendrement…
Presque étouffé,
Sous les plaintes récitées.
Délicatement…
Cette robe ivoirine,
Qu’il avait autrefois contemplé.
Sous un parapluie translucide,
À présent, s’était redessinée.
Elle semblait évaporée,
Sous la nuée.
Et pourtant le garçon l’aurait reconnu
Les yeux fermés.
Car elle l’avait encore susurré.
Ce « je t’aime »,
Sans le regarder…
Et les Colchiques pleurent.
Les Colchiques pleurent…
Dans ce vallon solitaire,
Où l’histoire semblait se rejouer.
« Je t’aime… »
Et cette fois-ci,
Le garçon décida de l’appeler.
Priant…
« Pourquoi ne me regardes-tu donc jamais ? »
Mais elle ne réagit pas.
Suppliant…
« Pourquoi ton visage jamais ne m’a croisé ? »
Elle ne réagit pas.
Douloureusement…
« Quand j’ai passé ma vie à te contempler… »
Mais il n’eut droit qu’à un « je t’aime ».
Disséminé dans la vallée.
Et les Colchiques pleurent.
Les Colchiques pleurent.
Entre les déclarations dissipées,
De la jeune fille immaculée…
« Je t’aime ».
Et encore
« Je t’aime ».
Sous la brume
De ce vallon désolé…
Alors l’adolescent.
Désabusé…
Décida finalement,
De baisser les armes.
Et engourdi sous les plantes
Qui ne cessaient d’implorer.
Simplement…
Il laissa s’écouler ses larmes.
« Moi aussi… »
Avait-il alors de vive voix déclaré.
Désespérément…
« Moi aussi, ma belle,
Je t’ai toujours aimé… »
Et alors que déferlaient à présent
Ses pleurs de verre
Sur ses joues roses.
Soudainement,
Dans ce val
Aux bourgeons moroses…
Son cœur rata un battement.
Puisque face à lui,
Lorsque finement s’était écarté le brouillard.
La jeune fille d’ivoire,
Sous son parapluie.
Le regardait pour la première fois.
Inespérément…
D’un étonnement silencieux,
Mêlée d’un espoir ravivé,
Elle le regardait.
Et dans ses yeux
A la couleur des châtaignes,
Lentement la vie du garçon s’abandonnait…
Amoureusement…
Puis subtilement,
Après ce qui aurait pu être des années.
Que les pleurs du garçon,
S’étaient peu à peu arrêtés.
La jeune fille
Sous son parapluie clair,
Commença à s’atténuer.
Une pluie,
Câline,
S’échoua sur les Colchiques.
Puis sous les pieds du garçon,
La boue se dissipa.
Laissant place à un sentier
Menant à un portillon boisé.
Et il avança.
L’âme épurée,
Il marcha le long de ce chemin
Où désormais les petites fleurs violacées,
Plus un instant, ne gémissaient.
Comme si tout le vallon,
Sous les gouttes satinées,
S’était enfin apaisé…
Et observant encore un dernier instant,
Ce val
Peuplé de Colchiques.
Finalement…
Le garçon poussa le portail.