Val

Par e v a

Il arrive que les histoires d’amour commencent par des amitiés. Ainsi en était-il de la rencontre de Val et Corentin, dont les parcours de vie se croisèrent un matin de septembre lors de leur rentrée à la fac de philosophie. Elle venait alors tout juste de quitter le lycée et ne connaissait personne. Quant à lui, c’était un solitaire de longue date qui avait déjà deux ans d’études de droit derrière lui et qui avait décidé, après réflexion, de se réorienter dans une nouvelle voie qu’il jugeait plus épanouissante intellectuellement.

Dans le couloir, près de la porte d’entrée de la salle où allait avoir lieu le premier cours, il avait repéré la jeune femme discrète qu’elle était et l’avait trouvée vaguement jolie. Quand vint le moment de s’assoir, il lui avait poliment demandé si la place était libre avant d’installer ses affaires à côté des siennes. C’est ainsi que, très vite, Val et Corentin s’étaient rapprochés, se mettant à discuter de sujets variés. Aussi, Val remarqua-t-elle une ambiguïté dans l’attitude de son ami sans jamais savoir la nommer, jusqu’à ce que celui-ci finisse, en troisième année, par lui déclarer ses sentiments.

Val, quelque peu hésitante au début, avait fini par lui avouer les siens à son tour, consciente que si admettre l’amour était un risque, il était préférable de le prendre afin de ne pas laisser la frustration des non-dits s’installer. Il faut dire que la jeune femme n’était pas non plus insensible à l’authenticité et au franc-parler du jeune homme qui, ne cherchant pas à plaire ni à être autre-chose que lui-même, lui paraissait charmant. Ainsi commença le nouveau chapitre de leur relation, qui fut quelque peu perturbée par le départ de Val dans une autre université.

Un été passa, ponctué d’échanges de messages et Corentin promettait à Val qu’il ferait tout pour la revoir. Val attendait leur prochain rendez-vous avec impatience et quand les deux êtres fidèles se retrouvèrent enfin au mois d’octobre, ils s’embrassèrent pour la première fois, au parc, sur un banc public, avant de se blottir l’un contre l’autre. La saison automnale fut la plus belle, la plus tendre, et la plus romantique que leur relation connut. En effet, c’est sous un vent frais et une pluie de feuilles mortes que furent prononcées les plus belles paroles et échangés les plus doux baisers. Val se mit à songer à une vie nouvelle : une vraie vie de couple. Désormais, Val avait envie de rendez-vous moins espacés, de projets communs, de sorties à deux.

Mais très vite, l’attitude de Corentin se mit à changer, envoyant valser toutes les projections de la jeune femme. Durant tout l’hiver, il trouva une multitude de prétextes afin d’annuler leurs rendez-vous, mettant beaucoup plus de temps que d’habitude à répondre aux messages et ne relançait pas les conversations. Le jeune homme, qui avait l’air si sur de lui au début, n’était, de toute évidence, pas prêt à s’engager. Val, désormais plongée dans la désillusion, commença à s’interroger. Avait-elle fait ou dit quelque-chose de mal ? Corentin avait-il une autre fille en vue ? Il s’agissait peut-être de cette nouvelle amie dont il lui avait parlé, à moins que ce ne soit toute autre chose.

Après un silence de plusieurs semaines, Val était bien décidée à le confronter. Elle lui envoya un long message dans lequel elle lui proposa « une dernière fois » qu’ils se revoient. S’il ne donnait pas suite à sa sollicitation, elle ne proposerait plus. Corentin lui proposa alors une date pour un rendez-vous, durant lequel il s’excusa de s’être montré si distant et informa Val qu’il avait perdu son grand-oncle en janvier, ce qui expliquait qu’il avait traversé une mauvaise période durant laquelle il n’avait pas eu envie de parler. Val lui présenta ses condoléances. Corentin essaya de la rassurer, lui disant qu’il était prêt à repartir de zéro avec elle, à s’investir davantage et il y eut de nouveau des belles paroles, des étreintes et des baisers. Malgré cela, Val était triste. Triste que Corentin ne lui ait pas annoncé plus tôt qu’il était en deuil, triste qu’il l’ait abandonné et de ne pas avoir pu le réconforter comme elle l’aurait souhaité, lui qui avait préféré la compagnie de ses amis et s’était plongé dans d’autres occupations.

Elle s’inquiétait pour la suite de la relation, et ses craintes s’avérèrent légitimes : contrairement à ce qu’il avait dit, Corentin ne s’investit pas davantage dans la relation. Ce fut même plutôt l’inverse : il ne lui écrivait plus et quand ils se voyaient, ce qui devenait rare, il montrait de moins en moins de signes d’affection à l’égard de celle qu’il prétendait aimer.

Val souffrait de la situation, mais ne dit rien, cette fois. Sans doute préférait-elle laisser les choses évoluer d’elles même, sans insister, et puis tant pis pour l’évolution de la relation. De toute façon, elle savait que la distance ne faciliterait pas les choses. Val était, pour ainsi dire, désespérée. Ses amis lui disaient que Corentin n’était peut-être pas l’homme de sa vie, qu’il fallait qu’elle passe à autre chose mais de son côté, elle l’aimait encore, et ne pouvait envisager de le quitter.

Ce fut donc lui qui le fit.

Un jour d’été, alors qu’elle préparait le déjeuner, elle reçut un message sur son téléphone qui lui annonça, d’une manière qu’elle trouva particulièrement laide et bâclée, que c’était terminé.

La rupture, elle l’avait envisagée dans son esprit, sans jamais penser que cela deviendrait concret. Ce qu’elle avait imaginé ne ressemblait pas à ces « on ne s’est jamais vraiment compris » ou ces « on n’a jamais vraiment eu les mêmes envies » qui sonnaient comme des « on ne s’est jamais vraiment aimé », ce qui, du point de vue de Val, aurait été le plus grand des mensonges. Car effectivement, Val avait aimé. D’un amour sincère. Sans tout comprendre peut-être, mais à sa décharge, il ne lui avait pas tout dit.

A présent, Val ressentait un profond sentiment d’injustice : elle qui avait tant espéré, tant imaginé, venait de se faire larguer, vulgairement, en un message, par un homme qui, peut-être, avait cessé de la considérer depuis bien longtemps.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Vous lisez