Vamys I

Ma chère Ilma, 

Si tu savais tout ce que j’ai vu, les magnifiques cités que j’ai explorées, les reliques et édifices que j’ai pu admirer. 
Il y a eu cette ville traversée par de nombreux canaux, dont les bâtiments d’un blanc éclatant sont reliés par des ponts aux décors végétaux si finement réalisés qu’on croirait des vrais. Pourtant, il n’y avait aucune plante, aucune verdure. Tout n’était que minutieuses sculptures dans une pierre douce et solide à la fois, mate et brillante. Quand j’ai plongé mon regard dans le canal où l’eau s’écoulait sans remous, j’ai compris où se trouvaient les habitants : en son lit. Ne reste d’eux que des squelettes éparpillés, superposés, emmêlés. 


Plus tard, j’ai parcouru une autre cité, dissimulée dans un cratère que l’on voit depuis l’espace. À son sommet, je ne distinguais que des pics rocheux et de la verdure. En descendant en son cœur, j’ai découvert une ville excavée dans la pierre et bâtie dans les arbres immenses qui y poussent. Des salles, lieux de vie, de rencontre et d’échange ont été creusées dans le minerai sombre, volcanique. J’ai arpenté les allées d’un ancien marché, dont certains étals sont encore garnis de créations artisanales en très bon état. Les fruits et légumes, eux, sont bien moins attrayants. Ils ont séché, parfois moisi. Je doute qu’ils soient toujours comestibles. Les arbres sont eux des lieux de résidence. Les cabanes suspendues aux branches sont accessibles par un escalier en colimaçon ceinturant le tronc. J’ai retrouvé certains habitants dans leur lit, aussi secs que les pommes du marché. Ils semblent être morts paisiblement.

 
Aujourd’hui, je t’écris d’un autre endroit extraordinaire. Je suis entouré de statues de pierre, ou plutôt de centaines d’êtres figés dans le temps pour une raison qui m’est inconnue. Tous se dirigent dans la même direction, le regard tourné vers le ciel. Ils ont l’air d’avoir été surpris dans leur déambulation. Certains se tiennent la main, d’autres portent leur enfant dans les bras ou s’appuient sur une canne sinueuse. Leur corps est en bascule, prêt à se remettre en marche. Le temps s’est arrêté subitement et j’ai l’impression qu’il va reprendre son cours d’une minute à l’autre, réveillant ces êtres d’un sommeil imposé.


Ces mondes sont magnifiques. Pourquoi faut-il qu’ils se soient eux aussi écroulés ? Peu importe la planète, je semble être le seul survivant de l’Extinction. Tous mes espoirs s’envolent au fur et à mesure que ma quête avance. 

Je suis encore bien loin de toi, mais chaque pas me rapproche un peu plus de nos retrouvailles.

Ton bien-aimé Vamys

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Herbe Rouge
Posté le 14/06/2023
Celle-ci est plus longue est plus intrigante. Par contre, j'ai été surprise qu'il parle d'être le seul survivant de l'extinction alors qu'il écrit une lettre à sa bien-aimée... se pourrait-il que sa bien-aimée ne soit pas vivante elle-même ? (IA ?).
Il ne me reste plus qu'à lire la suite pour le savoir :)
Mnémosyne
Posté le 06/09/2024
C'est vraiment intéressant de pouvoir suivre ton chemin de pensée et les questions qui te viennent, merci pour ce partage :)
Nathalie
Posté le 04/02/2023
Bonjour Mnémosyne

Sa réponse fait froid dans le dos. Il chevauche sur le dos de la Mort. Se trouve-t-elle en enfer, sa belle qui l'attend ?

Je trouve sa réponse froide. Entre elle qui lui décrit physiquement son amour et lui qui lui décrit sa quête, j'ai la sensation d'un échange de sourds.
Mnémosyne
Posté le 02/03/2023
Bonjour Nathalie,

Un échange de sourds, il y a sûrement de cela, oui. A découvrir dans les prochaines lettres ;)
Zlaw
Posté le 13/01/2023
Rebonjour !


Après ce chapitre j'arrête pour ce soir, histoire de ne pas tout engloutir d'un coup, même si c'est tentant. xD

Je trouve que la façon de distinguer l'écriture d'Ilma et Vamys, elle en italique et lui sans typographie particulière, est une bonne idée. Ce n'est pas grand chose, mais je pense que ça vaut le coup de le dire quand même.

Au-delà de ça, je ne sais pas si c'est volontaire, mais je suis forcément frappée par le cœur de leurs interventions respectives. Elle n'a parlé que de Vamys et ses rêves de lui, et d'absolument rien de ce qui se passe autour d'elle, d'où elle est. Vamys, quant à lui, est tout dans la description concrète, et les interrogations sur les faits dont il n'a que des indices. Il est très tôt pour le dire, mais ça donne une opposition rêveuse/terre-à-terre assez équilibrée. Il a aussi des mots pour elle, bien sûr, mais leur appariement est d'autant plus intéressant qu'on devine qu'ils se complètent peut-être un peu. C'est toujours bien, de se compléter, non ? ^^

J'ai beaucoup aimé tes descriptions des civilisations éteintes. Les architectures sont folles !
- La première ville, finement taillée dans la roche, m'a donné une petite impression d'Angkor Wat et toute la culture asiatique environnante, de temples avec mille sculptures plus détaillées les unes que les autres. Avec la végétation tropicale en moins, je suppose.
- La seconde, avec la forêt habitée au cœur d'un cratère volcanique, m'a juste terriblement donné envie. C'est le top, d'être à la fois sous terre (bon, d'accord, dans un genre de vallée, mais ça compte) et dans les arbres, pour moi. Le meilleur de deux milieux. *o*
- La dernière population n'est pas sans évoquer Pompéi. Que leur est-il arrivé ?

C'est curieux, et c'est peut-être juste moi, mais je ressens un mélange d'espoir et de désespoir, derrière les mots de Vamys. Ces peuples sont tous morts, dans des circonstances plus ou moins brusques, et ça, ce n'est pas amusant. Mais parallèlement, je ne sais pas, c'est peut-être le fait qu'ils soient tous partis ensemble et quelque part sans heurt, qui me rassure un peu ? Si la fin du monde devait arriver, ce serait sans doute le moins horrible que tout le monde s'en aille d'un coup d'un seul, sans personne laissé derrière.

Mais Vamys ne l'entend pas de cette oreille ! Malgré l'Extinction avec un E majuscule qu'il évoque et constate de première main, il compte bien ne pas être emporté par cette vague de finitude. Je me demande où ça va le mener ! Il a déjà fait pas mal de chemin, en seulement une lettre !

Enfin, je suis étonnée par le fait qu'il se dirige vers Ilma. Est-ce une métaphore ou bien est-ce concret ? Si c'est à prendre au pied de la lettre (jeu de mot à part), comment peut-il cheminer vers elle alors qu'il l'a quittée ? Évoluent-ils dans un univers torique ? Un disque dont il parcourt la circonférence, peut-être ? Et si c'est métaphorique, alors c'est beau aussi. ^^


À bientôt !
Mnémosyne
Posté le 15/01/2023
Rebonjour,

J'adore lire ton cheminement de pensée. Je souris en me disant que certains effets ont bien fonctionné, je m'interroge en me demandant si, une fois le dernier chapitre lu, tout s'éclairera, je réfléchis en me disant que je devrais retravailler certaines remarques à partir de ce que tu me dis...

Bref, merci pour l'aide et les encouragements que tu m'apportes à travers tes commentaires !
Mnémosyne
Posté le 15/01/2023
Oh, je me permets de rajouter :
Pour les décors, je me suis inspirée d'énormément de films, séries, animes et livres, que j'ai adaptés à ma guise. Je suis contente que cela te plaise !
Eska
Posté le 09/01/2023
Comme dit précédemment par Adrien Vermeil, la forme épistolaire est originale et intéressante pour ce style de récit ! J'aime aussi beaucoup le fait qu'un début d'intrigue se révèle en filigrane dans les observations de Vamys.

Si je peux me permettre une question/remarque : As tu pensé à préciser un peu plus la relation entre les deux personnages par l'intermédiaire des échanges ? Je trouve qu'Ilma et Vamys parlent, en définitive, très peu d'eux.

Du reste, les mondes décrits dans cette lettre sont empreints d'une belle poésie, j'aime notamment beaucoup ce monde de statues, comme arrêté d'un seul coup !

Etant moi même coutumier du fait, attention aux quelques maladresses d'orthographe dont je ne doute pas que tu sauras les voir à la relecture !
Mnémosyne
Posté le 09/01/2023
Je te remercie pour ton commentaire et tes remarques, auxquelles je vais réfléchir.

La relation entre les personnages va se préciser au fur et à mesure de la nouvelle. Elle est assez courte, donc je n'ai pas développé les éléments à outrance. Je me suis concentrée sur l'intrigue et la chute. En espérant qu'elle soit comprise !

Concernant les maladresses, si tu peux me les indiquer... je ne les vois pas malgré mes relectures.

Je te remercie
Eska
Posté le 09/01/2023
Statues et non statuts, à moins que ce ne soit volontaire auquel cas mea culpa.

J'étais persuadé d'en avoir vu d'autres, mais je me suis visiblement trompé, toutes mes excuses !

Peut être une redondance sur les termes verdure et pierre ? Ce dernier revient sur les trois paragraphes. Cela peut éventuellement être évité en précisant sa nature comme "du granit" "du calcaire" etc...

Du reste, si c'est un format court, ton choix me semble judicieux, hâte de lire la suite et voir où tu nous emportes !
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