« Pour de belles plantes
En toutes saisons,
Savez-vous mes charmantes
Quelle est ma potion ? »
Un soubresaut.
De l’autre côté
Du portillon de bois,
S’était élevé ce timbre guttural.
Comme un refrain
Entrecoupé par des sons de cisailles,
Alors que se dévoilait devant le garçon,
Un joli petit jardin…
Protégé par un enclos brun,
Il était traversé d’un sentier en dalle
Entrelacé de buissons
Au profond rouge carmin.
Des œillets étincelants,
Soignés si scrupuleusement
Que l’adolescent ne put se résigner
À s’arrêter un instant.
Et tandis qu’il se pencha,
Tout doucement pour les admirer.
Cette caverneuse tonalité,
Un peu plus loin recommença :
« Savez-vous mes charmantes,
Quelle en est le secret ? »
Ce n’est qu’alors qu’il remarqua,
Quand scinda à nouveau un sécateur,
A l’autre bout du chemin en fleur
Quelqu’un, occupé juste là.
« En toute transparence,
Je m’en vais vous le compter… »
C’était un petit lutin
Taillant les feuilles désordonnées.
Le garçon l’observa avec fascination,
Délicatement les sectionner.
Tandis qu’aussi douce que son toucher,
Sa voix continuait cette chanson :
« Labeur de longue haleine,
Mes chères.
Il arrive des sécheresses d’été,
Autant que des hivers… »
Ses doigts ardus,
Tendrement caressèrent les pétales vermeilles.
D’une bonté telle,
Que le garçon n’en avait jamais vu…
« Mais qu’importe les orages d’automne,
Qu’importe les saisons. »
Et alors qu’il continuait d’écouter
Les rimes de ce nain de jardin.
« Lorsque viendra le temps des bourgeons
Mes belles, n’en doutez pas une seconde. »
Devant ses yeux soudain,
Un œillet venait de s’envoler.
Se posant délicatement,
Dans la paume tendue de sa main.
« Que l’éclosion de votre beauté
À la lueur du printemps.
Pour votre fidèle jardinier,
Toujours, en vaudra tous les tourments… »
Et il sembla soudain…
S’échapper une multitude de sensations
Le long du petit chemin,
Dans lesquelles se dissipa le garçon…
Sur un vaste mont
Comme une ardente chaleur,
Sous un blanc nuage de coton.
À l’ombre d’un vallon
Un ruissellement joueur,
Parsemés de violets bourgeons.
Tant de perceptions
Qui l’envahissait
Toutes à la fois
Comme un bouquet.
Et puis…
« As-tu des fleurs,
Toi aussi ? »
Entre toutes.
Un souffle de rosée…
Reprenant peu à peu ses esprits,
Le garçon baissa son regard
Vers le petit jardinier
Qui venait de s’enquérir face à lui.
Et enserrant fermement
Dans le creux de sa main
L’œillet carmin.
Comme un battement de cœur concis,
Il a déclaré sans faiblir :
« J’en ai une,
Oui. »
Et doucement,
Derrière lui.
Le portillon brun,
Au fond du rouge jardin.
C’était alors refermé.
Alliant dans un cliquetis inaudible,
Tous les émois bariolés
Que l’adolescent dans son périple avait emporté.
Et le lutin sourit…
Avant de s’en retourner
Auprès de ses œillets,
Sans autre forme de procès.
Alors le garçon avança sur les dalles de pierre
Cheminant à l’orée des clairières ;
D’un commun au revoir muet,
Entre lui, et le preux jardinier.
Ô joli mai…
C’est ainsi qu’au son des cisailles,
Le garçon s’en est allé.
Qu’il s’en est allé
Le long des clairières sauvages,
Le regard déterminé.
Maintenant contre lui son œillet,
Le cœur en milles couleurs,
Avant de murmurer.
« Je viens te chercher,
Ma jolie fleur… »
Ô Joli mai.
Gentil jour de mai à tes dernières heures…
L’Ouest a soufflé à nouveau le Zéphyr.
Et c’est ainsi qu’il s’est envolé,
Un « je t’attendrai »,
Sous l’Églantier fleuri…
Bonne continuation !