VIII. FEARGUS DOW

VII. FEARGUS DOW

            

            Le matin du premier jour, Arthus fut réveillé en sursaut par des coups répétés sur la porte du dortoir. Autour de lui, les trois autres lits étaient défaits mais aucune trace des garçons avec qui il devait cohabiter.

            La veille, après que Moira l’eut forcé à avaler trois parts de tourte aux petits pois et au lard, Arthus avait regagné sa chambre. Compte tenu de l’heure tardive, il pensait y retrouver les autres Don à rien, probablement déjà endormis. Mais, contre toute attente, le dortoir était encore désespérément vide à son retour. 

            Alors qu’il s’apprêtait à se glisser sous les draps tout habillé, Arthus avait entendu quelqu’un toquer à la porte de l’armoire en bois qui jouxtait son lit. Quand il avait ouvert la penderie, il y avait découvert une longue robe de nuit propre qui semblait parfaitement à sa taille. Sur l’étiquette, attachée au crochet au cintre, une drôle d’instruction avait fini de le décontenancer : « Merci de mettre en boule votre linge sale sous le lit ». Arthus avait immédiatement pensé à sa mère. Si lui ou une de ses sœurs avaient osé faire une chose pareille à la maison, Élisabeth Pumpkin leur aurait passé le savon du siècle. 

            Arthus avait finalement trouvé le sommeil par il ne savait quel miracle. Augustin, qui n’était décidément pas un livre comme les autres, occupait toute la place et ronflait comme un sonneur. Qui lui avait offert ce drôle de don ? Le mystère restait entier.

            Les coups se firent plus insistants. Arthus se frictionna vigoureusement le visage du plat des mains pour se réveiller tout à fait puis sauta du lit. Il entrebâilla la porte du dortoir en prenant soin de ne pas se dévoiler entièrement. Ewen, le front plissé par l’impatience, le toisa de la tête aux pieds.

            — Dis-moi que je rêve... lâcha-t-elle en haussant les sourcils. Je te donne trois minutes pour t’habiller. Il est hors de question qu’on arrive en retard.

            Visiblement, ils étaient attendus quelque part ; ne restait plus qu’à savoir où.

            — J’a... J’arrive, assura Arthus en refermant la porte. 

            Comme ses valises n’avaient pas encore été livrées, il se précipita devant l’armoire dans l’espoir d’y trouver une tenue un peu plus correcte qu’une chemise de nuit. La penderie était malheureusement vide. Arthus la referma d’un coup sec et l’ouvrit à nouveau. Toujours rien.

            Il fallait qu’il trouve une idée et vite. Il balaya le dortoir du regard et considéra du coin de l’œil Augustin qui dormait encore profondément. L’artificium était bien censé lui offrir un peu de magie en cas de besoin mais Arthus jugea que la situation n’était pas si critique que cela. Il fallait peut-être insister davantage.

            Arthus approcha son visage des portes de l’armoire et dit simplement :

            — Il y a quelqu’un ?

            Il se sentit d’abord très bête, mais quand il ouvrit l’armoire, il découvrit qu’une tenue fraîchement repassée venait d’y être pendue. Arthus remarqua qu’une étiquette était accrochée au cintre : « Pour obtenir des vêtements propres, merci de toquer trois fois ET DE S’Y PRENDRE À L’AVANCE ». Message reçu, pensa Arthus. La blanchisseuse n’était finalement pas si différente de sa mère. 

            Il enfila dans la précipitation l’uniforme qui avait été mis à sa disposition. Il s’agissait d’une chemise aux manches bouffantes, d’un veston et d’une paire de chaussettes montantes. Arthus garda pour la fin la pièce la plus impressionnante de la tenue : un kilt en laine marron de mauvaise facture qui se mit à le gratter immédiatement après qu’il l’eut passé. En vitesse, il rentra sa chemise dans cette drôle de jupe qui recouvrait ses genoux mais ne parvint pas à l’attacher convenablement. Il décida qu’il règlerait ce détail en chemin. Il se dirigea vers la porte quand il s’aperçut qu’il avait oublié de mettre ses chaussures. Heureusement, pas de formule compliquée pour les obtenir. Une paire de bottines à lacets l’attendaient sagement au bas de la penderie.

            Au passage, Arthus réveilla son artificium et l’enfourna dans son sac. Augustin protesta avec indolence. Il était hors de question que ce fainéant passe la journée à dormir pendant qu’Arthus découvrirait à quoi ressemblait sa nouvelle vie. 

            — J’ai connu des grabataires plus rapide que toi ! lui lança Ewen, à peine Arthus l’avait-il rejointe. 

            L’entrée en matière de la jeune fille confirma ses doutes. Ewen n’était définitivement pas quelqu’un de sympathique.

            — Le dernier sans pouvoir à être arrivé en retard s’est retrouvé en cuisine à peler des patates avec ses ongles… 

            Ou alors était-elle simplement effrayée, pensa-t-il.

            Comme la veille, il se mit à lui courir après. La chose lui parut cependant moins aisée puisque son kilt n’était toujours pas correctement attaché. Arthus tentait désespérément d’en boucler la ceinture tout en gardant Ewen en ligne de mire.

            Il eut le temps de remarquer qu’elle portait le même uniforme que lui. Ce n’était pas le cas de tous les mages qu’ils croisèrent ce matin-là dans les couloirs du château. La différence résidait dans la couleur du tartan de leur kilt. En dehors du magistère, il était difficile de définir à quel clan appartenait un mage avant qu’il n’ait fait usage de sa magie. Mais ici, à Castlerock, les choses semblaient bien plus codifiées. Un simple coup d’œil au kilt d’un mage suffisait pour identifier la famille dont il était issu. 

            — Où est-ce qu’on va ? s’enquit Arthus en maintenant son kilt d’une main.

            Ewen lui lança un regard en coin.

            — Nous sommes le premier lundi du mois. C’est le jour où les magistres, leur apprenti et leur assistant se regroupent dans la salle du conseil pour obtenir leur nouvel ordre de mission. 

            Arthus se souvint alors de ce qu’avaient dit les Matriarches au sujet de ses nouvelles fonctions. L’assistant magistre, c’était lui désormais.

            Les deux Don à rien gagnèrent le hall du château qui grouillait de mages au moins aussi pressés qu’eux. Arthus évita de justesse un jeune garçon qui portait un gros aquarium rempli de têtards fluorescents puis, toujours dans l’espoir de ne pas perdre de vue Ewen, il devança une adolescente qui poussait un chariot sur lequel s’entassaient de vieux grimoires et manqua de bousculer trois broonies qui transportaient des seaux de suif. La cheminée était allumée et il faisait bon. Arthus repensa au tableau que lui avait dépeint ses sœurs. Vivre à Castlerock n’était peut-être pas si terrible que cela… Si l’on arrivait à l’heure, se souvint-il alors.

            — Bonjour, Carron ! lança Ewen à l’intention du masque de pierre qui ornait le chambranle. Il la salua en retour avec un sourire chaleureux.

            Ewen et Arthus gagnèrent finalement le premier étage du magistère en empruntant un bel escalier en pierre. Voyant qu’Arthus traînait la patte, Ewen se décida enfin à l’attendre. Elle souffla avec humeur en dégageant sans ménagement la main du garçon qui tenait toujours son kilt.

            — C’est pas compliqué. Tu attaches ton kilt exactement comme si tu bouclais une ceinture, expliqua-t-elle en ajustant la lanière de cuir. Bon, tu es entre deux tailles, alors rentre le ventre. Ce sera toujours mieux que de retrouver ton kilt à tes pieds en plein conseil.

            Un bruit métallique résonna tout à coup derrière les deux sans-pouvoir.

            Arthus se retourna et remarqua un jeune mage appuyé contre le mur du couloir. Ses mains étaient enfoncées dans les poches de son kilt aux couleurs des Élémentaires. Les côtés de son crâne étaient rasés mais une longue queue de cheval prenait naissance sur son sommet. À ses côtés, un autre garçon au visage aussi rond qu’une tête d’épingle avait du mal à contenir sa jubilation. Sa toute petite tête tressautait sur un corps qui aurait pu ne pas être le sien tant il était gras. Arthus remarqua qu’à leurs pieds gisait l’un des seaux de cendres des elfes de maison. Prostrées dans un coin du couloir, les petites créatures n’osaient plus bouger.  

            — Comme je suis maladroit ! reprit le mage avec un sourire ambigu.

            S’il avait renversé le seau par mégarde, pourquoi ne s’était-il pas précipité pour nettoyer tout ce bazar ? se demanda Arthus. C’était en tout cas ce qu’il aurait fait si quelque-chose de semblable lui était arrivé. 

            — Quelle chance que vous passiez par-là ! s’exclama l’Élémentaire à l’attention des deux sans pouvoir.

            Arthus se demandait ce que le garçon attendait d’eux. Était-ce une manière maladroite de réclamer de l’aide ?

            — Allez, réclama le garçon d’un coup de menton en direction du monticule de suif.

            De nature serviable, Arthus commença à revenir sur ses pas mais une main solide lui agrippa le bras. Ewen le tira en arrière, s’interposant ainsi entre lui et le jeune mage.  

            — N’y pense même pas ! lança-t-elle à Arthus, les sourcils froncés. On y va !

            Ewen rebroussa chemin sans s’inquiéter du mage qu’elle venait de provoquer. Celui-ci décolla son dos du mur et croisa les bras sur son torse. Il ne souriait plus du tout et ses yeux s’étaient rétrécis sous l’effet de la colère. Il fixait Ewen qui s’éloignait d’un pas assuré.

            Le mage décroisa alors ses bras puis tourna ses paumes vers le plafond. Il ferma les yeux et, alors qu’il venait de serrer ses poings, la fenêtre la plus proche s’ouvrit, projetant ses battants contre le mur avec violence. Il n’en fallut pas plus pour que les broonies s’enfuient en piaillant. L’Élémentaire tendit alors son bras droit en direction d’Ewen. Un torrent d’énergie floue jaillit alors de la paume de sa main. Ewen fut immédiatement projetée contre le mur, incapable de s’en décoller tant le fluide contraignait son dos. 

            Arthus était sidéré. C’était la première fois qu’il voyait un mage utiliser sa magie contre un autre. C’est alors qu’il réalisa qu’Ewen n’était pas un mage, elle était une sans pouvoir. Voilà pourquoi l’Élémentaire avait exigé d’elle qu’elle nettoie le sol. Cette seule différence justifiait aussi qu’il use de sa magie à son encontre.

            Une colère sourde gronda dans le ventre d’Arthus mais l’impuissance le figeait sur place. Le mage continuait de malmener Ewen sous les éclats de rire de son acolyte. 

            Arthus saisit Augustin au fond de son sac. 

            — Augustin, j’ai besoin de toi ! 

            L’artificium s’éveilla tranquillement. Quand il aperçut la jeune fille plaquée au mur, il fut parcouru d’un frisson qui fit frémir toutes ses pages. Il ne lui fallut pas plus d’explication pour comprendre que la situation était alarmante.

            — Regarde la table des matières ! ordonna-t-il à Arthus.

            Augustin retrouva sur l’instant la rigidité d’un livre normal pour qu’Arthus puisse le consulter à sa guise. Il l’ouvrit à la première page et, face à toutes les entrées du sommaire, il se maudit de ne pas avoir eu l’idée de le consulter plus tôt ! Arthus appuya son doigt sur chacune des lignes manuscrites. Il dû faire un effort surhumain pour parvenir à les déchiffrer dans l’espoir d’y découvrir à tout instant un chapitre qui aurait porté le nom de : « Riposte contre les attaques surprises ». Bien sûr, ce ne fut pas aussi facile. Quelque-chose devait bien pouvoir faire l’affaire mais Arthus n’avait plus le temps de chercher. Ewen étouffait sous la pression de la bourrasque. 

            Arthus se força à réfléchir aux choses qu’il savait sur les Élémentaires. Il se souvint alors avoir lu que seuls les mages les plus entraînés, et donc, les plus âgés, parvenaient à recréer les éléments. Catriona avait bien essayé et cela lui avait valu de nombreuses mésaventures. Un mage d’une quinzaine d’années avait absolument besoin d’une source élémentaire dans laquelle puiser pour que sa magie s’exprime. Une lueur d’espoir raviva le regard d’Arthus. Il n’avait pas besoin de magie pour sauver Ewen ; il lui suffisait de priver le mage de sa source d’énergie et c’était aussi simple que de fermer une fenêtre !

            Enhardi, Arthus observa les choix qui s’offraient à lui afin d’atteindre la fenêtre. Le vent que projetait le jeune mage lui barrait la route. S’il le traversait, nul doute qu’il serait assommé sur le champ. Arthus ne voulait plus perdre de temps et choisit l’option la plus sûre mais aussi la moins glorieuse puisqu’elle consistait à ramper à plat ventre sous le faisceau d’énergie.

            Arthus atteignit bientôt la fenêtre et la referma sans tarder. La source d’énergie du mage commença à faiblir avant de se tarir tout à fait. Ewen retomba au sol, sonnée. 

            — Pour qui est-ce que tu te prends, don à rien ! 

            L’Élémentaire dirigea alors sa main en direction de l’une des torches qui illuminait le hall, dévoilant par la même occasion son intention. C’est alors qu’un curieux volatile en papier lui sauta au visage en rabattant ses couvertures contre ses joues.

            Sans trop se poser de questions, Arthus courut jusqu’au seau de cendres qui gisait encore par terre.

            — Augustin ! hurla-t-il. Pousse-toi !

            L’artificium s’extirpa des sales pattes du mage et s’envola plus loin. Au même moment, Arthus enfonça le seau sur la tête du garçon et lui assena un violent coup de pelle en bois. Le coup retentit comme un gong avant que l’Élémentaire ne s’écroule au sol. 

            Arthus rejoignit Ewen pour l’aider à se relever pendant que tête d’épingle en faisait de même avec son camarade, l’air idiot en plus.

            — Il va voir ce qu’il va voir ! cria-t-elle, reprenant du poil de la bête. 

            Alors qu’elle proférait ses menaces, l’expression sur son visage changea. Ce n’était plus tout à fait l’Élémentaire probablement encore étourdi qu’elle regardait.

            — Ho, ho... 

            — Quoi, « Ho, ho» ? demanda Arthus sans oser se retourner. Qu’est-ce qu’il y a ? 

            Alors qu’il prononçait ces mots, une énorme main empoigna le tissu de sa chemise et le souleva du sol. 

            — Ewen, aide-moi ! supplia Arthus dans un cri étranglé.

            Un grognement animal fit vibrer tout le corps du garçon. D’un geste habile, la créature retourna Arthus. Le garçon avait presque disparu sous sa chemise. S’il avait pu choisir, il aurait aimer s’y perdre tout à fait. 

            Carron, en chair et en os, lui offrait un regard courroucé.

            — Elle ne tentera rien du tout, crois-moi, petit Don à rien ! gronda le gardien.

            — Carron ! hoqueta Arthus. Je n’aurais pas dû ! Je suis vraiment désolé ! Mais il a attaqué Ewen et il allait utiliser le feu contre moi !

            — Arrête donc de pleurnicher, chuchota alors le bouc humain, et dit moi plutôt si l’Élémentaire que tu as mis KO est encore là ?

            Arthus se pencha légèrement pour vérifier.

            — N... Non, il est parti. 

            — Parfait ! dit Carron en le déposant sur la terre ferme. 

            Le gardien réajusta la chemise d’Arthus et lui octroya une tape amicale dans le dos qui le projeta un mètre en avant. 

            — Nom d’une gargouille rabougrie, vous formez une fine équipe quand il s’agit de chercher les problèmes ! Voyons, quelle mouche t’a piqué ? T’en prendre à Boyd Macleod le matin de ton premier jour au magistère, c’est sacrément culotté ! 

            Arthus, l’air un peu cloche, essaya de rassembler ses esprits.

            — Tu n’es pas...

            — Je ne suis pas quoi ? Seulement un masque de pierre ? 

            Carron éclata d’un rire franc.

            — Je suis un faune ! Le faune qui garde ce château et qui, plus d’une fois, est venu sortir Ewen d’un mauvais pas. Mais je dois vous avouer qu’aujourd’hui, j’ai attendu un peu avant d’intervenir. Tu t’en es rudement bien sorti ! Bien sûr, ça reste entre nous ? Comment t’appelles-tu, déjà ?

            — Arthus...

            — Mon cher Arthus, tu lui a rendu la monnaie de sa pièce.

            Il observa le gardien avec attention. À Wintertown, il n’avait jamais eu l’occasion de rencontrer de faune. Le haut du corps de Carron était celui d’un homme à la stature de colosse mais ses jambes n’étaient autres que des pattes de bouc. Ses sabots avaient la taille d’une main de bucheron.

            — Merci, fit Ewen à l’attention d’Arthus. Nettoyer le sol n’est pas dans nos attributions, c’est pourquoi j’ai tourné le dos à cet imbécile de Boyd mais ne t’avise pas de réagir de la sorte quand ton magistre te demandera de réaliser pour lui une tâche ingrate ou fastidieuse.

            Arthus acquiesça.

            — En ce qui concerne l’incident d’aujourd’hui, ajouta Carron, je plaiderai en ta faveur. J’ai vu de mes yeux de pierre que Boyd a volontairement renversé le seau et qu’il a utilisé son don pour se venger du mépris d’Ewen. Je pense que la reine comprendra que tu as agi pour défendre ta camarade.

            — La reine... frissonna Arthus.

            — Oui, la reine. Tu es au courant que nous sommes gouvernés par une reine ? s’esclaffa Carron. J’ai une grande nouvelle pour toi : elle habite ici ! 

            Pour la première fois, Arthus remarqua qu’Ewen souriait. Elle se moquait de lui mais c’était toujours mieux que rien.

            — Nous y sommes, dit-elle, plus sérieuse. Bienvenue dans le nid de vipères !

            Quand Ewen et Arthus entrèrent dans la grande salle du conseil, les discussions cessèrent sur le champ et un léger chuchotement parcouru la pièce. D’un coup de menton, Ewen lui indiqua la chaise sur laquelle il devait s’assoir puis s’attabla à son tour aux côtés d’un homme à la tête de poire qui devait être son Magistre. L’homme arborait des bacchantes d’une longueur qui défiait les lois de la physique.

            Arthus admira la majestueuse coupole en verre sous laquelle la table ronde du conseil était installée. Des luminaires aux abats-jours plus extravagants les uns que les autres étaient suspendus aux fers de cette incroyable verrière incrustée dans le plafond.

            Arthus fut tiré de ses rêveries par le claquement des portes. Son cœur loupa un battement en découvrant dans l’encadrement l’homme à la cicatrice qu’il avait surpris la veille près des cuisines.

            Ses cheveux, mi-longs et coiffés vers l’arrière, dévoilaient un front large et fuyant. Les traits de son faciès étaient anguleux et son menton donnait naissance à un bouc taillé en pointe. Arthus comprit à la longue tunique sombre qu’il portait qu’il n’était pas un mage comme les autres. L’écharpe ample en tartan noir qui croisait son torse finit de l’en convaincre. L’homme à la cicatrice était le Magistre des Pandonums. 

            Le regard du Magistre se posa sur chacun des membres de la tablée jusqu’à rencontrer Arthus, les yeux écarquillés et l’air ahuri. Ses traits se figèrent sous l’effet de la surprise. C’est alors qu’une jeune fille blonde, dont le kilt était cousu dans le même tartan des Pandonums, fit son apparition. Haletante, elle s’empressa d’aider le magistre à retirer sa cape en peau de bête et se précipita afin de lui tirer un fauteuil, juste à côté de celui d’Arthus. L’homme, sans plus lui accorder d’attention, s’installa avec calme.

            — Bonjour, Feargus, dit un très vieux mage à la longue moustache de poisson chat.

            — Bonjour, conseiller McArthur, répondit le magistre d’une voix éraillée.

            — Votre dernier blâme ne vous aura donc pas servi de leçon ?

            — Oh, vous parlez peut-être de ce manteau ? 

            — Un manteau de fourrure, dont les épaulettes ne sont rien d’autre que des pattes d’ours... Votre goût immodéré pour les reliques d’un autre âge est proprement irrévérencieux.

            Le son criard d’une cornemuse suivi d’un gros « POC » retentit soudain dans la chope à bière en étain du conseiller. Il en ouvrit le couvercle et déplia le papier enroulé sur lui-même qu’elle contenait. Le sourire du vieil homme dessina deux fossettes malicieuses sur ses joues, donnant le La à ses petits yeux rieurs :

            — Je crois que, bien malgré vous, vous venez de vous porter volontaire pour présider les séances de doléances publiques pour tout le mois à venir. 

            Feargus Dow se tassa dans sa chaise. La moue de dégout qu’il affichait suffisait à prouver que sa punition avait été rudement bien choisie.

            — Bien, fit le conseiller avec bonhommie, malgré votre propension à défier l’autorité, notre bien-aimée reine a choisi de répondre favorablement à votre requête. Un sans-pouvoir vous a finalement été attribué. Considérez cela comme un privilège. Ils ne courent pas les rues !

            Toute l’assemblée tourna alors la tête vers Arthus. 

            — Veux-tu bien te présenter, réclama le conseiller.

            Arthus se leva en renversant le fauteuil sur lequel il était assis une seconde plus tôt. Des rires étouffés parcoururent immédiatement la salle.

            D’une voix chevrotante et à peine audible, il articula :

            — Je m’appelle Arthus Pumpkin.

            — Bien. Jeune Arus Pukin, voici Feargus Dow, magistre des Pandonums. Il te faudra maintenant le servir et l’assister dans les tâches administratives qui incombent à sa fonction. Montre toi digne de cet honneur. 

            Arthus se rassit, gêné de s’être à nouveau ridiculisé.

            — J’espère que tu es moins empoté avec les chiffres et la prise de note, murmura à son adresse la jeune assistante à ses côtés. Je m’appelle Modestie. C’était la dernière fois que tu me voyais me rabaisser en avançant la chaise de Feargus Dow. Désormais, ce sera ton rôle. Je suis promise à un tout autre avenir.

            Modestie releva le menton dans un élan d’orgueil. 

                  Arthus déglutit avec difficulté. Il était désormais sous les ordres d’un magistre aux agissements suspects et on venait, par la même occasion, de le condamner à côtoyer une mage qui portait vraiment très mal son prénom.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
aranck
Posté le 06/02/2025
Encore un chapitre qui se lit tout seul. Je ne peux m'empêcher de penser à Malefoy lorsque je vois Macleod, mais j'ai moi-même un personnage qui a soulevé cette critique. Les influences inconscientes, nous en avons tous.

J'aime beaucoup ce Faune malicieux qui semble ne pas abonder dans le sens des mages en ce qui concerne les Dons de rien et aussi bizarre que cela puisse paraître Faergus ne me déplaît pas non plus, probablement parce qu'il désobéit (bien que je ne sache pas à quoi, mis à part pour sa tenue vestimentaire). Mais l'ordre et la bien pensance m'énervent :-)
Si je te dis qu'Ewen ressemble encore à un autre de mes personnages (Une jeune fille nommée Chayouk), je ne sais pas si tu me croiras, mais c'est vrai, nous devons avoir une sensibilité similaire. J'ai d'ailleurs dans l'idée que ces deux personnages auront un grand rôle à jouer à l'avenir. Ils sont d'ailleurs bien croqués avec des caractères bien marqués, ça me plaît beaucoiup !

En petite critique, je trouve que les maladresses d'Arthen sont un peu fréquentes, mais pourquoi pas, ce n'est que mon avis. Ce qui est sûr, c'est que ce n'est pas son jour ! Et quel courage dans son innocence ! C'est un chouette gamin, plein de bonne volonté et de droiture !

Rq :
Ewen reste quand Arthus s'habille ?

L'armoire magique est-elle indispensable parce que ça fait beaucoup de magie (je te l'avais dit déjà)

Pour conclure sur l'ensemble des chapitres, je trouve que cette histoire à un gros potentiel, que les personnages ont tous du corps et la personnalité, les réactions des uns et des autres sont très cohérentes. Il y a de belles trouvailles, les descriptions sont parfaitement suffisantes (je me suis bien tout imaginé), en bref, il y a une vraie plume dans tout ça. Bravo et merci pour ce partage !
peneplop
Posté le 06/02/2025
Salut Aranck ! Merci pour tous tes commentaires ! Je suis heureuse que l'ensemble te plaise :) Tes retours sont très pertinents. Ils me serviront quand je me lancerai à nouveau dans l'écriture. C'est en projet, mais j'ai encore des réécritures à terminer. À bientôt :)
Vous lisez