Xavier Lusvardi fait son cinéma
Aujourd’hui, Sabrina découvrait le Périgord pour la première fois. Un train l’avait amenée jusqu’ici, dans un village légèrement décalé des autres. Les forêts et champs s’étalaient sur des kilomètres à la ronde. Les petites maisonnées rappelaient les chaumières d’autrefois. Certaines petites routes n’étaient pas goudronnées. C’était beau. Enfin, presque.
Là, juste là, à l’entrée d’un champ, s’élevait un « plateau de tournage ». Les fils électriques foulaient le sol meuble, les rails se montaient petit à petit, les grues et caméras faisaient l’objet de réglages et ajustements, et des tentes s’élevaient provisoirement pour faciliter les préparations du tournage. L’équipe du film, une partie du moins, ressemblait à une véritable fourmilière. 350 fourmis qui allaient à droite et à gauche, manquaient de se bousculer, s’excusaient, reprenaient leur route et refaisaient demi-tour. 350 fourmis, toutes ayant une tâche bien particulière, comme s’occuper de Sabrina ou partir à la recherche de Xavier Lusvardi, une fois de plus inscrit aux abonnés absents.
- Non, franchement, t’aurais pas vu Xavier ? Ça fait une heure que je le cherche ! s’écria une costumière en déboulant dans la tente de Sabrina.
- Tu ne le trouveras pas ici… Le connaissant, il a encore dû se barrer avec Molécule…
- Molécule ? Figaro, tu veux dire ?
- Qu’est-ce que j’en sais, moi ! À force de le rebaptiser, on ne sait même plus comment il s’appelle ! La semaine dernière, Xavier l’avait nommé Différentielle, et la semaine d’avant, c’était Sganarelle ! Non mais je te jure ! marmonna la coiffeuse, tout en peignant les longs cheveux de l’actrice.
Silencieuse, Sabrina écoutait attentivement les deux femmes papoter entre elles. L’agitation s’amplifia davantage lorsque le metteur en scène fit son entrée dans la tente.
- Putain, vous avez pas vu Xavier ?! Impossible de mettre la main dessus ! Ne me dites pas qu’il a encore décampé avec Algèbre !
- Algèbre ? répétèrent les deux employées. Molécule, tu veux dire ?
- Algèbre, Molécule… Peu importe !
- Xavier Lusvardi ? intervint un technicien en apparaissant à son tour. Il est rentré de Paris ce matin, il était là à sept heures. Il est parti tout à l’heure avec Dérivé. Sa femme est enceinte.
- Ah bon, elle est enceinte ?! s’étonnèrent les commères.
- Oui, il a ameuté tout le village tellement il était fou de joie, le gamin !
- Un gamin, t’as raison ! s’énerva le metteur en scène. Mais quel gamin, bon sang ! Il ne fait que s’amuser ! Que ça, que ça, toute la journée !
Il fut interrompu par le tintamarre qui provenait de l’extérieur. Un hennissement, des protestations et milles excuses retentirent à des kilomètres à la ronde. Aucun doute, Xavier et Algèbre étaient de retour, et les deux sacripants encaissaient un beau savon de l’équipe du film.
- Tu aurais pu au moins nous dire où tu allais !
- Et quand tu reviendrais aussi !
- Ça va, ça va, arrêtez un peu ! Mercure et moi, on est juste allés faire une petite promenade !
- Une petite promenade dure quatre heures selon toi ?
- Bon, bon, fit la voix embêtée de Xavier, j’avoue avoir été un peu long…
Sabrina vit la silhouette du comédien s’agiter, puis se dandiner en marmonnant une excuse inaudible. Il s’approcha ensuite de la tente, souleva la bâche, et s’introduisit à l’intérieur.
- Bonjour la compagnie ! beugla-t-il en étirant les bras.
Aussitôt, la coiffeuse, la costumière, le metteur en scène et le technicien lui jetèrent un regard glacé, auquel il répondit par un sourire innocent. Sabrina se contenta de l’observer, sans retenir une once de surprise. Xavier Lusvardi ne ressemblait vraiment pas à celui qu’on voyait en photo dans les magazines. Il était sale. Il portait les vêtements simples d’un pauvre paysan de l’époque, presque crasseux, avec une ceinture en tissu qui pendait autour de sa taille. Il mâchait même négligemment une tige de blé. En plus de la tenue vestimentaire, sa préparation physique l’avait obligé à bronzer pour lui faire un teint doré, mais son visage et ses cheveux étaient poussiéreux. Il restait même un peu de terre sur sa joue gauche. Donc sale, mais terriblement séduisant.
- Roh ça va, ne faites pas la gueule…marmonna-t-il alors que personne ne lui répondait. Vous voyez bien que je suis revenu…
Il sembla apercevoir l’actrice qui le dévisageait, et s’avança vers elle pour lui serrer la main exagérément.
- Salut ! C’est toi, Sabrina, c’est ça ? Bon. J’ai pas besoin de me présenter, hein ?
Elle hocha la tête et il s’assit sur un tabouret à côté d’elle, sans lui lâcher la main. La coiffeuse qui s’occupait d’elle jeta un œil à la chevelure hirsute de Xavier, et préféra s’occuper de lui un instant.
- Roh, ta queue est toute défaite…pesta l’employée en tirant, comme on tirerait sur une cloche, sur l’épaisse mèche de cheveux que Xavier avait laissé pousser.
- Aïe, tu me fais mal !
- Cesse de geindre une minute, tu veux ?!
- Et tu peux me couper au moins la frange ? Je commence à ne plus voir grand chose…
- On va d’abord te débarbouiller le visage, lança la maquilleuse en s’approchant avec un gant et une bassine remplie d’eau. T’as vu ta tête ?!
- C’est Marie qui m’a tout crassouillé ce matin. J’avais une scène en solo à tourner.
Alors que la maquilleuse tapotait ses joues sales avec le gant mouillé et que la coiffeuse lui refaisait sa petite queue de cheval, il jouait avec sa tige de blé avec la même vivacité qu’un enfant.
- Mesdames, j’adore quand vous me pomponnez, ajouta Xavier, tout en lançant aux deux employées un regard de cocker.
- Pff… Gamin !
Mdr, tu l'as looké en Jacqou, alors ? xD
Excellente idée cette tasse à sucres ! J'adhère !
Bien des bisous et merci !