Cela aurait pu être une belle journée, pourtant. Je me souviens du ciel bleu brillant d'un topaze, cet air frais et léger du début du printemps. Quel age j'avais ? Je ne sais pas, mais j'habitais chez mes parents. Dans cette grande maison, ou la moitié a été construite par mon père, et ce jardin en friche, tout en escalier cévennoles et en herbe haute. De là, je m'occupais d'un tout jeune lapin roux en lui offrant de la carotte. L'animal était ravi et je m'amusais en le prenant en photo de l'uniformité des couleurs. Au loin, mon chien devait s'amuser au soleil, et ma famille faire la sieste. Je riais de bonheur et soupirait de sérénité. Une bonne pause, dans ce monde qui tourne trop vite, voilà ce qu'il me fallait.
Mais un bruit sourd fendit les cieux. Le lapin terrifié s'enfuit de moi en courant. Je me relevai vivement du sol pour observer, moi aussi, quand je vis le ciel ce noircir d'avions militaires. L'un d'eux fit résonner, sûrement sur des kilomètres, une alarme stridente. Une alarme nucléaire.
"Nous vous demandons de fuir immédiatement la zone. Le souffle d'une bombe atomique arrivera bientôt sur vous. Nous vous demandons de fuir immédiatement la zone."
Le boucan des moteurs et des alertes n'avait pas terminé qu'un immense champignon couleur saphir perfora l'horizon. Il était loin, mais il grossissait à vue d'œil. C'était presque impensable d'en échapper.
"YUSHÛJIRO ! YUSHÛJIRO !"
En entendant son nom, le lapin terrifié commença à revenir vers moi, mais ne prenait pas le chemin le plus rapide. Je voyais l'explosion arriver, j'étais mort de peur, réalisant que je risquais ma vie pour sauver un lapin, mais j'étais incapable de bouger. Sur le sol se dessina un contour lumineux qui s'avançait à vu d'oeil ; la taille finale de l'explosion.
Le lapin arriva à moi de justesse ; je l'attrapai et parti en un mouvement vers la maison. En hurlant pour appeler cette fois-ci des membres de ma famille, mon fiancé, je mis l'animal dans une caisse de transport puis ma voiture. J'eus a peine besoin d'appeler mon chien qu'il se précipita vers moi, tremblant.
Dans la maison, tous s'activaient. Ne rien prendre de plus essentiel que les animaux et un peu d'eau et de nourriture. Tant pis pour les poissons, mais les chats viendraient avec nous. Sur le sol, alors que j'attendais, se refletait la lumière permettant de visualiser la taille finale de l'explosion. Désormais, elle recouvrait toute la maison et continuait encore de s'étendre. Et alors que l'on démarrait le contact de la voiture a toute vitesse, j'eus un dernier regard pour cette maison, que mon père avait a moitié construite et qui allait être balayée par la guerre de façon totalement arbitraire. Pourquoi avoir lancé une telle bombe dans notre campagne ? Pourquoi détruire notre vie, en quel but ? On me cria de monter dans la voiture et on démarra en trombe. Notre petite voiture ressemblait à une arche de Noé ; deux couples d'humains, deux chats, deux chiens, deux lapins, collés tous ensemble, rassemblés dans la panique. Malgré tout, je me tournai vers l'arrière pour regarder une dernière fois le portail en bois vert pourri que mon père s'était promis de réparer un jour, et le chemin qui menait vers notre maison. C'était le début de la guerre, et la fin de mon enfance.