Zéro - Un

Par Dréana

ZERO

 


 

Je crois bien avoir rêvé. Une sombre affaire d’oiseau parleur. Comme un ami perdu de vu que je n’aurais pas connu.

La voiture tourna soudainement et s’engagea sous une allée d’arbres ombrageux.


 

UN



 

La maison était assez moche. Elle n'avait pas été habitée depuis plus de vingt ans mais ce n'était pas entièrement pour cela qu'elle me paraissait moche. Tout d'abord il était possible que ce soit parce que je n'étais absolument pas contente de venir m'enterrer ici avec ma famille.

Ce n'était pas tout. La maison était vraiment étrange, quelque chose clochait sans que je puisse saisir quoi.

 

Il s'agissait d'une grande maison de maître. La façade principale était mangée par le lierre et toute en fenêtres élancées jusqu'aux petites lucarnes dans les combles.

La grande double porte en bois me plaisait bien, elle était en chêne avec deux épaisses marches en pierres pour y accéder, comme un château. De chaque côté de la porte, il y avait un haut et étroit vitrail.

Au côté droit de la bâtisse principale, il y avait une annexe en pierre avec de faux créneaux et au rez-de-chaussée, une baie vitrée qui prenait presque toute la façade. Le reste était recouvert de lierre.

Au côté gauche de la maison, collée au mur, une vieille pompe à eau manuelle.

 

Mais malgré toutes ses qualités évidentes, la maison avait quelque chose d'étrange.

-  Victoire, tu peux m'expliquer pourquoi tu es pieds nus dans la terre ?  Fait une voix à laquelle je ne m'attendais pas derrière moi.

- Charles ! Qu'est-ce que tu fais là, demandais-je en souriant malgré moi, j'étais réellement contente de le voir.

 

Charles était beaucoup plus âgé que moi, surtout pour un frère, douze ans de différences entre deux enfants, ce n'était pas rien. Mais il n’était jamais là, même aux fêtes, il n'appelait jamais, jamais un SMS, jamais. C'était parce qu'il travaillait beaucoup qu’il disait, alors il avait pleins de beaux costumes, avec de belles cravates, une belle coupe de cheveux, une belle manucure même, et une grosse voiture noire aux vitres teintées. Tout allait bien pour lui.

Mais il n'était jamais là.

Aujourd'hui, pourtant, il était là. L'occasion n'avait pourtant rien d'incroyable puisqu'il s'agissait juste d'un déménagement dans la maison de la vielle tante décédée de maman.

- Je suis venu car j'avais un trou dans mon emploi du temps et tu n'as pas répondu à ma question, répond Charles en me fixant avec son regard inquisiteur.

Le regard glacial propre à la plupart de mes proches, caractéristisé par nos iris bleu pâle. J'étais presque certaine que c'était grâce à cela que Charles avait décroché ce poste si haut placé et qu'il y excellait. En faisant peur à tout le monde.

-Tu ne m’impressionnes pas, le grand inquisiteur. J'ai dormi tout le trajet, alors je me suis mise à l'aise et j'ai retiré chaussures et chaussettes !

-Victoire ! Chaussures ! Exécution ! Cria maman dans mon dos, à l'autre bout de la clairière.

 

Oui. La maison était au centre d'une petite clairière, entourée d'arbres centenaires. Au sol, l’herbe avait brûlé à cause de l’été trop chaud et trop sec, en brodure des ronces et des orties proliféraient partout.

A ma droite, à environ cinquante mètres, une remise en bois adossée à un chêne plus haut que la maison. Cent mètres en retrait du chêne, se trouvait une espèce de grange ouverte avec un étage. A ma gauche, il y avait un petit prunier qui semblait totalement minuscule et fragile à côté de tous ces géants, et à ses branches si fines étaient accrochées une dizaine de vieilles mangeoires en bois, usées et décolorées par le soleil, la pluie et le temps.

- Oui maman gnagnagna.... Je lui répondais très lentement en levant les yeux au ciel.

- Je te vois lever les yeux Victoire, ajouta maman.

Comment faisait-elle ? Je lui tournais le dos et elle se trouvait loin, à croire qu'elle était dotée de pouvoirs surnaturels. Olympe Trencavel, ma mère était une très belle femme, assez grande, la peau très claire. Tout en elle était gracieux et élégant, de sa façon de marcher à sa façon de parler. De tous les membres de la famille Trencavel, elle était celle qui avait le regard bleu le plus effrayant, un vrai général ! Ce qu'elle voulait qu'il soit, était.

 

Je commençais donc à me diriger vers la pompe sur le côté de la maison. Marcher pieds nus avait toujours été quelque chose de fascinant pour moi, pouvoir sentir toute cette vie souterraine et silencieuse s'agiter là où je posais le pied, s'en était même apaisant, comme plonger sa main dans un sac de graines... Mais à cet instant précis, je ne me sentais pas bien. On m’observait, mais ce n'était pas quelqu'un qui m'observait. Là encore, comme pour la maison, je n'arrivais pas à saisir quoi, ni comment je pouvais être sûre d'une chose pareille. Je me retournais soudainement, comme un chat aux aguets, et regardais dans toutes les directions possibles. Tout ce que je vis, c’étaient les grands arbres silencieux, Charles, la main dans la poche, les yeux sur son téléphone. Cela m'attrista autant que cela me mis en colère. C'était comme s’il était encore au boulot et qu'il n'était pas vraiment ici, dans cette clairière aride. Encore ! Il n'était vraiment jamais là. Et je sentie monter malgré moi, des larmes venues du fond de mes entrailles, se coincer dans ma gorge. Des larmes de tristesse et de colère.

 

Je ne pleurerais pas.

 

Pas maintenant.

 

Pas ici.

 

Pas pour si peu.

 

Je pris une grande inspiration, ravalais mes larmes et repartie tête baissée jusqu'à la pompe. La manivelle était grippée, mais je parvins tout de même à l'activer en la faisant couiner. Au début, il ne se passa rien. Puis toute la pompe se mit à vibrer très fort et à faire beaucoup de bruit, comme si elle s’apprêtait à décoller comme une fusée. Je me reculais, inquiète, et l'eau surgit. Une eau rouge et qui dégageait une horrible odeur de vase et de moisie.

-  Je crois que tu as oublié quelque chose petite puce, dit papa.

Il tenait à la main ma paire de chaussure, qui dans un lointain passé avaient été blanches, avec mes chaussettes en boules à l'intérieur, et dans l'autre, un torchon. La gorge toujours prise par l'émotion, je ne répondis pas mais souris doucement. Je mis mon pied sous l'eau maintenant claire et le regretta immédiatement, l'eau était gelée ! Je déteste l'eau froide. En équilibre sur un pied, j'essuyais l'autre.

- Tu sais petite puce que ton frère a de grandes responsabilités, il est très pris et il faut lui laisser du temps pour qu'il se fasse une place stable, continue-t-il.

J'adorais papa, Vincent, mon beau-père en réalité mais il était génial, il avait toujours été présent, bien plus que mon propre père. De taille moyenne, il avait des yeux marrons et des cheveux châtains, aujourd'hui parsemés d'argent. Pourtant il n'est pas bien vieux, il pourrait avoir l'air parfaitement banal sans son regard si doux. Si doux que je sentis l'émotion retomber et les coins de ma bouche remonter un peu.

- Je sais, papa, je sais mais c'est compliqué.

Je remis ma chaussette à rayures et ma chaussure délavée, rinçais mon autre pied. Papa soupira et me passa la main dans les cheveux et repartit vers la voiture.

 

Au même moment, un grand camion de déménagement sortit du couvert des arbres et vint se garer devant la maison. Papa alla au-devant des déménageurs.

- Réveille Alice, on va ouvrir la maison, me dit maman avant de rejoindre Vincent.

Je repartie vers la voiture ouverte, à l'intérieur, Alice, magnifique petite fille aux longs cheveux blonds ondulés de six ans, au visage pâle, ma demi-sœur.

- Princesse, il faut que tu te réveilles, dis-je à Alice en la secouant doucement.

Elle ouvrit gracieusement deux grands yeux marrons et me sourit doucement. Toujours avec cette grâce qui, chez elle, comme chez maman semblait innée, elle s'étira et bâilla.

- Tu as bien dormi ? je lui demandais en déposant un baiser sur son front.

Elle me sourit à nouveau sans répondre. Alice ne parlait jamais pour ne rien dire, chaque mot était un trésor dont il ne fallait pas abuser.

Je l'aidais à descendre le la voiture après lui avoir remis ses chaussures et nous commencions à nous diriger vers la maison, dont la porte avait été ouverte le temps que je la réveille. Sur la courte distance qui nous séparait de la porte, je sentis à nouveau ce sentiment étrange et oppressant.

 

Nous étions observées.

 

Par quelque chose.

 

« Ça » nous observait.

 

J'en était sûre, ce n'était pas quelqu'un, c'était beaucoup plus omniprésent.

 

Comme si chaque arbre, chaque brique, chaque être vivant nous observait en même temps.

 

J'ai du mal à respirer.

 

J'ai l'impression que chacun de mes muscles se tétanisent, la sueur commençait à perler sur mon front.  « Ça » essayait de pénétrer mon esprit, mon corps, comme si un étau se resserrait autour de mon corps et de mon esprit.

Alice me prit alors la main, « je suis là », disait cette main, et me regarda avec interrogation, « Qu’y a-t-il ? Pourquoi as-tu peur ? », demandaient ses yeux.

-Tout va bien Princesse. Tu n'as pas hâte de découvrir les trésors cachés d'une vieille maison abandonnée ? je demandais pour changer de sujet.

Elle me répondit par un grand sourire enthousiaste, me lâcha la main et partit en courant vers la maison. Comme c'était étrange ce qu'il venait d'arriver ! Je pris une grande inspiration, « Calme toi, ce n’est pas une vieille baraque moisie qui vas te faire peur, n'est-ce pas ? », je me dis pour me rassurer. Je montais les marches du perron et pénétrais dans la maison.

 

 

Elle viendra, elle viendra, elle me l’a promis ! Elle ne le sait pas ou elle ne s’en souvient pas mais elle viendra, elle viendra. Je le sais. 

Alors, quand elle sera venue, le soleil passera l’horizon, il baignera de ses rayons purificateurs la Vallée d’Obscurité et ainsi régnera l’Amour.

Elle viendra, elle est en chemin, elle arrive.

 

« Je meurs de t’attendre. » Que le vent te porte ma parole.

 

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incognitoo23
Posté le 15/08/2025
Hello,

Ton histoire me plait beaucoup, j'ai commencé à la lire et je la trouve très intriguante. Jespère que tu prendras le temps de lire la mienne et que tu pourras me donner ton avis.
Urukem
Posté le 15/08/2025
Hello Dréana.
Tout d'abord, merci d'avoir ajouter mon histoire à ton PAL, j'espère que le récit de plaît.

Ensuite, ton histoire est vraiment intriguante. Ca me rappelle chair de poule dans l'ambiance oppressante et lugubre. Victoire est un nom... vachement grandiloquent. Je croyais que c'était Victor au début. L'histoire est vraiment intriguante.

Maintenant quelques retour.

Au sol, l’herbe avait brûlé à cause de l’été trop chaud et trop sec et en bordure.
Il faudrait mettre une virgule après sec, pour aéré, sinon la phrase est bizarre.

se trouvait une espèce de grange oouverte avec un étage. Il y a faute, ouverte, pas oouverte.

Je ne pleurerais pas.



Pas maintenant.



Pas ici.



Pas pour si peu.

J'adore l'espacement ici. Belle trouvaille.


En équilibre sur un pied, je commençais à m’essuyer l'autre pied. Le deuxième pieds est en trop. M'essuyer l'autre. Ça marche sans redondance.

Je repartie vers la voiture ouverte, à l'intérieur Alice. Met une virgule après l'intérieur.

chaque mot était un trésor dont il ne fallait pas abuser. J'adore la métaphore.

Je l'aidais à descendre le la voiture. De la voiture, pas le la voiture.

Nous étions observées.



Par quelque chose.



« Ça » nous observait.

Y'a que moi qui ai l'image du clown tueur qui a pop dans la tête ?


J'ai l'impression que chacun de mes muscles se tétanisent. Se tétanisent est peu usuel. Paralysé est un peu mieux. Après, c'est juste un ressenti, tu peux garder tel quel.


Bref, Hâte de lire la suite de ton histoire
Dréana
Posté le 15/08/2025
Coucou Urukem,
J'ai commencé ton histoire, elle me plaît beaucoup! :)
Je suis ravie si tu as perçu l'aspect "glauque" de cette entrée en matière, c'était bien le but recherché, même si c'est vrai que je n'avais pas spécifiquement pensé aux Chairs de Poule (mes lectures d'enfants m'ont peut-être plus influencées que je ne le pensais).
Quand au prénom Victoire, je lui trouve une très forte signification et une forte personnalité, c'est bien vu de ta part à nouveau!
Merci pour les recommandations et les fautes de frapes, je vais les corriger, je n'ai manifestement pas été assez attentive pendant la relecture.
Les espaces sont assez inspirés de ce que faisait Pierre Bottero dans ses livres.
Ha ha ha le clown tueur est peut-être exagéré... ou peut-être pas!
Pour le terme "tétatnisent" c'est une volonté de ma part, puisque le récit est majoritairement interne, par les yeux et les pensées de mon héroïne, alors certains termes permettent de structurer sa personnalité, sa façon d'être et de penser.

Encore merci pour tout ces retours, j'espère que la suite continuera à te plaire!
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