Deux - la maison

Par Dréana
Notes de l’auteur : j'espère que vous aimez les descriptions

 Je fus d’abord marquée par l’odeur d’humidité : celle des maisons abandonnées où le bois a gonflé à cause de l’eau, où le vent est tombé à terre et gis là, moribond dans la poussière quand il n’y a plus personne. Ensuite, ce fut l’obscurité. Elle s’attardait le long des murs, refusant de céder du terrain à la lumière malgré les portes et les volets grands ouverts. Enfin, ce fut le silence. Si omniprésent qu’il en était presque insupportable, assourdissant.

De part et d'autre de moi se trouvaient deux grandes doubles portes blanches, le long du mur à ma gauche, se trouve un monumental escalier disparaissant dans l'obscurité. Face à moi, un couloir lui aussi plongé dans l'obscurité avec au bout, un carré de lumière. Ce doit être une porte donnant sur l'arrière de la maison. Au sol, il y a ce qu'il semble être du carrelage noir et blanc comme un échiquier. Jonché de mouches mortes. Partout où il y a de la lumière, je vois des mouches au sol. Et dire que ce serait ma nouvelle demeure. Et peut-être la dernière.

À ma droite, la double porte blanche est ouverte, tout le monde y est rassemblé, Charles semble écouter ce que racontent les parents et les déménageurs, Alice explore déjà la cuisine. Quelqu'un avait ouvert les volets et les fenêtres, ce qui faisait voler au vent de vieilles toiles d'araignées. C'est une pièce intéressante car elle l'air de sortir tout droit du XIXème siècle, je ne vois pas de frigidaire, tous les meubles, buffet, table, chaises, plan de travail, étagères, sont en bois, l'énorme évier, à l'air de venir lui aussi d'un autre siècle. J'ai l'impression d'être dans un musée.

La cuisine est grande, plus longue que large, et haute de plafond, il y a du lambris blanc (plutôt gris maintenant) jusqu'à mi-hauteur aux murs, du carrelage au mur autour de l'évier et du papier peint d'une couleur assez indéfinissable. Derrière moi, une banquette (quelle idée dans une cuisine !) en velours vert et d'épais rideaux poussiéreux verts aussi encadrant la fenêtre. Il y a une autre pièce dans la cuisine qui est fermée, au fond, et je vois une porte avec une fenêtre, comme celle, je suppose, qui se trouve au fond du couloir dans l'entrée.

Je retournais dans le couloir, et essayais d'ouvrir la double porte qui fait face à la cuisine. La porte coinça un peu mais j'arrivais à la pousser. Il y faisait sombre et ça sentait encore plus le renfermé. J'ouvrais la grande fenêtre et poussais les volets, en me salissant les mains avec les toiles d'araignées. Il s'agissait d’une espèce de petit salon haut de plafond, aux murs recouverts de papier peint bleu orné de fleurs délavées. Il n'y avait pas grand-chose dans cette pièce, au sol, un vieux plancher qui grince avec un grand tapis miteux et incolore, dessus, un grand canapé, une table basse, deux poufs et un vaisselier contre le mur opposé, le tout dans le style art nouveau. À la fenêtre les mêmes rideaux que dans la cuisine et en face, une autre grande double porte blanche.

Derrière cette porte, l'obscurité encore. J’allais récupérer une lampe torche dans la voiture avant de découvrir une grande et vaste salle à manger verte toute en largeur qui pourrait aisément accueillir une trentaine de personnes. De part et d'autre de la porte, deux commodes, contre le mur à ma droite, une énorme cheminée où l'on pouvait s’asseoir dedans, un monumental T taillé sur son fronton et deux têtes de sangliers miteuses de chaque côté. La salle de bain de notre ancien appartement pourrait tenir dans la cheminée, tant elle était grande ! Au centre de la pièce trônait une immense et massive table en bois, accompagnée de ses chaises. Face à moi, deux grandes portes fenêtres fermées par ces mêmes rideaux de velours verts. J'allais ouvrir à nouveau fenêtres et volets en m'étouffant avec la poussière. À ma gauche, une nouvelle double porte, cette fois vitrée, donnant sur ce qui semble être depuis l'extérieur l'annexe en pierre de la maison. Je descends deux marches en pierre pour accéder à un salon de musique jaune, cette fois, je n'ai qu'à tirer les rideaux, il n'y a pas de volets. Toute la pièce est de style art nouveau, comme le petit salon bleu. Un énorme piano à queue trône dans un coin, d'élégantes et fines chaises entourant une jolie petite table ronde et toujours ces énormes rideaux sur les huit portes fenêtres, quatre face à face, faisant de cette pièce, la plus lumineuse de toutes à n'importe quelle heure du jour. C'est aussi dans cette pièce poussiéreuse et couverte de toiles d'araignées que se trouvaient le plus de mouche au sol. À chacun de mes pas, le sol croustillait. J’étais bien contente d'avoir remis mes chaussures.

Alice arriva en riant et en courant dans le salon de musique. Elle poussa un petit cri quand elle vit le grand piano et courut ouvrir le clavier. Elle commença à jouer mais s’arrêta vite. C'était extrêmement dissonant.

- Pourquoi ne marche-t-il pas ? Demande Alice en me faisant sa tête de boudeuse.

- Il est juste désaccordé, ne t'en fais pas, on va y remédier. Est-ce que ça te plairait d'aller explorer l'étage ?

Alice me sourit et me prit la main.

 

Je n'avais tout d’abord pas fait attention à la rambarde de l'escalier, elle était en bois avec des incrustations de métal. Quand on y regardait de plus près, on pouvait s'apercevoir qu'elle était sculptée extrêmement finement, on aurait dit que la rampe était en train de se faire recouvrir de lierre.

Au premier étage, il y avait quatre chambres dont une avec une grande cheminée, une grande salle de bain rose avec une baignoire ancienne au centre de la pièce, une espèce de salon et une grande terrasse au-dessus de l'annexe en pierre. Et à chaque fenêtre du premier étage, il y avait ces vieux rideaux verts, des toiles d'araignée partout et toujours les mouches qui croustillaient.

L'escalier qui montait au deuxième étage n'était pas sculpté et les marches, moins larges. Au deuxième étage, il y avait une grande chambre avec des bibliothèques vides courant le long des murs, une lourde et massive armoire normande, un fauteuil avec des accoudoirs sur un tapis rond incolore, un grand lit rustique en chêne dans un angle et les rideaux verts et un âtre.

- J'aime bien cette chambre, je dis, j’espère que ce sera la mienne.

Alice marqua son approbation et applaudissant doucement.

En face de cette chambre, il y avait ce qui ressemblait à un salon (il y a beaucoup de salons dans cette maison tout de même), vide avec une énorme cheminé et les éternels rideaux verts. Ensuite il y avait une autre salle de bain plus banale et la bibliothèque. Je n'aimais pas particulièrement lire mais j'aimais l'ambiance que ces lieux dégageaient. Le silence et le respect. Il y avait des rayonnages remplis du sol au plafond, ne laissant de la place qu'aux fenêtres, les rideaux verts, une longue table en bois avec des chaises, sur un tapis vert et deux portes. En regardant les livres de plus près, il y avait absolument de tout et pour tous les goûts. De la littérature classique au jardinage, de la cuisine aux revues mécaniques, en passant par l'astrologie, des livres en russes, et même le code civil.

Il restait deux autres pièces, qui étaient malheureusement fermées. Au moment où nous allions monter au troisième et dernier étage, Charles apparut sur le palier.

- Alors, vous avez trouvé quelque chose d'intéressant ?

- Oui, plutôt, il y a un piano en bas, une chouette salle de bain, une bibliothèque assez impressionnante et la chambre qui est là me plait bien.

- Super, on va commencer à décharger, vous venez ?

Alice se précipita dans les bras de Charles, qui la porta en bas des escaliers.

- Et moi, je proteste, personne ne me porte ?

 


 

Nous étions en train de descendre des cartons du camion depuis une demi-heure quand Charles reçu un appel, il s’éloigna avant de revenir dans l'entrée, où j'empilais des cartons.

 

- Je te dis au revoir, il faut que je parte, c'est imp... commence-t-il.

 

C'est à ce moment que j'explosais de rage et de tristesse. Je lui hurlais dessus.

 

- Encore ! Pourquoi t’es là de toute façon ? T'es jamais avec nous! A quoi tu sers? A quoi tu sers si t’es même pas capable de rester ne serait-ce qu’une journée avec nous! Dégage sale con!

 

Je mis un violent coup de pied dans un carton et monta en courant les escaliers.

 

- Sale traître ! J'ajoutais en haut des marches.

 

J'entendis Charles soupirer avant de sortir de la maison. Ça y est, je pleure. Je m’étais réfugiée dans la grande chambre du deuxième étage et je pleurais toute ma tristesse et la frustration de voir mon frère partir encore si loin après être resté si peu. Je ne risquais pas de le revoir avant au moins Noël, et encore ! Je le regardais par la fenêtre dire au revoir aux parents, serrer fort dans ses bras Alice, qui ne voulait plus le lâcher et se retourner vers la maison. Il me vit. Je lui envoyais un geste vulgaire. À lui, le maudit frère absent, le frère pour qui les impératifs de son travail étaient plus importants que sa famille ! Il me fait un geste de la main (amical) avant de monter dans sa voiture et de disparaître. Encore.

 

J'étais en train de sécher mes larmes quand maman arriva dans la chambre que je m'étais auto-attitrée, s'approcha de moi, me prit dans ses bras, ne dit rien. C'était tout ce dont j'avais besoin à cet instant. Nous restions un moment comme cela, sans bouger. Elle me lâcha, releva ma tête afin que je la regarde dans les yeux.

- Quand tu iras mieux, redescends nous aider d'accord ?

 

Je fis oui de la tête, reniflais et m'écartais de maman. Elle me sourit, me passa la main dans les cheveux et partit.

 

- Au fait, crie-t-elle depuis le couloir, tu peux ouvrir toutes les fenêtres de la maison ? Enfin, celles qui s'ouvrent.

 

J’écartais les rideaux verts, qui dégagèrent un ignoble nuage de poussière. J'ai les mains couvertes de toiles d’araignées. Dégeu. Je m'essuyais les mains sur mon pantalon et m'acharnais sur la poignée de la fenêtre, qui ne bougea tout d'abord pas, avant de céder. Je me penchai à la fenêtre et observais que le lierre était à deux doigts de s'attaquer à la fenêtre. En bas, je voyais les parents descendre du camion la grande harpe de maman. Je levai les yeux et regardais les grands arbres s'agitant doucement sous le vent. Déjà, je pouvais voir quelques arbres se vêtir d’or et offrir à la terre leur précieux manteau. D'après maman, tous les arbres autour de la maison nous appartenaient, je pensais qu'il n'y en avait qu'une vingtaine tout au plus mais j'ai l'impression d'être au milieu de la forêt. Au loin, derrière les arbres, je vois la civilisation. Enfin, la civilisation, ce ne sont que de petites maisons en contrebas des arbres de la propriété, ce qui me laisse à penser que la maison est en hauteur. En pente ou sur une colline ? Je sors de ma chambre et écarte d'un grand geste les rideaux verts de la pièce vide en face de ma chambre. Je tousse. J'avais oublié la poussière. J'ouvrais tant bien que mal la fenêtre et regardais dehors, au pied de la maison, une terrasse en arc de cercle, la grange dans un coin et à nouveau les arbres, beaucoup. Beaucoup plus que de l'autre côté. Derrière, une vallée et des montagnes immenses à perte de vue et le ciel s’assombrissant. J'habitais bien une maison isolée au sommet d'une colline, cernée par des arbres.

C'est très rassurant.

 

Je continuais sur ma lancée et allais ouvrir les fenêtres de la bibliothèque, ainsi que celle du couloir en faisant, cette fois-ci, attention aux rideaux. J'ouvrais aussi celles du premier étage, sauf celle d'une des quatre chambres, la poignée m'étant restée dans la main, je la posais sous la fenêtre et descendis les escaliers. Observer mon nouvel environnement extérieur m'avait fait oublier mon chagrin, seul subsistaient mes yeux rouges et gonflés. J'ouvrais aussi les fenêtres du rez-de-chaussée et les portes fenêtres, en finissant par le salon de musique. C'était vraiment une belle pièce lumineuse.

 

- Victoire, c'est toi ? demande papa depuis l'entrée de la maison.

- Ouais, je suis dans le salon de musique !

- Il y a un salon de musique ?

 

J'entendis les pas de papa se rapprocher, jusqu'à ce qu'il trouve la grande pièce. Il promena un regard étonné tout autour de lui, vit le piano, appuya sur une touche et fit la grimace face au misérable petit son qui en sortit.

 

- Je n'étais jamais venue dans cette maison, ta mère m'en avait déjà parlé et ton père, lui, la connais, mais j'avoue être assez impressionné. C'est une sacrée grande maison. Tu sais qu'on a aussi l’usufruit du bosquet et du cimetière ?

- Le cimetière ? Il y en a un ? Et puis pourquoi est-ce qu'on devrait s'en occuper, ce n'est pas plutôt à la commune de s'en charger ? je demandais, assez perplexe.

 

Je n'avais rien vu de tel par les fenêtres, j’espérais qu'il n'était pas sur notre propriété, caché quelque part au milieu du bosquet. Ce serait la cerise sur le gâteau ! Déjà, venir vivre à l'autre bout de la France, dans une maison au milieu de nulle part totalement à l'abandon, et qui, en plus me foutait les chocottes c’était bien assez. Un frisson courut le long de mon dos.

 

- J'espère qu'il est loin de la maison, je murmure.

- Moi aussi, je ne voudrais pas voir de fantômes rôder dans le jardin ! Dit-il avant d'éclater de rire.

L'entendre rire si franchement et si gaiement dans cet endroit si sinistre et si morne me sembla soudainement inapproprié. Comme un cheveu sur la soupe. Il y eu un brusque coup de vent qui fit s'envoler les rideaux, de la poussière et balaya les mouches mortes au sol, faisant par la même occasion entrer de la terre et des feuilles dans le salon. Je toussais à nouveau, papa aussi.

 

- Je vais aller mettre l’électricité dans la maison, puis la première chose à faire, ça sera de passer l'aspirateur. Je sais que tu adores ça, plaisanta papa avant de repartir vers la salle à manger.

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Urukem
Posté le 21/08/2025
Hello Dréana.
Eh ben. C'est un beau pavé qu'on a là. Presque trente minutes de description de piece de maison. Waouh, je savais pas qu'on pouvait décrire aussi précisément une pièce. J'en prends note pour l'homme de paille.

Quelques commentaires.

où le vent est tombé à terre et gis là, moribond dans la poussière quand il n’y a plus personne. Ensuite, ce fut l’obscurité. Elle s’attardait le long des murs, refusant de céder du terrain à la lumière malgré les portes et les volets grands ouverts. Enfin, ce fut le silence. Si omniprésent qu’il en était presque insupportable, assourdissant.
J'avoue, j'adore la métaphore ici, le vent, l'obscurité, le silence. J'en fais aussi beaucoup dans l'homme de paille mais là, chapeau.

Au sol, il y a ce qu'il semble être du carrelage noir et blanc comme un échiquier. Jonché de mouches mortes.
Une virgule me semble plus approprié ici, juste après échiquier car la phrase est lié. Ou bien, tu peux mettre jonché de mouche morte à la ligne, seul, pour accentué le malaise, à toi de voir.

l'énorme évier, à l'air de venir lui aussi d'un autre siècle.
Un autre temps me semble plus agréable à lire que un autre siècle mais bon, c'est une question de goût.

J’allais récupérer une lampe torche dans la voiture avant de découvrir une grande et vaste salle à manger verte toute en largeur qui pourrait aisément accueillir une trentaine de personnes.
S'il te plaît, met une virgule. J'ai l'habitude de lire à voix haute et j'ai failli suffoquer 😅

J'allais ouvrir à nouveau fenêtres et volets en m'étouffant avec la poussière.
Les fenêtres et volets, tu as oublié le Les.

on pouvait s'apercevoir qu'elle était sculptée extrêmement finement.
Finement sculptée marche, pas besoin d'ajouter extrêmement qui alourdi la phrase.

un grand lit rustique en chêne dans un angle et les rideaux verts et un âtre.
Met une virgule juste avant et les car sinon la phrase est un peu difficile à capter.
Alice marqua son approbation et applaudissant doucement.
Soit tu enlève le et puis le remplace par une virgule. Soit tu change le temps du verbe applaudissant. Applaudit ou bien applaudissait. À toi de voir

vide avec une énorme cheminé.
Cheminée au féminin.

Il y a une faute. Dégeu s'écrit dégueu.

Je me penchai à la fenêtre.
Penchais avec s car première personne du singulier.

je pouvais voir quelques arbres se vêtir d’or et offrir à la terre leur précieux manteau.
Magnifique.

Je sors de ma chambre et écarte d'un grand geste les rideaux verts de la pièce vide en face de ma chambre. Je tousse.
C'est moi qui tousse là, met une virgule s'il te plaît.

l’usufruit du bosquet et du cimetière ?
Un usufruit ? J'ai chercher dans le dictio et apparemment c'est le droit de jouir d'un bien dont la propriété appartient à un autre... un squateur, quoi.

de la poussière et balaya les mouches mortes au sol.
Le et est en trop.

Bref. Ton chapitre est dense et plutôt agréable à lire. Bon, quelques petites fautes d'orthographe mais c'est juste des détails. Hâte de lire la suite
À plus.
Urukem
Dréana
Posté le 15/09/2025
Coucou coucou!
Je suis encore soufflée par ce retour très complet! J'entend ton problème avec mes longues phrases mais je suis flûtiste alors je ne me rends pas bien compte, je sais économiser mon souffle. XD
"fenêtres et volets" sans "les" n'est pas un oubli et ne me semble pas être une faute, écrit de cette manière, ça forme un tout, une unité.
Merci de me faire remarquer mes fautes, la plupart son des erreurs d'inattention ou de frappes. Pourtant j'essaie de me relire attentivement!
Pour la question de l'usufruit, c'est un peu plus compliqué que ça. Par exemple si sur une propriété privé, comme des terres agricoles en général, un chemin communal passe au travers, en soit, ce sont les terres de l'agriculteur mais ça reste un chemin ouvert aux promeneurs. Et l'agriculteur l'entretient ainsi que la commune en bonne intelligence. Normalement.

Je suis vraiment très contente si ça te plait! :)
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