Zoo dans la tête

Par Dédé

 

«Zappe ou ne zappe pas tes meilleurs souvenirs !»

Zorro un peu ivre, peut-être.

 

 

Zoo, c'est un peu le zoo dans ma tête. Zoo car je pense à plein de choses en même temps, tout défile tellement vite que je n'arrive plus à me suivre. Zigzaguant depuis que je suis sorti de chez l'opticien, j'ai mes idées toutes sens dessus dessous.

Zébrées, on m'a dit qu'elles étaient zébrées mes lunettes et je n'ai pas aimé la remarque. Zébrées, c'est péjoratif, je trouve. Zébrées, ça veut dire que je ressemble à un zèbre. Zébrées, c'est insultant si on est comparé à un animal, déjà que je n'aime pas l'idée d'avoir des lunettes... Zèbres, je n'aime pas les zèbres en plus... Zèbres, les zèbres, ils ne sont connus que pour leurs rayures noires et blanches. Zèbres, que des rayures, que du noir, que du blanc. Zèbres, ils sont assez tristes, en fait.

Zut, j'ai failli rater le trottoir et m'étaler par terre...

Zébrées lunettes, c'est la faute de ces lunettes zébrées : elles me donnent mal au cerveau et j'ai la tête qui tourne un peu. Zéro chance que tout se passe bien avec ces fichues lunettes.

Zappant cet accessoire de malheur, je me concentre sur les meilleurs souvenirs que j'ai de mes quinze années de vie. Zut, j'avais presque oublié que j'ai quinze ans aujourd'hui.

Zapping, comme un zapping regroupant tous mes moments forts ! Zestes, des zestes de rire, beaucoup de zestes de rire en quinze ans, ma parole ! Zombie, mes souvenirs et mes lunettes me font marcher comme un zombie.

Zéro chance que j'oublie tous les bons souvenirs que j'ai partagé avec mes parents : les gaufres que je faisais depuis tout petit avec ma mère, les fois où j'embêtais mon père pour monter et descendre les escaliers car je n'avais pas le droit de le faire tout seul, toutes les fois où on allait à la fête foraine tous les trois et que ma mère m'emmenait jouer aux machines à sous, tous les ragots que j'apprenais lorsqu'ils m'obligeaient à aller à la messe le dimanche, les fois où ma mère me faisait lire ou copier des pages entières de dictionnaire pour me punir ou me faire apprendre de nouveaux mots de vocabulaire, toutes les fois où ils m'ont regardé avec inquiétude lorsque je faisais mes bizarreries ou mes crises de délires, comme dit Luciole... Zéro chance que j'oublie ça !

Zut, j'ai manqué de glisser sur une peau de banane... Zinzins, les gens sont zinzins de laisser traîner des choses pareilles : c'est dangereux !

Zéro risque que j'oublie tous les rêves étranges que j'ai pu faire en quinze ans : peluches sur chevaux de bois, dragons cracheurs de feu et de lames, diables dans le placard, tomate farcie poète, ballon de baudruche psychopathe, pain d'épices et citrouille cannibales, incendies.

Zut, j'étais à deux doigts de ne pas voir le lampadaire en face de moi...

Zinzin, j'avoue que je suis zinzin des fois : lorsque je traversais le couloir de la maison comme si j'entreprenais un dangereux tour du monde, mes mauvaises humeurs qui me donnaient envie de tout saccager, mon envie de surnommer Quentin «Hélium» les premières fois où je l'ai vu, la façon dont je m'étais débarrassé de Nénuphar, la haine que j'avais vouée au Père Noël parce qu'il ne m'avait pas apporté un de mes jouets.

Zut, il s'en est fallu de peu pour que je percute un gars faisant du roller sur le trottoir...

Zarbi, c'est zarbi tous les bons moments que l'on peut avoir en quinze ans d'existence : les blagues téléphoniques, les fois où j'arrosais le jardin, fier comme un pape, les discussions sans queue ni tête que l'on a avec Luciole, et avec Quentin aussi, les trajets dans la voiture de la tantine de Luciole, les plaisanteries autour du poisson rouge de Luciole.

Zut, mon lacet est défait : il faut faire attention à ces choses-là...

Zieutant loin devant moi, je repense au mariage de Quentin et de la tantine de Luciole : la fois où Quentin a manqué de passer par la fenêtre en trébuchant, heureusement que j'avais été là pour le retenir ! Zarbi, c'est zarbi comme j'aurais jamais cru que Quentin deviendrait, en grandissant, l'un de mes meilleurs amis : il me faisait tellement peur au début quand je le voyais à la messe du dimanche. Zieutant au loin, j'ai failli oublier que Quentin m'avait révélé hier que la tantine de Luciole était enceinte : je pense qu'avec Luciole, on sera le parrain et la marraine du petit ou de la petite.

Zut, une voiture vient de klaxonner et j'ai frôlé la crise cardiaque...

Zoom maintenant sur Xavier : qu'est-ce que je l'ai détesté, qu'est-ce que je le déteste toujours ! Zouave, Xavier est un vrai zouave : il a voulu faire le malin mais vouloir humilier Luciole a été sa plus grave erreur vu la correction qu'elle lui a donnée, cette année, à la sortie du collège. Zouave, Xavier ne l'était plus maintenant : il sait se faire aussi discret que possible, rasant les murs lorsqu'il nous aperçoit, Luciole et moi.

Zut, ma tête continue de tourner à cause de ces lunettes zébrées...

Zigouiller Xavier, si j'ai voulu zigouiller Xavier depuis le début, c'est parce que je tiens beaucoup à Luciole qui est l'une des personnes les plus importantes dans ma vie depuis longtemps : on se confie tout, on se fait une confiance aveugle, on se connaît par cœur, on a traversé tellement de choses dans la joie, la bonne humeur mais aussi, on a partagé nos peines, nos déceptions. Zigouiller Xavier, j'ai eu envie de le zigouiller parce que j'aime Luciole et qu'il lui a fait beaucoup de mal. Zizanie, quelle zizanie il a mis dans sa vie. Zizanie, mais je suis là pour la protéger quoi qu'il arrive. Zinzin, je dois être zinzin mais après tout ce temps, je suis encore persuadé que l'on finira ensemble, elle et moi.

Zut, c'est le moment de traverser pour aller sur le trottoir d'en face, si je veux arriver chez moi avant l'heure du déjeuner.

Zébrées, ces lunettes zébrées m'exaspèrent et c'est à cause d'elles que je n'ai pas bien vu la voiture rouge foncer droit sur le passage piéton au moment-même où je le traversais...

Zapping, je revis tous les souvenirs de mon existence en accéléré. Zinzin, je me sens zinzin de voir s'évaporer chacun de ces souvenirs au fur et à mesure qu'ils défilent, je me sens incapable de bouger, de parler, je ne sens plus mon corps.

Zut, car le dernier souvenir qui me reste en mémoire avant le trou noir, c'est cette voiture qui m'a percuté !

 

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ClaireDeLune
Posté le 30/12/2019
Quoi ????? Oh non ! J'allais justement écrire un truc du style "c'est super cool tous ces Z, bravo !" et puis je lis la dernière phrase et mon cœur a sauté ;( J'espère qu'il va s'en sortir, c'est triste de finir comme ça à son âge... Bouhouhouhou
ClaireDeLune
Posté le 30/12/2019
Voilà donc la série de commentaires la plus décousue de tout PA, cadeau !
C'était une super lecture, très drôle, très originale, tu as dû t'en voir à un point pour écrire ça ! Je suis très impressionnée ! Bravo ! On s'attache malgré tout à tes personnages, on comprend ce qui se passe, on voit bien l'évolution du narrateur... Bravo encore une fois !
Dédé
Posté le 31/12/2019
La lettre Z m'a permis de faire un bilan de toutes les aventures de notre narrateur. C'est un des chapitres que j'ai beaucoup aimé écrire.

Et non, je ne trouve pas tes commentaires décousus. Tu as vu la tête des chapitres que tu commentais ? :P Sache que j'ai, à de nombreuses reprises, regretté de m'être lancé là-dedans.

Très content de lire que la contrainte n'empêche pas de s'attacher aux personnages, à leur évolution, aux intrigues. Merci, merci à toi d'avoir tout lu ! :3

J'attends ton signe de vie avec impatience ! :D
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