Io ne regarde rien, elle pense à sa mère, et à toutes celles de sa lignée avant elle. Son regard est rivé vers le ciel, sa pupille se contracte pour repousser la lumière qui l’éclaire, mais elle ne la voit pas. En suivant une pensée, elle semble avoir basculé dans le puits de sa mémoire, rompant toute connexion avec son enveloppe, spectatrice muette et appesantie du passé. Le sien, presque vivant et palpable, et celui aux contours insaisissables de la rumeur, la tradition orale, une poussière échouée que la houle du temps, dans son affront contre la masse insondable de l'existence, épargne et ressasse. Ni le bruit des vagues, ni le picotement du sable mêlé aux cristaux de sel de sa propre transpiration, ni les paroles inquiètes qui se bousculent autour d’elle ne l’atteignent. Elle aperçoit des visages qu’elle n’a jamais connu et se demande si elle les imagine ou si ils sont venus l'accueillir. Si elle les rencontre pour de vrai. Aujourd'hui.