— Olga ? C’est Kalika, appelle-t-elle un peu plus tard.
Dans la cuisine, la lumière tendre du soir teint de rose les carreaux de faïence qui courent sur le mur. Kalika se tient là. Appuyée sur le bord du plan de travail en bois, elle a poussé le battant d’une fenêtre et murmure son message à la brise tombante.
— Euh, voilà, c’est à propos de tout à l’heure, reprend-elle dans une grimace, tu m’as demandé si je viendrais ce soir et, heu, il s’avère que j’ai dit oui…
Kalika pose un doigt sur sa tempe mouillée et en presse la peau tendre en un geste nerveux. Elle masse le muscle gourd, chasse de son épaule une feuille de sauge intrusive et jette un vague regard parmi les ustensiles qui alourdissent les boîtes rangées près de l’évier.
Elle croise les pieds devant elle et inspecte le bout de ses ongles.
— En fait ce que je voulais dire c’est que…
Sa gorge se contracte. Aidée par la brise épaisse qui coule de la fenêtre, Kalika inspire une grande goulée humide de pluie à venir.
— Enfaitjenevaispasvenir ! s’exclame-t-elle dans un souffle.
Puis elle laisse courir un silence gêné. Son visage se déforme.
— Ce n’est pas du tout que je n’ai pas envie de vous voir ! précise-t-elle, j’adore passer Samain avec vous ! C’est juste que…
Elle se tourne vers la vitre. Son regard d’encre se perd dans les cimes ocres du bois, parmi la tranquillité apaisante des arbres immobiles.
— C’est juste que ce soir, j’avais très envie de rester chez moi.
S’enrouler dans un plaid. Soulever la lucarne de sa chambre suspendue, l’ouvrir sur les étoiles et écouter le bruissement des feuilles, des animaux et des esprits sous la lune gonflée de nuages. Elle en rêve depuis longtemps mais n’a jamais dit non aux gens du village.
— J’espère que tu comprendras… Je vous souhaite la meilleure des célébrations, bien sûr. Et… On… On se voit vite.
D’un geste elle congédie la brise, se prend le front entre les mains et expire profondément.