C'était dur. Alphonse ne lui avait pas fait de cadeau. Il n'avait pas été vraiment méchant, il avait juste dit les choses telles qu'elles étaient. Noah n'avait aucune excuse. Était-ce pour cela qu'il n'était pas mort ? Pour avoir l'occasion de s'en rendre compte ? Et puis comment aurait-il pu se rendre compte de quelque chose d'aussi invisible qu'un démon ? Ou d'aussi incroyable que de parler à une tortue ? Lui avait-on menti sur la nature de la vie ?
Au cœur de la nuit, Noah ne dormait pas. Et là non plus, ce n'était pas à cause de son démon, qui ne s'exprimait pas quand le garçon se trouvait dans la maison.
Tout ça, c'était bien beau, mais ça ne changeait pas l'état du monde ! Il y avait bien de la déforestation, des pesticides à n'en plus pouvoir, le réchauffement climatique, l'extinction des espèces et tout et tout. Or, comme l'avait dit Alphonse : qu'y pouvait-il ? Était-ce à lui de changer les choses ? Comment le pourrait-il ? Il ne s'appelait pas Greta et même elle, les vieux lui riaient au nez. L'avait-on gardé en vie pour autre chose ? Pour quoi, alors ?
Hein ! Pourquoi, bordel d'univers ?!
Noah réajusta sa couette et se tourna. Devant lui se tenait Théo. Il n'était pas vraiment là, en fait, car ses yeux ne le voyaient pas vraiment. Et pourtant, il était là.
— C'est raté pour la projection holographique aussi…, murmura Noah. J'aurais vraiment mieux fait de crever.
Ou pas. Errer tel un fantôme pendant quelques siècles avant de croiser enfin un passeur d'âmes, c'est pas jouasse, crois-moi, j'en ai écouté assez.
— Je m'imagine parler avec toi, c'est ça ? Je suis en plein délire et on va me mettre à l'asile.
Sapristi ! Tu entends ça ? C'est un mot qui ne te serait jamais venu à l'esprit dans ta réplique inventée. Je suis bien Théo, et je suis venu répondre à ta question.
Une partie de l'égo de Noah se demandait s'il devait s'en réjouir ou paraître blasé.
— Quelle question ?
On ne t'a pas menti, car pour mentir, il faut savoir. Rares sont les humains de nos jours qui savent qu'ils ont tous la possibilité de développer leurs dons et de voir l'invisible, dans ce qu'il a de plus beau et de plus sordide. La pratique n'est pas sans risque, et tu pars avec un sacré boulet au pied, mais tu pars bien accompagné.
— C'est bien beau, mais comme dit Caroline, je pars pour aller où ?
Tu te trouves à un rond-point, Noah. Il y a plein de routes qui partent d'où tu es, et tu peux en explorer une bonne partie en restant ici. Il suffit de le lui demander, Noah.
— À qui ?
Il savait tout à fait à qui, mais ça lui paraissait impossible pour le moment. Comment demander à cet étranger, à cet étrange type, de lui expliquer tout ce qu'il avait raté ? Comment entendre la réponse ?
Cela l'épuisa rien qu'à y penser, et il s'endormit enfin.
Théo est donc bien un produit de l'esprit de Noah. Il est clairement moins "humain" ici. Mais il n'est pas non plus tout à fait un produit de son esprit, parce qu'il lui a déjà parlé de chose qu'il ne connaissait pas (l'anime, par exemple). Je le situe quelque part entre les deux...
Je me fais des nœuds au cerveau avec ton histoire. J'aime.
Ses questions sur l'état du monde reviennent. Ça me rend triste, parce qu'au fond (réflexion personnelle), y a-t-il une solution (fin de réflexion), et si non, est-ce inextricablement lié à l'état de santé mentale de Noah ? J'ai l'impression que ceux autour de lui éludent un peu le propos, mais ça ne freine pas son obsession, peut-être même qu'au contraire, ça la nourrit un peu.
J'ai hâte qu'il parle franchement avec Alphonse !