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Noah s'était assis dans l'herbe à côté de Caroline qui dégustait une branche de blette. Cela faisait plus d'une heure qu'il cuisait au soleil. Sans ses mains, il ne risquait pas de s'enduire de crème solaire, aussi avait-il à son côté un pichet d'eau pourvu d'une paille. Il sirota une nouvelle fois. Elle n'avait pas laissé sortir une pensée, ou il n'avait pas pu la recevoir, ce qui était encore pire. Toutefois, il savait que la réponse se trouvait ici, maintenant. Elle était à sa portée. La réponse à quoi ? Il n'en savait rien.

— Donc, quitte à être cinglé, soyons-le avec panache ! Démon, viens à moi !

De la même manière qu'il avait vu sans le voir Théo la nuit précédente, il aperçut le démon renard aux neuf queues.

— Pourquoi je te vois comme Kyubi ?

Parce que ton mental pense que je dois ressembler à ça. Alors que je suis un lieutenant des enfers, je préfère manier un marteau à deux mains.

Noah s'imagina un grand humain baraqué avec une tunique similaire à celle de Natsu Dragneel et un gros marteau à deux mains comme dans Game of Thrones. La forme qu'il percevait du démon changea.

— Mieux comme ça ?

Oui, ce sera plus discret. Pourquoi veux-tu me parler, gamin ?

— Quand est-ce que tu es venu à moi ?

Tu ne t'en souviens pas ? Vous avez vraiment mauvaise mémoire, vous, les humains. C'était une vidéo sur Tic et Toc, avec un immense incendie de forêt, les hardes de gibier qui fuyaient, les gens qui regardaient en chouinant leur maison prendre feu. Ce jour-là, quand, au fond de ton cœur, tu t'es dit : je ne veux pas vivre ça.

— Et pouf ! Comme ça, tu es apparu ?

La peur qui tiraillait ton cœur est venue me chercher, comme une odeur de poisson grillé allèche le chat affamé. Tu étais là, si vulnérable, si accessible…

— J'avais douze ans ! Tu n'as pas honte ?

Pour seule réponse, Noah sentit un immense rire emplir son crâne.

Noah chercha à se souvenir, était-ce là que sa vie avait basculé ? Était-ce le point de départ de toutes les vidéos et articles qu'il avait ensuite lu sur les désastres du monde ?

C'est l'algorithme, lui indiqua la tortue. Si tu regardes la vidéo assez longtemps, ça t'en met plus du même genre. Et comme tu regardes aussi les suivantes, ça en ajoute, ça varie. Ce gredin n'a pas eu grand-chose à faire. Si tu avais regardé des vidéos d'un pâtissier, tu aurais eu des pâtisseries, mais tu as senti un écho dans la vidéo de l'incendie. Demande au chamane.

Noah savait bien comment fonctionnaient les algorithmes des applis gratuites, mais il n'avait jamais cru que ça pourrait lui arriver, à lui. Il fallait être crétin pour ne pas voir la bulle et il suffisait de quelques recherches et unfollow pour s'en débarrasser, pas vrai ?

— Bon, bon, bon. Tout ça, on s'en fout. La question, c'est pourquoi je suis en vie. Une idée ?

Silence.

— Alors voilà, hein ! s'énerva Noah. Pour raconter des conneries et sortir toute la sagesse des atomes, il y a du monde, hein ! Mais pour répondre à ma putain de question, y a plus personne !

Silence.

— Ça me gave !

Noah se leva tout à coup et, faute de pouvoir ramasser le pichet d'eau, donna un coup de pied dedans. Le récipient en plastique vola à plusieurs mètres, où il rebondit.

Quand il arriva à la porte de la maison, il se figea. S'il rentrait, il serait encore seul avec ses pensées. Voulait-il vraiment ça ? Dehors, il était libre. Dehors, il avait des excuses. Là-bas, il n'y avait que la solitude et le désespoir.

Noah cligna des yeux.

— Je suis un homme, bordel ! s'écria-t-il en rentrant.