02h

Par Rouky

On marche, encore et toujours. On ne court pas, cette fois, bien trop épuisés. Silas avait raison sur un point : le temps qui passe est indéterminable. Aussi bien des minutes que des heures ont pu passés, je n’en ai aucune idée.

On reste silencieux, marchant à travers les ruelles puantes, évitant soigneusement les croisements illuminés par les torches. J’ai faim, je suis fatigué, je suis énervé. Autant dire que ma frustration a dépassé mon seuil de tolérance.

Je tiens toujours Silas par la main, de peur qu’on s’en prenne encore à lui. Il ne se défait pas de ma poigne, me suivant en baissant la tête.

Je réfléchis à toute vitesse, repensant à ce que disaient les deux détraqués dans l’église. Leur couteau repose d’ailleurs dans la poche de mon pantalon.

— Sabah, dis-je comme pour moi même. Sabah... Sabah ? Sabah !

— Pourquoi est-ce que tu répètes ce nom ? s'agace Silas.

Je m’arrête, me tourne vers lui en lâchant sa main.

— Ils ont dit qu'ils voulaient tuer Sabah. Le même Sabah qu’ils nous accusent d’avoir ramené.

— Oui, et alors ? Je ne m'appelle pas Sabah, et même si tu as perdu la mémoire, je doute que tu t'appelles Sabah. Alors qui est Sabah ? Pourquoi ces fous s'en prennent à nous si c'est un Sabah qu'ils recherchent ? Et c’est quoi leur histoire de malédiction ? On a rien fait, nous ! Ce n’est pas nous qui brandissons torches et gourdins !

Mon compagnon semble avoir repris du poil de la bête.

— Je ne sais pas, avouai-je. Mais il y a une chose dont je suis sûr : c’est que cette nuit ne finira jamais si on essaie pas de comprendre ce qu’il se passe.

— Comment veux-tu comprendre quoi que ce soit ? Ces détraqués ne nous donnent aucune information, ils veulent juste nous tuer !

— S'ils veulent nous tuer, et tuer ce Sabah en prime, alors pourquoi en pas s'allier à lui ? À Sabah ?

Silas me regarde comme si j'étais devenu fou.

— C'est pourtant logique ! me justifiai-je. "L'ennemi de mon ennemi est mon ami". Peut-être que ce Sabah pourrait nous aider, nous sortir de cette ville maudite ! Qu’est-ce qu’on risque de pire, hein ? Un village entier essaie déjà de nous tuer. Alors si Sabah n’est qu’un homme, je pense qu’on pourra facilement le maîtriser.

— Je sais pas trop, geint Silas. Rien que son nom sonne... démoniaque. On ne sait même pas s'il est réel ! On ne sait rien !

— Ça vaut le coup d’essayer. Tu préfères quoi, continuer de fuir en espérant survivre ? Ou essayer de nous sortir de là une bonne fois pour toute ?

Ses yeux s’ancrent dans les miens, hésitant. Je lui prends les deux mains, et soutient son regard. Si je n’avais aucune confiance en lui au début de cette aventure, j’éprouve désormais un besoin irrésistible de le protéger.

— Fais-moi confiance, lui chuchotai-je. Il ne t’arrivera aucun mal tant que je suis là.

Il hoche doucement la tête, baisse les yeux sur nos mains enlacées.

— D'accord, dit-il. Je te suis... Mais je te suis où, d'ailleurs ? Où est-ce qu'on le recherche, ce Sabah ?

— Quand ils ont mentionné le nom, une vision m'est apparue : un autel en pierre, avec une drôle de statue sombre dessus. Toi qui possède plus de souvenirs que moi, ça te dit quelque chose ?

— Une vision ? s’étonne Silas.

— Oui, je sais, c’est un peu bizarre. Peut-être juste la résurgence d’un souvenir. Alors, ça te parle ?

Silas se mord la lèvre inférieure, méfiant.

— Oui, murmure-t-il. C'est un autel perdu en bord de route, entouré par la forêt. On est déjà passés devant, mais on a pas eu le temps de s’y arrêter.

— Un endroit isolé, grommellai-je d’un ton ironique. Pafait, alors allons-y.

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R.J. Nefari
Posté le 22/09/2025
Un vrai cauchemar éveillé. C'est vif et ça prend aux tripes. L'action commence dès les premières lignes. C'est prenant! Il est certain que Silas cache quelque chose. Peut-être une chute prévue plus tard. Je vais lire la suite.
Rouky
Posté le 24/09/2025
Salut ! ^^

Merci d'être toujours fidèle à cette histoire, et merci pour ton commentaire ! :-)
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