« Tu sais ce que j'apprécie le plus au sujet de ce monde ? »
Une question rhétorique. Bien sûr. Autant attendre qu'il ait fini de parler. Sa voix n'était pas plaisante à entendre, mais s'il y avait quelque chose qui était sûr, c'est qu'elle ne voulait pas lui dire quoi que ce soit. Ni même le voir. Ironiquement, avoir un masque sur la tête et ne plus pouvoir voir quoi que ce soit n'était pas la pire des choses, à cet instant précis.
« C'est de voir à quel point ils sont de plus en plus proches de comprendre tout ce que j'ai fait et pourquoi j'avais raison de le faire. »
Sa voix puait l'arrogance. La supériorité mal placée. Même sans pouvoir le voir, elle pouvait se douter de quel genre de type il était. Pas vraiment bien dans ses pompes (c'était la meilleure façon de le dire) et dont le concept même de limite morale n'existait plus pour lui. Après tout, si c'était quelqu'un qui avait pensé que la kidnapper et l'enchaîner à une chaise en métal froide était quelque chose qui se faisait, c'était pas compliqué d'imaginer que ce n'était pas sa première fois.
« Au début, c'était compliqué. Après tout, c'est normal, quand t'es juste enfoncé jusqu'au cou dans ton conformisme, il faut souvent être brutal pour que ça puisse fonctionner, que ça laisse une marque dans leur subconscient. Ils réagissent violemment. Te traitent de fou. Cherchent à te faire taire. Parce qu'ils ne veulent pas accepter le changement. »
Qu'est-ce qu'il racontait ? Déjà qu'elle était plus préoccupée par le fait que sa tête lui faisait encore bien mal à cause du coup qu'elle avait reçu, alors si elle devait en plus se taper un pseudo-discours sur… sur quoi, déjà ? C'était quoi, sa cause, s'il en défendait une ?
« Mais au fur et à mesure, les gens qui se foutaient de ma gueule, disaient que tout ce que j'aimais, c'était les vieux films en noir et blanc, ils ont disparu. Et maintenant, tous ceux qui restent ont compris et me suivent dans ma mission. Tu vois pas à quel point c'est magnifique ? J'étais seul, mais maintenant, on est tous ensemble et on a le même but. On est guidés par le cinéma et maintenant, plus personne ne m'empêchera de lui rendre justice. »
S'il avait raison sur un point, c'est qu'elle, elle ne comprenait pas tout ce schmilblick. Donc, ce type qui venait de la kidnapper (en profitant, en plus, d'un instant d'inattention de sa part, ça faisait toujours plaisir) et qui avait fait de sa tête un gong faisait ça parce que… un truc lié au cinéma ? Bon, des gens qui avaient des réactions bizarres au sujet de trucs insignifiants, elle en avait beaucoup vu, mais là, c'était un tout autre niveau ! Et si cette fichue douleur à la tête (ainsi que le fait que cette situation sentait vraiment le sapin et que ça commençait réellement à la terroriser) n'était pas son principal focus, elle aurait commencé à se questionner sur qui était-il et sur pourquoi il était décidé à faire ce genre de trucs au nom de ce qui était juste un loisir fun.
Comme pour répondre à sa question avant même qu'elle ne se la pose, le masque qui recouvrait son visage lui fut brutalement retiré et une soudaine vague de lumière l'assaillit, la forçant à la fois à fermer les yeux et à tourner sa tête. La voix, elle, s'était tue. Enfin, presque, vu qu'elle pouvait l'entendre lâcher des « Hm » légèrement moqueurs. Après quelques secondes, elle ouvrit lentement les yeux et put enfin observer le lieu où elle s'était retrouvée.
La lumière qui l'avait aveuglée venait d'une petite lampe qui se balançait légèrement au plafond et qui semblait avoir déjà bien vécu, vu comment la lumière semblait baisser et remonter en puissance de façon aléatoire. La pièce n'était pas vraiment une pièce, mais une cave. Elle correspondait à tous les clichés qu'on pouvait avoir sur les caves : en plus d'être assez mal éclairée, elle sentait le renfermé, des bruits de gouttes d'eau tombant pouvant être entendus de tous les côtés, du sang était répandu ça et là sur les murs et elle put aussi constater qu'en face d'elle se trouvait une caméra montée sur un pied.
Mais ce fut la vue de son kidnappeur qui était probablement la chose la plus angoissante à voir. Pourtant, il avait l'air d'un homme on ne peut plus normal. Barbe de trois jours, veste marron-ocre sur chemise beige, jean, Converse. Il n'y avait que sa coiffure en piques qui sortait quelque peu de l'ordinaire, niveau apparence. Sauf que son regard, la façon dont il se tenait debout, les traces de sang sur ses vêtements et le couteau qu'il portait à la main gauche indiquaient que sa normalité était uniquement apparente. Le sourire tordu qu'il lui fit en voyant la détresse sur son visage ne fit qu'accentuer ledit sentiment de détresse. Bien qu'elle essayait de rester la plus stoïque possible, le stress et l'horreur de la situation commençaient à être déjà bien trop pour elle.
« En vrai, je sais même pas pourquoi je vous parle avant de commencer un tournage. J'ai ce réflexe depuis je sais pas combien de temps, avant, pendant que je tourne, de faire participer tout le monde dans l'émission, t'sais… après, c'est probablement le fait que j'essaie un peu de montrer aux gens qu'au fond, j'suis un mec… plutôt sympa. »
Elle n'avait rien à répondre à ça. Déjà parce qu'elle était bâillonnée (comme si ça ne suffisait pas) mais ensuite, parce que qu'est-ce que tu voulais répondre à ça ? Dire « Non » ? Vu la voie que cette situation empruntait, c'était basiquement du suicide de dire ça. Le mieux était de ne rien répondre.
« Enfin, bon. Tu vas voir, le film du jour, c'est vachement bien. Le scénar' est complètement décousu, ça part dans tous les sens, mais c'est trop bien. C'est de Sono Sion, tu connais sûrement pas- »
Un bruit similaire à un cognement se fit entendre contre la porte, interrompant le monologue de cet effrayant tueur, qui tourna la tête. Un second cognement, un peu plus fort, s'ensuivit et il souffla, l'air ennuyé. Se levant, il prit le masque et le reposa sur sa tête.
« Toujours pareil, grommela-il, à chaque fois, y'a un truc qui fait chier… je reviens. Avec un peu de chance, tu vas avoir des gens pour te tenir compagnie. »
Elle n'entendit que ses pas. Puis, un bruit d'ouverture de porte. Quand des bruits d'armes à feu et de lutte commencèrent à se faire entendre, ce fut le moment où elle manqua de complètement s'évanouir sous le stress.
Dehors, un peu plus tôt.
« T'es sûre que c'est bien là ? »
« Selon le détecteur qu'Henry a mis en place, c'est ici. Apparemment, le type qu'on recherche, le « Tueur », utilise cet endroit pour vivre… ou tuer ses victimes, je sais pas. »
Paula, tournant la tête vers Cyborg, se mit à légèrement pouffer de rire, ce qui fit lever un sourcil à l'hybride.
« Quoi ? »
« Rien. J'adore juste le sérieux complet avec lequel tu dis cette phrase. Surtout le « Je sais pas ». D'ailleurs, aussi, je sais que j'ai déjà posé cette question, mais… c'est vraiment son seul nom ? Le Tueur ? Genre, il a une carte d'identité sur lequel il est inscrit ça comme nom et prénom ? »
« Je sais pas non plus. Apparemment, c'est son seul nom connu. D'ailleurs, selon toutes les infos qu'il nous a donné, y'en a très peu qui ont des vrais noms. Généralement, c'est plus des indicateurs de profession ou de position dans la hiérarchie sociale. Après, dans les univers internes aux différentes émissions de ces gars, pas mal de personnages sont référés comme étant des alters faisant partie d'un système et ça fait que la question d'une carte d'identité ne se posait pas, mais maintenant que tous ces gens sont de vraies personnes, ce serait bizarre qu'ils se soient pas fait faire de faux nom- »
Cyborg fut arrêtée dans son monologue par un petit coup dans l'épaule.
« Tu te perds dans tes pensées, lui rappela Paula d'un air légèrement taquin. Focus. »
« Ah, euh… ouais, merci. Bon, du coup, le plan : on entre, on défonce le Tueur et on se débrouille pour que ça arrive aux yeux du public, ce qui poussera en retour les gens à montrer plus ouvertement leur haine de la monarchie, en imaginant qu'il n'y a pas tout le monde qui les approuve. J'pensais à envoyer une lettre anonyme aux journaux ou aux bulletins télé populaires ici. Ou mettre la tête du Tueur sur une pique et le promener dans toute la ville, apparemment, les Français sont très friands de ça. »
« Ouais. »
« Et je crois que je vais vraiment en avoir marre de l'appeler « Le Tueur », faudrait peut-être lui trouver un nom. »
« Je propose qu'on l'appelle Frank. »
Cyborg leva son autre sourcil.
« Pourquoi ce nom ? »
« Je suis sortie avec un type qui s'appelait Frank, y'a longtemps. Il me pompait l'air. C'est comme ôter la vie à des gens. »
Les deux femmes restèrent à se regarder bizarrement pendant quelques secondes après ça.
« Ouais, ouais, finit par admettre la clone de Noodle. C'est logique. Je peux pas répondre à ça. »
Et sans attendre, elle cogna contre la porte de métal leur faisant face. Il n'y eut d'abord aucune réponse. Elle cogna une seconde fois et, cette fois, ce fut la bonne, étant donné les bruits de pas qui se firent entendre. Cyborg et Paula se préparèrent à dégainer leurs armes. Quand l'homme en veste ocre et aux cheveux en piques ouvrit la porte, il n'eut pas vraiment le temps de faire quoi que ce soit. Cracker lui tira en plein dans le ventre sans même dire bonjour et, tout de suite après, sa compagne se jeta sur le Tueur et lui décocha un coup de poing assez fort pour le déstabiliser et le faire tomber dans les escaliers.
L'avantage étant dans le camp du duo, elles ne perdirent pas de temps à profiter de l'effet de surprise. Le présentateur d'Unknown Movies, qui tentait déjà de se relever en marmonnant des grossièretés dans sa barbe, fut vite remis à terre par un crochet du gauche dans la mâchoire. Puis il se prit un uppercut dans le visage. Puis un autre dans le ventre. Puis un coup de pied dans la jambe gauche. Et elle lui aurait enfoncé la tête dans le mur plusieurs fois d'affilée si le serial killer ne s'était pas repris rapidement, lui faisant un croche-pied et la faisant trébucher et tomber dans les escaliers. Elle se releva vite, sentant juste que son menton lui faisait un peu mal, mais rien de grave. Quand le Tueur, armé d'un Smith & Wesson, saignant, arborant un visage rouge de colère et des dents serrées à s'en faire péter la mâchoire et respirant bruyamment, Cyborg Noodle soupira.
Pas aussi facile que je le pensais, se dit-elle. Bon… va falloir faire avec.
« Vous êtes qui ?, hurla le cinéphile. Ça peut pas être ce putain de flic de merde, je l'ai tué y'a des années ! C'est qui qui vous envoie ? »
Pour toute réponse, son adversaire s'épousseta le t-shirt.
« Personne. On passait juste dans le coin et, apparemment, il paraît que c'est un peu la merde à cause de toi et tes potes, donc… j'imagine que tu peux te douter ce qui va arriver. »
Le Tueur ne perdit rien de son expression furibarde face aux mots de Cyborg.
« Oh, non. Ooooooooooooh… non. Vous pensez sérieusement que vous pouvez juste me flinguer comme ça ? Vous vous prenez pour qui ? Vous croyez que vous pouvez faire des choses comme ça, en toute impunité ? »
« Oui, quelqu'un qui a une mission et oui. »
Ce n'était pas la première fois que le serial killer se retrouvait face à quelqu'un qui ne se mettait pas à hurler de terreur ou à supplier face à lui, mais c'était suffisamment rare pour l'énerver à chaque fois. Alors, sans perdre plus de temps, il s'élança et se jeta sur Cyborg en poussant un grognement de rage, bien décidé à lui faire ravaler ses paroles. Hélas pour lui, ce genre de tactique était un peu trop évident pour la jeune femme, qui n'eut qu'à s'écarter légèrement pour contrer avant de sauter et de lui asséner un magnifique coup de pied dans le ventre (un point faible est toujours fait pour être exploité à de multiples reprises). Le Tueur lâcha un cri de douleur d'une milliseconde, mais ne fut pas prêt à abandonner si vite.
Fouillant dans les poches de sa veste, le présentateur d'Unknown Movies sortit un revolver et répliqua en tirant directement dans la poitrine de son adversaire, qui recula de quelques pas sous le choc. L'homme aux cheveux ébouriffés profita de cette ouverture pour pouvoir foncer vers elle et lui adresser un coup de poing dans la tête, ce qui fit presque tomber à terre Cyborg. La tenant à bonne distance avec son arme, un sourire sadique apparut sur ses lèvres.
« Oh, oups, déso', on dirait bien que ta mission tourne court. Après, pas que je vais m'en plaindre… »
« Ouais, ouais, répondit Cyborg avec une pointe de mépris dans la voix. Comme si ça me faisait flipper de regarder des vieux films en noir et blanc. Chaplin était un maître, tu m'entends, Frank ? »
Les yeux du Tueur s'écarquillèrent.
« Frank ? »
Ce court instant fut juste ce dont la guitariste avait besoin pour empoigner sa jambe et le faire tomber, lui aussi, avant de se relever. Elle avait envie de rire.
« Ouais, bah, pour quelqu'un lié à tout ce truc de conspiration et de dictature, c'est vraiment pas impressionnant, tout ça. Si c'est pareil pour tout le reste, je pense que ce régime prendra 2 jours à s'effondrer. Au pire. »
Le meurtrier en série se releva, le visage tordu dans une grimace colérique.
« Tu te prends pour qui à dire ça ? Tu sais qui je suis ? Tu sais qui est derrière moi pour me couvrir ? J'ai tout le gouvernement qui a mes arrières ! Personne ne peut m'empêcher d'accomplir ma mission et surtout pas des médiocres qui n'ont sûrement jamais vu Cool World ou The Tree of Life ! »
« C'est quoi, ça ?, se contenta de répondre Cyborg.
« Bah, voilà, exactement ce que je dis. »
L'hybride se frotta la tête. Pour un « Belliqueux », il était plus sacrément chiant qu'autre chose ! Avant que tous les groupes ne partent là où ils devaient aller, ils avaient dû regarder quelques-unes des vidéos des gens qu'ils devaient affronter et les motifs du Tueur étaient… réellement incompréhensibles aux yeux de Cyborg. Mettre en lumière des films méconnus et convaincre des gens de leur donner une chance était un projet des plus respectables, assurément. Mais pourquoi fallait-il que ce soit quelqu'un ayant une vision du monde complètement tordue qui le fasse ? Les meurtres n'arrangeaient pas non plus son cas.
« Ecoute, reprit-elle d'une voix agacée, supposons que tu aies raison et que je sois effectivement une personne médiocre parce que je n'ai pas vu je-ne-sais-quel-film dont Rolling Stone a fait la promo. Est-ce que tu penses sincèrement que j'ai envie de voir ledit film après qu'un connard random m'ait dit que je n'avais aucun goût juste pour ne pas l'avoir vu ? Tu ne te dis pas qu'il y a peut-être d'autres manières de conseiller un film ? »
« QU'EST-CE QUE JE M'EN BRANLE ?, hurla le meurtrier. Une mission comme celle que j'ai, ça s'accomplit pas par des mots gentils et des discussions ! Ca s'accomplit par l'action, ça s'accomplit en prenant les choses en main et les gens qui comprennent, ils attendent pas des mots gentils pour venir, ils viennent et agissent à leur tour. De plus, je te ferai remarquer que la mission se doit de rester pure et que pour garantir ça… eh bien, il faut bien faire du nettoyage et garder les meilleurs. Les seules personnes qui peuvent défendre le cinéma sont celles qui s'y plongent corps et âme ! Tous les autres, dehors. C'est pour ça que je suis le mieux placé pour le faire, bien plus que toi ou n'importe qui d'entre vous. »
Il avait accompagné son monologue d'un sourire des plus arrogants. Cela poussa son adversaire à répondre, un sourire naissant à son tour sur ses lèvres.
« Ouais, ouais. Tu viens juste de me prouver que t'étais juste un crétin arrogant. Non pas que je le savais pas avant, mais bon. »
« Je suis peut-être un « crétin arrogant », mais j'ai le pouvoir ! Et j'ai une arme. »
« Tu as peut-être une arme… mais moi, je suis pas toute seule. »
A cet instant, le Tueur entendit le cliquetis d'un revolver derrière lui et toute l'arrogance dans son expression faciale disparut. Il avait compris qu'elle venait de le piéger et qu'il était basiquement foutu. Puis, un coup se fit entendre. Suivi d'un second, puis d'un troisième. La Création put juste baisser la tête pour voir les petits trous sanglants qui s'étaient formés dans son torse avant de s'effondrer, révélant Paula qui tenait son arme d'une main.
Cyborg se contenta de répondre par des applaudissements.
« Timing parfait, aucune faille dans le tir. 9/10, points bonus pour l'intensité dramatique. »
« Merci, merci, répondit sa compagne en souriant. Je pourrais m'incliner si je tenais pas autant de trucs dans mes mains. »
« Bon, du coup, le crétin semble mort. Ou incapacité. Mission réussie, du coup. On prévient le Docteur Castafolte et on fait ce qu'on avait dit, au début ? »
« Alors, oui pour le prévenir mais pour le reste, ça risque d'être compliqué. »
« Qu'est-ce que tu veux dire par- »
La guitariste s'arrêta dans sa question quand elle jeta un œil à ce que Paula tenait dans ses bras. Et ce qu'elle vit la surprit.
En plus de son revolver, elle tenait un poney. Pas un poney en peluche, mais un vrai poney, à la peau jaune et à la queue et crinière roses, qui était dans les vapes.
« Attends… c'est elle ?, demanda Cyborg, surprise. Buscarron nous avait dit que des gens venant de cette contrée avaient rejoint le combat, mais l'une des actuelles souveraines ? »
« Y'a pas cent mille poneys qui lui ressemblent. Je suis sûre que c'est elle. Par contre, j'aurais besoin que tu prennes sa caméra. Pendant que toi et lui, vous étiez en train de vous faire un petit duel verbal, j'en ai profité pour la libérer et voir un peu l'état de la batterie. Elle est pleine et tout semble bien aller. »
La clone de Noodle ne se fit pas prier pour prendre la caméra et, rapidement, les deux sortirent de la sinistre cave en courant pour retourner au QG et mettre au courant tout le monde pendant la route.
Autre part.
Maxim était assis sur une chaise et attendait. A première vue, il semblait que rien ne se passait mais, en fait, la journée avait été très productive, mine de rien.
Lui, Mallory & Ariane étaient vite arrivés à leur destination. Une fois ici, ils avaient été présentés à un petit groupe de Créateurs et la situation dans cette timeline fut vite expliquée. Lesdits Créateurs eux-mêmes détonnaient dans le paysage, car non seulement ils n'avaient pas vraiment de Créations (il n'y en avait qu'une de présente) mais ils étaient aussi anglophones (heureusement, ils avaient dû apprendre le français pendant les pauses. Un peu à la hâte, mais quand même). La raison à cela étant que malgré le fait que les Rois avaient officiellement promis de ne pas envahir d'autres pays si on les laissait tranquilles, non seulement la situation en France avait provoqué des discussions dans le monde entier mais, de plus, des documents indiquant que les souverains avaient comme projet de trahir l'accord circulaient sur Internet, pour qui savait bien regarder. Les médias n'y prêtaient pas attention, pour éviter de précipiter une guerre, mais ils étaient là.
C'était donc pour cela que les groupes de résistance ne se limitaient pas au seul territoire français. Incluant donc celui avec qui ils étaient et qui avait voyagé clandestinement d'Amérique jusqu'au royaume du Roi Richard. Après que les présentations furent faites, tout le groupe fit un petit bout de marche avant de se retrouver dans un loft spacieux qui avait été loué par un mystérieux contact et servait de QG temporaire. Et actuellement, ils étaient en train de tous prendre un peu de repos après une longue réunion sur ce qu'ils avaient prévu de faire. Leur contact leur avait donné les plans du château de Richard ainsi que les positions des Créations leur étant fidèles et, après plusieurs heures de discussion et de délibération, il avait été décidé d'essayer de convaincre les « Belliqueux » de les aider. Mais pas par la méthode pacifiste, non, plutôt par le chantage et l'escroquerie. Même s'ils portaient bien leur nom, les « Belliqueux » étaient généralement incapables de penser sur le long terme et, si des gens s'opposaient à eux et avaient actuellement ce qu'il fallait pour être un problème, ils s'écrasaient et suppliaient et faisaient du léchage de bottes jusqu'à ce que le sort tourne en leur faveur. Du coup, c'était la solution la plus efficace.
Le portable de Maxim sonna. Le sortant de sa poche et le déverrouillant, il put revoir l'emoji sceptre. Le barbu lâcha un soupir avant de regarder le SMS.
« tout va bien ? »
« yep réunion terminée et tout s'est bien passé on va bientôt faire nos premiers moves et montrer aux gens qu'on est là en fait le narrateur vient de tout résumer »
Même après tant de temps, j'étais toujours un peu flatté quand je voyais quelqu'un me citer. Après tout, c'était à ça que servait un bon Narrateur.
« cool par contre je vous conseille d'accélérer un peu plus vu que cyborg et son groupe sont déjà en pleine action il vous en restera plus beaucoup après »
Au moment même où Maxim s'apprêtait à répondre, la porte du salon s'ouvrit et Ariane en surgit, l'air passablement agité.
« Mec, faut que tu viennes ! Y'a Mallory et Cal Chuchesta qui sont en train de se prendre la tête ! »
« Pourquoi ?, demanda le rouquin, incrédule.
« Elle lui a dit que sa mixtape de 2015 était pas très bien. »
Le presque trentenaire lâcha un grognement agacé.
« Sérieusement, c'était le seul truc à pas faire et il fallait que ça se produise… je m'en occupe. »
Encore autre part
« T'as bien de la chance que je sois attachée, trouillard. Si j'étais libre, je t'aurais fait bouffer ton sourire débile cinq fois d'affilée ! »
L'homme brun à l'impeccable costume noir et aux lunettes de soleil ne perdit pas son sourire face à cette menace. En fait, il sembla que ça le renforçait d'entendre ça.
« Ah, mais tu sais, gamine, répondit-il d'une voix grave et profonde, c'est pas par gaieté de cœur que je fais ça. J'ai un business à tenir, il faut continuer à se faire de l'argent et puis, ce lieu, c'est un peu un refuge. Un lieu pour tous ceux qui n'ont plus de maison et qui cherchent une occasion de s'en sortir. Pour qu'ils ne puissent pas vivre… ce que moi, j'ai vécu. »
Un silence se fit pendant quelques secondes. La poney à la peau azur et crinière multicolore qui venait de le menacer et qui était allongée sur un large lit, les bras attachés par des menottes, regarda un peu autour d'elle. La pièce dans laquelle elle se trouvait était entièrement rouge, les murs, les plafonds, les tables, les chaises. Ils étaient loin d'être les deux seules personnes ici, car non seulement il y avait plusieurs autres lits, mais ils étaient tous occupés par des gens en train de faire l'amour, de diverses manières. Elle pouvait entendre des soupirs, des gémissements de plaisir, des incitations à aller plus ou moins vite, quelques coups de fouet, quelqu'un qui hurlait qu'un concombre dans les fesses, en fait, c'était trop bien…
D'ailleurs, il était possible de distinguer les gens qui travaillaient dans ce lieu de ceux qui payaient pour coucher. Les premiers n'avaient que des sous-vêtements en cuir avec des piques comme seul accoutrement tandis que les seconds avaient plus de fringues (des normales, qui plus est) sur eux, bien qu'éparpillées sur le sol. Ils étaient aussi le plus souvent en-dessous. Après, ce qu'elle savait, c'est que tous ces bruits commençaient à lui porter sur les nerfs. Et que si son sort, ça allait être de subir ça, elle ne se laisserait pas faire ainsi !
Ses pensées furent interrompues quand le Patron lâcha un grand éclat de rire, brisant le silence.
« Sérieusement, je sais pas comment j'ai réussi à avoir cette image mais j'imagine qu'il faut que je remercie tous ceux ayant contribué à me la donner, dit-il. Oh, non, en fait, je l'ai déjà fait. Tu le vois pas, mais pas mal d'entre eux sont venus de eux-mêmes ici pour devenir mes employés. La double victoire : ils ont tous écrit sur à quel point j'étais une pauvre petite victime de mon environnement qui s'est adaptée et est devenue cette espèce de héros, puis après, ils sont venus et ça m'a garanti des employés et de l'argent. Pour moi, hein, pas pour eux. »
Cela n'était pas rassurant. Rainbow Dash ne montrerait aucun signe de peur, elle avait sa fierté. Mais elle voyait bien que ce type, bien qu'assez malingre et plus doué en parlotte qu'autre chose, avait quand même des arguments pour faire valoir la puissance qu'il avait réussi à accumuler. L'observant et remarquant sa chemise déboutonnée (laissant voir un torse pâle et imberbe) ainsi que sa braguette ouverte, dévoilant le haut de son boxer ainsi que son érection très voyante, elle put deviner aisément pourquoi il semblait être aussi aimé, malgré le fait qu'il n'était pas le meilleur des patrons, de par ses paroles.
« J'vois bien que ce qui se passe te plaît pas. Mais la plupart des gens qui sont venus avant toi, que ce soit de leur propre gré ou non, ils ont ressenti la même chose. Puis, ils ont expérimenté et après, ils ne pouvaient plus s'en passer. Je vois pas en quoi ce serait différent pour toi. D'ailleurs, je me demande combien je peux faire payer pour quelqu'un qui vient d'Equestria. En plus, t'es pas l'une des souveraines de tout le pays ? Sûrement, ça me rapportera un sacré tas de pognon… bon, après, y'a qu'un seul moyen de m'en assurer. »
Il commença à s'approcher, son sourire carnassier ne l'ayant pas quitté et sûr qu'encore une fois, il allait bien se faire plaisir. Toutefois, ses plans furent contrariés quand la porte qui menait à la pièce fut défoncée et qu'un employé, blessé et ses yeux au beurre noir bien visibles, s'écrasa pas loin. Les assaillants étaient deux êtres inhumains aux physiques particuliers, l'un ressemblant à un scaphandrier tout droit sorti des Enfers et l'autre avec un aquarium en guise de tête. L'effet de surprise était réussi (même si presque tout le monde était en train de continuer leurs besognes respectives comme si rien ne se passait) et ils avaient l'air de gens qu'il ne fallait pas attaquer comme ça.
« HONHONHON HONHON MUFMOUF HON ! »
« Grlglglrrrrgalgr ! »
Ce fut à cet instant que l'intensité dramatique s'étant installée repartit aussi vite qu'elle était venue. Rainbow Dash était plus que confuse face à ce qui se passait, tandis que le Patron était en train de grogner parce qu'on le retardait dans ce qu'il avait prévu de faire.
« Toujours des emmerdes, décidément, lâcha le criminel sexuel alors qu'il se tourna vers les deux nouveaux arrivants. C'est quoi, ça, encore ? Les Russes n'ont plus d'idées pour faire couler mon business ? Sérieusement, si c'était des hommes d'honneur, ils pourraient venir me voir directement avant d'envoyer leurs larbins. En plus, avec ce genre de costumes… »
Venant vers la direction du duo, il ne put s'empêcher de claquer la fesse gauche de l'Evangelist, ce qui lea fit rougir, dû à sa complète impolitesse (pour le dire… poliment, du coup).
« J'vous ai jamais vu ici, j'imagine que ça va servir de mettre les points sur les i direct. On m'appelle le Patron, je gère ce club dont vous venez de défoncer la porte et ce mec à qui vous avez cassé la gueule. Je suis l'un des bras droits du Roi Richard et je dirige le plus gros empire de la prostitution et du sexe tarifié en France à cet instant ! Tous ceux qui ont tenté de m'affronter ont fini avec des balles dans le buffet ou un vibro dans le cul ! Ou les deux, après tout, les gens morts parlent beaucoup moins que les vivants, c'est mieux quand on baise ! Quoi qu'il en soit, je vous garantis que si vous essayez de me baiser, vous le regretterez vite. Et même Satan ne peut rien faire face à moi, je peux prendre son trône si j'en ai envie, pigé ? »
Cette dernière phrase fit tiquer le Boogieman. Pendant quelques secondes, il ne dit rien et se contenta d'observer le Patron, son expression faciale neutre étant devenue méfiante. Puis, fouillant dans ses poches, il sortit un sifflet et, sans plus d'hésitation, souffla dedans. Le bruit était très aiguë et assez désagréable.
A peine une seconde plus tard, un démon se téléporta dans le bordel. Vêtu d'un costume-cravate aussi élégant que celui du Patron, il avait les yeux jaunes, des cheveux noir corbeau rassemblés en une grande crinière de lion, des cornes protubérantes et un air patibulaire, très agacé. Tournant la tête vers Sun Moon Stars, il se mit à grogner, la seule façon qu'il avait de s'exprimer.
« Mufmufmouf mf hon honhonhon honhon muf ! Honhonhon mfmfmf honhonhooooon ! HON ! »
Ce fut ce que le Boogieman lui répondit, le doigt tendu vers la Création de Mathieu Sommet. Le démon se tourna vers ce dernier, vint d'un pas rapide vers lui pour l'observer alors que lui-même se mettait à être quelque peu dépassé par les événements et, après quelques secondes, l'empoigna par le cou et disparut avec l'homme en noir avant que celui-ci ne puisse émettre une protestation. Le silence se fit à nouveau. Les gens étaient toujours occupés à baiser. Ils n'avaient probablement toujours rien remarqué.
« Est-ce qu'on peut me détacher ? »
Les deux êtres se tournèrent vers la personne qui avait dit ça, à savoir Rainbow Dash, et s'empressèrent de venir la détacher. Une fois cela fait, la membre des Wonderbolts se frotta les poignets, qui étaient devenus légèrement douloureux, avant de se tourner vers ses sauveurs.
« Bon, j'avoue, c'était assez impressionnant. Mais ne dites à personne ce que j'ai dit. D'ailleurs… si vous pourriez ne pas dire ce qui s'est passé, ça m'arrangerait, j'ai une réputation à conserver. Bref. C'est pour quoi que vous êtes là ? »
« Glgrgrrrrrrlllllglarglalagla. »
« Ça tombe bien, moi aussi. Vous avez des gens avec vous ? »
« Honhon ! »
« Excellent, lâcha la poney d'une voix triomphante. Moi et mes amies, on a été séparées en se téléportant sur Terre, mais avec un peu d'aide, on pourra les retrouver et faire tomber ces cons. Allons-y ! »
Ni le Boogieman, ni l'Evangelist n'eurent le temps de répondre que Dash était déjà partie de l'endroit, utilisant sa super-vitesse pour casser un mur. Ca le ferait.
Pendant ce temps...
« C'EST PAS FINI ! CE N'EST PAS FINI ! »
Le Tueur fut énervé quand il se réveilla. Non seulement deux inconnues étaient venues, l'avaient piégé, battu, ridiculisé et laissé pour mort mais, en plus, quand il s'était réveillé, il s'était aperçu que son otage… son invitée n'était plus là et que sa caméra était portée disparue. Ce qui l'avait rendu furibard. Il s'était donc précipité hors de son repère après avoir crié et insulté le vide pendant plusieurs minutes. Son visage était devenu rouge de colère et il allait sûrement se taper un infarctus à force de courir, mais dans sa tête, il ne serait pas tranquille tant qu'il n'aurait pas retrouvé ces gourgandines (dire des insultes ne me dérange pas, mais cette fois, j'ai préféré censurer) pour s'occuper de leur cas.
Il s'arrêta quelques secondes pour reprendre son souffle et, à cet instant, il entendit le bruit d'un couvercle de poubelle qui s'écrasait sur le sol. Tournant la tête, il put voir que cela provenait d'une ruelle sombre.
« QUI C'EST QU'EST LA ? TU CHERCHES LA BAGARRE, TOI AUSSI ? VOUS PENSEZ TOUS QUE VOUS POUVEZ ME BAISER ? VOUS AVEZ OUBLIE QUE C'EST MOI, LE MAITRE ? »
Sa fausse courtoisie s'étant envolée et, cette fois, il était prêt à se frotter à tout le monde. Et s'il devait tuer vingt personnes, trente, cinquante, cent… pour accomplir son objectif, il le ferait ! Puis la personne étant là fit son apparition. Le serial-killer n'eut que quelques secondes pour mémoriser ce costume de cuir noir, la cagoule aux oreilles de chauve-souris, les chaînes attachées tout autour de lui et, surtout, le sourire inhumain et élargi sur tout son visage.
Il n'eut pas le temps de voir arriver l'acide partant de la fleur sur le costume du nouvel arrivant vers son visage.
Dans une autre réalité...
Des os venaient de craquer. Ceux du cou, plus précisément.
L'homme tomba lourdement sur le sol, mort, sa nuque brisée. Il n'avait rien de spécial, à première vue. Entièrement habillé de noir, que ce soit sa chemise, son pantalon ou ses chaussures, et portant un bob avec un Kirby dessus. Le second homme mort lui ressemblait comme deux gouttes d'eau, excepté au niveau de son accoutrement (une blouse blanche, un nœud papillon bicolore et de petites lunettes rondes).
Pour la femme en chemise à carreaux rouges et noirs et au masque de cochon qui les regardait, c'était des faces familières. Un peu trop.
Pighead, observant les corps de ceux qui étaient il y a encore quelques minutes le Professeur et son lieutenant, Virus, épousseta nonchalamment son débardeur noir et le haut de son jean, un peu par réflexe. Puis, tournant la tête, elle regarda les tas de Pouces Rouges à moitié ou complètement morts qui s'apprêtaient à être placés dans la machine sur laquelle les deux travaillaient avant qu'elle ne débarque. Ça lui serait utile. L'autre était encore en train de roucouler stupidement avec Sasha… ou est-ce qu'il avait déjà envoyé ces espèces de rockers modifiés aux trousses de tout le monde ? Elle ne savait plus.
Elle savait juste que tout le monde n'avait pas encore été rassemblé. Elle avait encore un peu de temps et, apparemment, la majorité des Pouces Rouges du château étaient encore à la cantine, prenant leur déjeuner et bouffant toute la nourriture. Comment pouvaient-ils encore avoir un budget pour ça, à force de tout dépenser ? Mystère.
Bref. La machine. Ces Pouces Rouges morts, si elle réussit à régler tout cela, feront une excellente addition à son armée. Et pour tout le reste de l'espèce… que ce soit les gros doigts ou ses sosies, elle pourra en faire quelque chose. Elle n'aura même pas besoin de les faire bosser pour elle. Tout ce qu'il fallait, c'était qu'elle puisse retrouver ses cibles et les projeter là où elles appartiennent.
Et après cela, enfin, elle pourra détruire cette timeline damnée et fermer ce chapitre pour toujours.