04. BlackJack!

Je ne connais qu’une seule personne qui aurait réellement pu survivre à l’enfer du Saint Treize, et seulement parce qu’il n’a absolument plus rien à perdre (vu qu’il a vraisemblablement tout perdu). Et sans vouloir me vanter (ce n’est pas mon genre), je dois encore lui faire face chaque matin que Dieu fait, quand je vois sa sale gueule dans mon miroir.

Même ce bon vieux Gretchencko aurait sans doute fini par craquer avec le temps : vu qu’il aura malgré tout laissé derrière lui une femme et une fille à sa mort (famille qu’il avait déjà à son chevet à l’époque des faits).

Mais il a été plus malin que ça : il a toujours manœuvré relativement à distance (ou en tout cas, en s’assurant bien d’être absolument toujours couvert)…

Il a quand même salement failli le regretter malgré tout.

Mais pour vous donner une idée du bonhomme, il faut savoir qu’avant de devenir le leader qu’on connaît, du temps où il était contraint (comme nous tous) à lutter ardemment pour trouver sa pitance quotidienne, Victor Gretchencko n’était qu’un vulgaire franc-tireur parmi tant d’autres, arpentant les rues du Sector Primus sans réel but : un énigmatique (et insaisissable) sniper!

Et peut-être, déjà, le meilleur

Enfin, ça, c’était avant qu’il ne devienne totalement bigleux en fait : un cas de myopie tardive pour être parfaitement clair (une occurrence assez rare pour être mentionnée d’ailleurs). Généralement, la myopie commence à partir d’un assez jeune âge, normalement à l’adolescence (et jusqu’à la stabilisation de la croissance de l’œil à l’âge adulte). Victor a eu la malchance de devenir myope au sommet de sa gloire : au-delà de ses 25 ans.

Néanmoins, s’il a tiré quelque chose de crucial de sa première vocation d’armes, c’est sans doute une profonde paranoïa (laquelle lui fut fort utile pour remplir la tâche difficile qui devait lui incomber par la suite) : celle de diriger d’autres hommes (quand il a fini par s’acoquiner aux habitants d’un petit hameau retranché dans la périphérie du Sector Primus, dont la croissance allait très vite finir par inquiéter les troupes des seigneurs de guerre locaux, dont Khor). Cette prime méfiance (sans parler de cynisme) l’aura certainement préservé de plus d’une trahison d’opportunistes en tout genre.

Pour autant, Victor Gretchencko n’était toutefois pas comme Dame Lilith à ce sujet.

En ce qui le concerne, il était encore capable (lui, au moins) d’accorder une confiance pratiquement totale à un certain nombre d’individu (bien que limité).

A l’époque qui vit l’Op. BlackJack, il n’y avait encore que trois personnes à qui il faisait une confiance aveugle (ou presque). Et malgré sa volonté de lui donner crédit, sa fille ne pouvait évidemment pas faire partie de ce trio gagnant (en raison de son jeune âge et donc de son innocence bénie)…

Dans les trois en question, il y avait sa femme (forcément), un jeune caporal au sein de sa garde personnelle (qu’il avait lui-même formé) et du nom d’Everett Bramwell (un petit con qui, paraît-il, disait à qui voulait bien l’entendre qu’il couchait avec son sergent) ainsi que miss Irina Pavlova (le dit sergent et sous-officier émérite de cette unité restreinte, donc).

Furius ne comptait pas encore parmi ses proches : bien que faisant partie de la même unité que Bramwell a l’époque, il n’était encore personne. Et seule la nécessité extrême née d’un contexte tendu a pu alerter le commandeur sur son existence.

Pour le reste, il m’apparaît pourtant évident que le seul le soutien inconditionnel de ses pairs n’aurait pas suffit à maintenir le commandeur en vie durant les guerres institutionnelles. Je crois sincèrement que c’est cette paranoïa qui l’a préservé jusque là. Parce qu’à l’époque, il n’aurait pas été foutu de blesser un éléphant dans une ruelle sans lunettes avec autre chose que son long fusil. Et le compromis qu’il avait trouvé (dans l’espoir de simplement survivre) avait fatalement un prix.

Non pas qu’il rechignait lui-même à jouer des coudes ou même à se battre (si nécessaire). Il n’était en rien un « dégonflé » (même s’il paraît qu’il ne valait pas tripette aux poings). Mais ce n’était clairement pas son violon d’Ingres. Qui plus est, l’alliance qu’il a finie par entretenir avec les gens du hameau originel allait dans les deux sens : elle lui profitait autant qu’aux gens sous ses ordres.

Et comme c’était généralement « les autres » qui venaient quémander son aide, il lui apparaissait normal qu’ils mettent aussi les mains dans le cambouis de temps en temps (bien qu’il ait pris un maximum de risques à ses débuts en tant que meneur d’hommes)…

Jusqu’à ce qu’il parvienne à fédérer suffisamment de monde autours de lui, au-delà d’un point où il lui devenait virtuellement impossible d’hypothéquer sa propre vie dans des missions trop dangereuses. Moins pour sa sécurité d’ailleurs,  mais plutôt pour administrer au mieux ses suivants sur la durée et ainsi limiter les pertes inutiles (partant du principe, que de toute façon, dans ce genre de business, il y a toujours de la casse). (‘Fin, je dis ça, mais l’opération BlackJack, c’était déjà bien gratiné niveau « risques inutiles »).

Il en était toutefois venu logiquement à la conclusion que la nécessité de conserver sa vie n’était pas incompatible avec les intérêts de ses troupes.

Mais pour revenir là-dessus, peu avant les évènements qui ont conduit au siège du 21ème Bastion du premier District du Sector Primus et la fin de la guerre contre Khor, je suis presque certain que c’est cette méfiance pathologique qui aura poussé le commandeur à décliner la prime invitation de Lilith à lui rendre visite dans sa propre citée : j’en mettrai ma main à couper (ou presque).

A l’époque, il aurait tout aussi bien pu accepter la demande de la suzeraine du treizième secteur : n’importe qui d’autre à sa place l’aurait vraisemblablement fait du reste, puisqu’après tout la situation entre les factions internes au premier secteur était encore « relativement » stable (avant l’ultime passe d’armes qui devait décider de l’issue des Guerres Institutionnelles). Face à l’apparent statu quo, c’était une simple question de bon sens : chercher à renforcer tous les appuis possibles et développer tout soutien (fut-il externe) qui aurait pu, en théorie, faciliter le travail de pacification de la mégapole.

D’autant que Lilith, elle-même, conformément à de précédentes négociations avait obtenu le droit de mener ses hommes aux combats aux côtés des sept brigades contre Khor (bien qu’elle eût spécifié que le contingent déployé se limiterait à sa garde personnelle, et qu’elle serait seule à la commander).

Le communiqué diplomatique à l’origine de l’invitation en question, je ne l’ai forcément jamais vu. Je peux seulement me douter de sa teneur aux vues de ce que l’on a appris sur le treizième secteur par la suite, mais surtout en analysant la décision que Victor a prise sur le coup.

Il a simplement préféré prendre une compagnie entière de ses meilleurs hommes pour s’engouffrer dans le cœur de la ville dans une action de prestige : à savoir débusquer Khor « seul » (ou presque). En se référant à une campagne de renseignement qui s’est révélée être de la pure intox orchestrée de main de maître par Khor lui-même : c’est d’ailleurs aussi lui, Khor, donc, qui lui est tombé dessus en fait (avec pratiquement tout ce qu’il avait). Gretchencko n’a survécu à l’embuscade que par pure chance. Et l’Histoire retiendra que le vieux avait préféré ce genre de traque foireuse à un entretien avec Lilith elle-même (vas savoir pourquoi). Mais je crois qu’on peut facilement en déduire à quel point il n’avait vraiment pas envie de la rencontrer sur le papier.

Une grande partie des pontes qui composaient l’état-major des Sept Brigades étaient encore pour la plupart d’anciens seigneurs de guerre eux-mêmes. Et même s’ils n’avaient obtenu le droit de rejoindre le corps de la toute récente Alliance que sous certaines conditions, ils n’étaient souvent pas loin de vulgaires loups ayant simplement réussi à tirer leur épingle du jeu en rentrant dans le rang (mi par opportunisme, mi par alliance).

De ce que j’ai cru comprendre, la situation semblait quelque peu péricliter pour Gretchencko. Après sa montée en puissance depuis l’ascension de ses débuts notables en tant que leader, il se retrouvait à présent quelque peu esseulé au sein du contingent qu’il avait pourtant en partie contribué à créé. Pour autant, les combats qui duraient déjà depuis plus de trois ans déjà, avaient pratiquement cessés et toutes les factions en étaient au point mort.

Khor était sorti affaibli de ces trois années de lutte incessante bien sûr (même s’il avait de la ressource). Mais il avait pour lui, la possession des étages inférieurs de la citée, lesquels lui servaient simplement de base arrière en cas de pépin. Ce qui en faisait une proie pratiquement insaisissable.

Et si ce fief pouvait (certes) paraître grandement isoler son maître (l’empêchant réellement de s’étendre à sa guise), il lui octroyait encore la main mise sur les centrales énergétiques des plus bas niveaux, de même que sur l’ensemble des complexes dédiés à l’usinage en tout genre des étages situés directement sous le niveau de surface (lesquels étaient nécessaires notamment au maintien du fonctionnement automatisé de la mégapole toute entière en temps normal ainsi qu’à l’entretien des structures de soutien). Même si beaucoup de ces usines avaient été (parfois même lourdement) endommagées du temps de la chute de la Faucheuse, Khor pouvait s’enorgueillir de conserver pratiquement toute la partie de la production de la ville dans sa globalité et  l’essentiel du degré d’avancement technologique de tout le secteur par la même occasion. Se délectant des meilleures avancées scientifiques à l’heure où les Sept Brigades peinaient encore à recoller les morceaux au niveau du savoir hérité des civilisations perdues d’avant la Faucheuse.

Sans ça, les membres de notre contingent n’en étaient jamais réduit qu’à littéralement confectionner des arcs et des flèches importés de l’extérieur en temps de disette (quand nous ne parvenions pas à rassembler suffisamment d’armes sur place pour équiper nos propres troupes) et ce, pour faire face aux unités d’assaut de Khor qui étaient, quant à elles, armées, de manière la plus standard, de blindages individuels intelligents aussi bien que d’armes lourdes, voir énergétiques (et bien qu’en sous-nombre).

Concrètement, notre meilleurs soutien externe à l’époque (et pratiquement le seul qui plus est) demeurait l’afflux constant de réfugiés par delà le dôme, afflux qui n’a pas fait que contribuer à consolider nos communautés : il était on ne peut plus vital pour les Sept Brigades elles-mêmes. Elles purent ainsi profiter pratiquement de tout temps de l’aubaine de pouvoir renflouer leur rangs de manière régulière.

Là où Khor en était encore réduit à ronger littéralement son os, tapis dans les couches inférieures de la ville, pour sa propre survie, obligé en permanence d’économiser les munitions, à défaut de pouvoir disposer de ressources abondantes (que ce soit en matière première mais surtout terme de main d’œuvre humaine).

Et le vrai problème, c’est qu’il était peut-être finalement prêt à changer complètement son fusil d’épaule à son tour (sans doute lassé de son statut de loup en cage). Hors, il s’agissait encore d’un tyran assoiffé de pouvoir et de sang, doublé d’un esclavagiste (et d’un tortionnaire notoire)…

Et ce, au moins autant que Lilith : même si la Grande Conjurée n’avait encore pour elle que le fait qu’on ne savait encore rien de son petit jeux. Khor avait quant à lui toujours à son actif le massacre gratuit de la multitude de civils ayant refusé de se soumettre à l’autorité du tout puissant chef de clan (sans même compter le sacrifice des soldats des Sept Brigades qui périrent sous les balles de ses larbins dans le seul espoir de mettre un terme à son hégémonie sur le reste du secteur).

Même si, en temps normal, le vaniteux seigneur de guerre ne témoignait pas le moindre respect aux chiens qui avaient rallié la bannière des sept brigades, il apparaissait depuis peu qu’il semblait lui-même potentiellement disposé à raviser son jugement (à en croire les rumeurs de pourparlers parvenant aux oreilles de Gretchencko à la même époque).

Rumeur fondée ou ragots de bas étage, on ne le saura jamais vraiment.

Mais on peut être pratiquement certain que la Grande Conjurée, quant à elle, avait probablement eu vent, elle aussi, des bruits de couloir (de par sa réaction)…

En effet (et de manière assez troublante), elle ne parut pas s’en réjouir.

Elle évita même de prêcher pour une « paix honorable » et se garda de tout commentaire bien qu’elle assurât une nouvelle fois son soutien à l’alliance du premier secteur.

Khor n’ayant quitté le treizième secteur que peu après que sa jeune cousine fût pubère, il ne l’a connaissait réellement que comme l’esclave de son père.

Et bien qu’il fit souvent preuve de son vivant d’au moins autant de cruauté que la prétendue « main salvatrice » du treizième, je n’ai jamais ouï dire qu’il fut médisant à l’encontre de sa cousine (il n’en avait simplement rien à fiche selon mon humble avis).

Il n’y avait aucune raison apparente à l’hostilité de Lilith envers son parent et il n’y en a jamais eu en fait : ce n’était pas contre lui, c’était pour faciliter l’annexion du premier secteur en tant que tel (dans le but de rafler la mise une fois que le tout serait bouclé). Et ce n’était pas vraiment possible de parvenir à cette fin avec Khor à sa tête (question de querelle d’égos).

Mais elle a probablement fait une grave erreur de calcul au passage (ou tout du moins, elle aurait sans doute dû envoyer ses sbires plus tôt)…

A moins que ce ne fût Khor en personne qui lui refusa son soutien au préalable : il avait assez d’arrogance pour le faire si elle le lui avait proposé. Comme je l’ai dit, les deux gus n’étaient pas à court d’égo surdimensionné. Nos services de renseignements ne sont pourtant pas au fait ne serait-ce que de l’embryon d’un entretien du genre entre les deux leaders. Mais comme je l’ai dit, il voulait régner sans partage (et Lilith n’était pas du genre à jouer les seconds rôles non plus).

Selon moi, elle enviait ironiquement aux sept brigades leur seule vraie force, leur attrait majeur : elles n’avaient pas de vrai dirigeant.

Gretchencko n’a pratiquement jamais été qu’un des sept généraux de l’alliance du premier secteur et en tant que général, il était de facto minoritaire au sein de celle-ci. Je suis persuadé qu’elle a pensé qu’il suffirait de les liguer les uns contre les autres (si besoin était) et de se proposer en messie par la suite.

Quoiqu’il en soit, c’est (je crois), une des premières raisons qui poussa Gretchencko à se méfier.

Ce n’était pourtant pas suffisant pour expliquer sa réticence à la rencontrer.

Pour autant et bien que Lilith fut une parente reconnue de Khor, l’appui d’un secteur tout entier (puisque le sien était intégralement pacifié) était suffisamment considérable pour qu’on s’y intéresse à une heure ou les soutiens venaient à manquer.

La réponse se trouve certainement dans le communiqué diplomatique adressé à Gretchencko selon moi. Mais on n’a jamais été le repêché dans les archives même du commandeur à ma connaissance (et je me vois mal aller demander à sa femme d’aller vérifier maintenant que ce bon vieux Victor est mort depuis une dizaine d’années déjà et que j’en suis tout bonnement retourné au statu d’inconnu pour elle et sa fille). Donc je ne peux pas vraiment savoir, mais je suis pratiquement sûr, connaissant un peu la méthode des gens de Lilith que l’invitation était en outre au nom de la famille Gretchencko toute entière.

Je dis ça parce que, de ce que j’en sais, il perdait facilement les pédales pour que dalle quand il se faisait le moindre souci pour sa famille.

Il était du genre à fumer clopes sur clopes, tout en angoissant en boucle à déblatérer sur des histoires d’empoisonnement au mercure quand sa fille avait le malheur de choper un rhume

Nota bene : ça me fait toujours autant marrer que lorsqu’on m’a raconté cette anecdote (100% « vraie ») pour la première fois. Mais en y repensant un peu, la question qui vient  inévitablement après c’est « comment fait-on pour attraper un refroidissement dans une citée à température modulable ? ».

Alors si Lilith (qu’il ne connaissait absolument pas), a cru bon d’inviter sa propre famille (qui n’avait strictement rien à voir de manière directe avec la campagne qu’il était en train de mener), je suppose qu’il a pu voir rouge. Après ça reste un peu bidon comme raison si c’était jamais quelque chose du genre. Mais comme je l’ai dit, je n’ai jamais eu accès au contenu de la missive. Pour autant, je suis même prêt à parier que le contenu de la lettre était peut-être bien plus ambigu que ça.

Le souci, me semble-t-il (et toujours si l’on suit ma théorie), c’est que s’il s’était contenté d’ignorer le communiqué, il aurait dû s’expliquer (au risque de créer une mini crise diplomatique).

Et je le voyais mal défendre son point de vue sur une vague intuition et des soupçons qui ne reposaient sur rien. Mais ça fait partie de l’exercice diplomatique (et c’est pour ça que je suis au moins tout autant que lui une brêle à ce jeux).

Si mon hypothèse est exacte, il aurait tôt ou tard fallu qu’il se rende dans la gueule du loup pour rectifier le tir (que ce soit de son plein gré ou par suite d’une décision du conciliabule des sept brigades).

Ca reste selon moi, la meilleure raison expliquant sa prise de risque maximale lorsqu’il a finalement pris tout son petit monde à contre-pied : en se lançant à la poursuite de Khor !

Il a sans doute  même prévenu sa famille au cas où il ne reviendrait pas.

Et comme ce bâtard a toujours eu une veine de pendu (sauf à la fin, faut l’avouer), ça a payé !

(Et bien que cela ne se soit pas exactement passé comme il l’avait prévu).

Même s’il s’est souvent mis dans des situations très peu confortables et qu’il estimait qu’ont pouvait facilement le remplacer, je crois, qu’au fond, ça lui a toujours pesé de laisser ses gars aller au turbin tous seuls. C’est pourquoi il les dirigeait directement sur ce front (comme il le faisait encore parfois) et quand Khor leur est tombé sur le coin de la trogne.

Il faut dire aussi, qu’à contrario, la plupart des pontes n’en ont jamais eu rien à branler du troufion de base, mais ça reste une raison à la con pour prendre des risques inconsidérés (et vraisemblablement inutiles).

La coupure soudaine des liaisons (qui faisaient partie du plan de Khor) étaient destinées à rapprocher davantage le commandeur de ses lignes avancées pour prendre directement le contrôle des opérations : manque de bol pour Victor, ça faisait plus ou moins partie de l’embuscade. Et cette buse de général a totalement marché : ces conneries auraient clairement pu lui coûter la vie. 

En l’occurrence, il aurait mieux fait de penser bien plus à sa femme et à sa gosse avant de se lancer dans cette pseudo croisade à l’aveuglette…

Hein ? Ouais, une gamine ! Oui, si : c’est vrai qu’ici, ce n’est pas pareil.

Mais je suis un peu de mauvaise foi, là encore. Puisque, comme je l’ai dit, s’il semblait loin d’être dos au mur au moment de se lancer à la poursuite (pour le moins risquée) de Khor, rien qu’en prenant compte de sa marginalisation au sein même de son propre Q.G., ainsi que les vues de Lilith, son choix apparaît loin d’être si saugrenu.

Quoiqu’il en soit, l’Histoire dira qu’il avait raison : « et sur absolument toute la ligne » !

A la surprise générale (la sienne y compris), il a juste pigeonné tout le monde.

Après la bataille aux portes du Bastion 21 (dans lequel Victor Gretchencko avait trouvé refuge après avoir échappé à l’embuscade de Khor), lorsqu’un simple soldat perdu dans le tas qui contaient les morts lui a demandé ce qu’il pensait, alors que son regard se perdait encore dans la contemplation du numéro d’un des nombreux bunkers du premier District qu’il avait dû défendre pratiquement seul (à l’aide d’un « unique » compagnon d’infortune) jusqu’à l’assaut des renforts de l’Alliance, il a juste répondu en souriant : « BlackJack ! ».

Je suppose que la mort ne fait pas que des parties d’échecs.

Il devait simplement avoir le sentiment de l’avoir plumée aux cartes en explosant la banque…

Mais en fin de compte, la partie était loin d’être finie !

Il a appris un peu après que Lilith était au sein même du Sector Primus.

Personne ne la connaissait vraiment encore malgré les contacts diplomatiques…

Mais vas savoir pourquoi, je suis pratiquement certain que son estomac a dû violemment se nouer à cette simple annonce.

Il n’y avait pas de raison d’être réellement inquiets pourtant. D’autant que ses hommes venaient de prendre part à la bataille aux côtés des renforts de l’Alliance dépêchés contre Khor : elle avait donc techniquement contribué à sauver ses miches dans les faits (même si elle n’avait finalement pas pu diriger directement ses larbins au combat suite à la coupure prolongée des liaisons voulues par Khor) !

De manière compréhensible, la première réaction du commandeur fut d’aller s’enquérir directement de sa femme et de sa fille : on aurait pu croire qu’il était juste désireux de les retrouver après avoir échappé à la mort de si peu (et il doit bien y avoir de ça) : mais j’ai dans l’idée que ce n’est pas la seule raison.

Il les rejoignit à leur domicile où elles l’attendaient fébrilement depuis plus d’un jour, de même que le caporal Everett Bramwell, qui les avait rejoints, malgré la gravité de sa blessure au bras (après son escapade en solo au milieu des lignes ennemies) : son sergent avait eu moins de chance !

Pour information (mais tout le monde connait la légende à ce stade), le secours porté à Gretchencko par les renforts de l’Alliance n’a été possible que parce que ce brave Evy Bramwell avait donné la position de Victor dès son retour, après avoir réussi à passer le barrage complet par des lignes ennemies. Les communications étaient encore off dans tout le secteur (jusqu’à la levée du siège du bunker 21) : liaisons brouillées par les hommes de Khor via un dispositif logé dans les trois tours centrales du secteur. Personne ne savait alors où le commandeur était retranché…

Il y a fort à parier que si les quelques si le commandeur et les quelques survivants de la prime embuscade avaient seulement fait mine de rompre le silence pour demander directement des renforts en bidouillant un truc, les gens de Khor les auraient localisés pratiquement instantanément avant de venir bêtement finir le travail (ce qui a pratiquement failli arriver au passage). Aucun message n’aurait de toute façon concrètement pu passer le barrage des perturbations dues à la saturation de signaux parasites ans l’espace confiné sous le dôme. Et l’état des infrastructures de communication dans le centre étant en grande partie détruites par les trois années de guerre (cibles prioritaires obliges), une connexion même simplement filaire était pratiquement impossible dans les faits. ..

A l’heure de l’opération BlackJack, il n’y avait pratiquement plus que de la friture sur la plupart des transmissions (qu’il s’agisse de celles de l’Alliance ou celles de Khor). Mais si les légions du Primelord n’avaient techniquement plus accès à leurs propres coms, elles étaient encore majoritaires dans les environs du cœur (bien que disséminées pour faciliter les recherches visant à localiser Victor). Le tout puissant chef de clan avait alors estimé que les ordres passés de vive voix devraient théoriquement suffire pour la « courte » période des recherches : il est vrai que les recherches en question n’ont duré que moins d’une journée (à tout cassé)…

Quoiqu’il en soit, Victor pouvait enfin rejoindre les siens, désormais à l’abri de toute menace, passée et présente, maintenant que la guerre elle-même était belle et bien terminée (et malgré la blessure dont il fut gratifié lors de l’embuscade ayant eu lieu un jour plus tôt à peine et qui l’empêchait encore de se mouvoir avec aise),

Mais je suis certain, je sais pertinemment, qu’à la minute où il eut fini de rassurer ses proches, dès qu’il eut fini de s’enquérir de leur bien être, je puis dire avec une absolue certitude qu’il ne pu s’empêcher de se rué sur les vidéos de sécurité : parce que c’est « exactement » ce que j’aurais fait !

Certes, il aura quand même serré sa femme et sa fille dans ses bras au passage, bien entendu. Il a sans doute aussi pu constater que tout allait « relativement » bien les concernant : se rasséréner ! Mais il s’est quand même planté devant les écrans du local de surveillance à un moment ou un autre.

Je reste persuadé qu’il avait encore un doute cruel sur le sujet épineux que représentait la présence de Lilith au sein même du Sector Primus.

Rétrospectivement, je pense réellement que la présence de Lilith au moment où il était encore porté disparu lui a tout de suite paru suspecte au plus au point.

Il paraît que le commandeur n’a même pas laissé le temps à sa fille de s’inquiéter de l’état de sa jambe (ou de pourquoi son père s’aidait à présent d’une simple béquille).

Je pense qu’il ne leur aurait jamais demandé s’il s’était passé quelque chose d’inhabituel (il était trop parano pour ça).

C’était maladif chez lui ! « La vérité » : il ne pouvait la constater qu’en la vérifiant de ses yeux.

Par la suite, Furius nous a démontré en long, en large et en travers, que cette simple vérité était facilement caduque par le biais de méthodes pour le moins « controversées » : mais Lilith (qui fut la première à faire les frais de cette leçon amère), n’avait ni les moyens techniques, ni les connaissances nécessaires pour suivre à ce petit jeu (que ce soit à l’époque ou à l’aube de sa propre mort).

Pour en revenir à lui, Victor Gretchencko faisait confiance à sa femme bien sûr. Mais en dehors d’elle, il ne faisait confiance à presque personne d’autre (et il était persuadé que même sa femme aurait pu lui mentir si c’était pour le protéger).

Il aurait aussi pu être suffisamment con pour négliger le témoignage de sa fille. Bramwell m’a assuré qu’elle ne faisait qu’arborer un franc sourire à la vue du retour de son père : je suppose qu’à l’époque et pour elle, c’était une journée relativement ordinaire (ou presque). Et elle était loin de se douter que son pater avait failli perdre sa vie (assez bêtement d’ailleurs) ou même qu’elle risquait potentiellement la sienne d’une quelconque manière (du simple fait de sa parenté)...

Elle commença à se faire du mouron quand quelqu’un daigna enfin lui expliquer pourquoi le vieux se servait de sa foutue béquille.

Mais en l’occurrence, quand sa femme lui a dit, à lui, (les yeux dans les yeux), que tout allait bien, je peux affirmer sans l’ombre d’un doute, qu’il a su qu’elle disait la vérité. Il n’avait donc qu’une seule raison de visionner son matos de surveillance.

Toujours est-il, qu’on ne voit franchement rien d’intéressant dans les quartiers du commandeur sur ces vidéos ! Je le dis d’avance, pour qu’on ne se méprenne pas : no spoil !

Je sais juste qu’il a laissé des instructions « très » précises pour être absolument certain que sa femme et sa fille soient toujours à l’écran durant son absence, avant la supposée traque contre Khor (bien qu’elle n’était que l’appât qu’on sait)…

Je sais aussi que ce n’était pas vraiment dans son habitude. C’est pour ça que je pense qu’il y a toujours eu un truc en amont (même sans parler de la planification de la cabale finale contre Khor) : Gretchencko craignait visiblement autre chose. Quelque chose de plus viscéral à en juger par ses directives.

Sa femme et sa fille dormaient encore tant bien que mal sur le divan-lit du salon la nuit avant l’opération BlackJack, puisqu’il n’y avait pas de caméra dans aucune des chambres de la demeure familiale : chambres que Gretchencko leur avait précisément demandé d’éviter pour l’occasion. En outre, elles faisaient leurs besoins dans un vulgaire pot de chambre qu’une des deux gardes en faction vidait dans les toilettes de temps à autres. Toilettes, de même, sans caméra : « évidemment » (je précise : Gretchencko était parano, mais ça n’en faisait pas un pervers)!

La garde comptait au total quatre auxiliaires féminines ayant toutes fait un stage chez les commandos à un moment ou un autre et qui se relevaient par groupe de deux toutes les douze heures (il y en avait quatre autres pour la salle vidéo) : des personnes de confiance selon miss Irina Pavlova qui les avait personnellement triées sur le volet.

Elles, au moins, avaient le droit d’occuper les chambres pour leurs quarts de repos (ou d’aller au cabinet).

Oui, le commandeur pouvait être « vraiment » casse-couille avec certains ordres à la con par moment. Mais ce n’était rien en comparaison de ce qu’il avait demandé à sa propre femme et à sa fille ce jour-là (sans compter le personnel mobilisé pour ce genre de truc). Certes, ce n’était jamais que pour une journée, (deux, maximum) : techniquement, si tout c’était passé comme Gretchencko l’avait prévu, il aurait été de retour avant la fin du premier jour (faut Croire que Khor avait d’autres vues sur la question). Mais en l’occurrence, je crois vraiment qu’il se préparait à un coup foireux dans son dos, même à l’époque. Et c’était clairement pas de Khor dont il se méfiait le plus. Je ne suis juste pas certain qu’il savait lui-même réellement à quoi s’attendre.

Je crois par ailleurs que cet abruti de Victor a même été jusqu’à insister pour que sa femme et (surtout) sa fille portent des robes pour l’occasion : pour très certainement éviter qu’on ne puisse réellement les voir faire leurs besoins. Mais bon, à ce stade, je peux encore comprendre (on va dire). C’est juste une question de bon sens !

Ce ne devait clairement pas être son genre d’être aussi exigent.

Je dis ça parce que la gamine semblait prendre ça comme un jeu…

Enfin, jusqu’à ce que Bramwell se pointe à la Casa Gretchencko : elle était sensiblement moins à l’aise quand il s’est agi de vider sa vessie devant un garçon (même s’il s’est évidemment retourné de suite).

Et si l’enfant s’embarrassait toujours moins qu’un adulte pour ce genre de chose, la demoiselle a toujours été en avance sur son âge (dans la plupart des domaines, manières comprises).

Le sous-officier avait bien tenté au préalable de la convaincre de faire la petite commission, seule, aux toilettes…

(Maintenant qu’Evy était là et bien qu’il comprît les inquiétudes de Victor, ces mesures n’avaient plus une grande importance).

La petite a alors simplement dit (avec un air un brin supérieur) que « papa a dit »…

Elle ne devait avoir encore que cinq ans je crois…

Moi, elle m’a toujours foutu un peu les jetons (surtout aux jours d’aujourd’hui en fait).

Nota bene : Victor et sa femme l’auraient conçue lors d’une brève entrevue près de trois  ans avant les guerres institutionnelles… Une façon comme une autre pour une damoiselle en détresse de dire merci à un parfait « inconnu » pour avoir sauvé ses fesses (au sens propre : mais je vous expliquerai ça en détail une autre fois peut-être).

Pour en revenir à lui, je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi ce con de caporal n’est pas simplement sorti de la pièce à ce moment là…

Oui, si : en fait, il avait relevé les deux auxiliaires féminines si je me souviens bien (je suppose qu’il voulait juste pleurer la disparition tragique de sa belle en toute impunité sur une épaule amicale).

Il aurait pu aussi rappeler les deux autres…

Sauf qu’avec le visage encore larmoyant, ça ne l’aurait pas trop fait pour un prétendu héro : je suppose que Bramwell tenait aussi à sa toute nouvelle réputation (ou à une forme triviale de dignité) en pareilles circonstances)…

En ce qui concerne les mesures de sécurité, elles étaient banales. Victor n’était pas là : il ne fallait pas que Khor puisse tenter le moindre coup tordu durant son absence (raison officielle au déploiement de force et résolument encore officieuse à l’époque, mais pas totalement).

C’était encore la guerre techniquement, mais c’était la guerre pour tout le monde.

Mais toute incursion aussi loin dans la périphérie de la ville était devenue assez rare.

Pour le reste, comme on dit, dura lex, sed lex : et non, ce n’est pas une marque ou un slogan pour préservatifs. Ca veut juste dire la loi est dure, mais c’est la loi.

Et Gretchencko avait pris un soin tout particulier à limiter les latitudes des généraux en matière de largesses quant aux hauts gradés de la toute récente armée libre du Sector Primus. Même si, dans les faits, le nombre de ses suivants était de plus en plus minoritaire au sein même des brigades d’interventions urbaines, le contingent entier essayaient encore à l’époque d’éviter de renvoyer la même image que celle de vulgaires seigneurs de guerre autoproclamés concernant le moindre de leurs officiers…

Oui, les choses ont bien changé depuis !

Mais au moins à l’époque, Victor, lui, ne trouvait absolument rien à y redire (d’autant qu’il avait en partie édicté la plupart des directives suivies par l’ensemble du corps de toute façon).

Quoiqu’il en soit, les patrouilles habituelles devaient suffire pour sécuriser le voisinage. Il n’y avait toutefois pas de réel checkpoint où contrôler l’identité de visiteurs au sein de la rue elle-même : les checkpoints étaient localisés uniquement aux niveaux des bordures des zones prioritaires et ce quartier était encore dans une aire relativement épargnée par les combats (en extrême périphérie s’entend).

Mais je suppose que même le commandeur aurait bien aimé pouvoir faire évacuer les maisons voisines rien que pour l’occasion.

Il n’avait techniquement pas non plus l’autorisation d’ajouter davantage de gardes armés en faction autours de sa maison (ni même devant sa porte à fortiori) : les patrouilles étaient les seules autorisées dans les rues (techniquement).

Mais bon, après, il pouvait quand même bourrer sa baraque (à moitié blindée) d’autant d’hommes qu’elle pouvait contenir et il avait justement choisi ce quartier parce que le gratte-ciel le plus proche se trouvait à au moins deux bons kilomètres de distance : un éloignement jugé relativement suffisant par l’ancien sniper. Il n’aurait pas trouvé bicoque plus à l’écart dans toute la ville, de toute façon (à moins peut-être de planter sa tente à l’extérieur du dôme).

Ca paraît con, mais on peut difficilement contrôler tous les étages d’un building alors que les maisons du voisinage…

Il avait aussi le droit de poster des hommes sur son toit, ce qui avait certains avantages sur d’éventuels piquets devant la portes (mais quelques inconvénients aussi).

La seule chose qu’il pouvait redouter (à la grande rigueur), c’était une action en force : une manœuvre éclaire avec un ou deux véhicules légers et un groupe d’assaut maximum. Mais l’action n’aurait pas eu de sens réel sans une bonne information, qui fait (quand on la connaît), qu’elle n’aurait pas eu de sens de toute manière : à moins d’avoir une seconde vague à disposition ! Mais cela aurait impliqué des mouvements de troupes trop conséquents au sein même du quartier qui - comme je l’ai précisé - était déjà quadrillé.

Pour le reste, même s’il faut avouer que Gretchencko a parfois manqué de clairvoyance sur certains sujets cruciaux (qui l’ont probablement mené à sa perte au final), je crois qu’il a réellement eu un putain de sixième sens pour flairer cette emmerde en particulier. Même sa bourgeoise (qui était loin d’être une conne), ne devait se douter de rien : mais je crois qu’en l’occurrence, c’était encore plutôt pour son Jules qu’elle se faisait du mouron à ce moment-là. Puisqu’elle, au moins, était au courant de sa dangereuse sortie (à l’instar de leur fille).

Pour autant, je suis pratiquement sûr qu’il l’aura nécessairement mise en garde préalablement (ne serait-ce que parce qu’il fallait qu’elle puisse se préparer au cas où il ne serait pas revenu vivant de cette entreprise pour le moins hasardeuse)…

Et je crois avoir bien cerné ce qui a nécessairement dû le titiller au plus haut point lorsqu’il visionna le contenu des vidéos pour la première fois!

Pour infos, son matos de surveillance datait franchement de Mathusalem. Des vieux moniteurs reliés à des caméras à objectifs de cinquante millimètres (pour la plupart) et à représentation strictement bidimensionnelle donc. Pas de senseurs tridimensionnels, rien d’invasif type scanner X-ray HD (qu’on utilise encore à l’heure actuelle pour certains sites hautement sensibles niveau sécuritaire).

Il y avait juste un nombre incalculable d’écrans « à l’ancienne » et pour chaque pièce, là où on se contenterait d’un seul rendu en trois D. Parce que oué, ce type de caméras (littéralement « d’un autre âge »), n’étaient pas spécialement ce qui se faisait de plus précis.

Et les restrictions budgétaires qu’imposait l’effort de guerre n’expliquaient pas à elles seules ce genre de moyens clairement réduits: même pour un ponte comme Gretchencko. C’est juste que nous étions plus ou moins aussi obligés de faire avec ce que nous trouvions sur place à l’époque. Donc l’étendue réelle de la gamme technologique accessible à l’époque pouvait considérablement varier (parfois même d’un bon siècle) : et ce, même pour un général (voir même encore à l’heure actuelle si on veut être parfaitement honnêtes).

C’était pourtant suffisant pour ce qu’il avait à faire et c’était malgré tout considéré comme de la Haute Définition (à l’époque où ces trucs étaient encore usinés), donc, bon : le zoom de ces caméras permettait quand même de voir clairement rien de moins que les détails de la sacro-sainte puce sur le dos d’un chien. Et ce, avec une définition effrayante. Ce qui ne lui a pas vraiment servi au final (même si ça permettait au commandeur d’exercer facilement ses talents de physionomistes sur les gardes en faction au passage).

Parce que l’essentiel de ce qui nous intéresse s’est plus ou moins passé à l’extérieur en fait : devant le portail blindé de l’entrée pour être plus précis. Et oui, « les saligauds » ont quand même eu le culot d’envoyer quelqu’un !

Mais ils ne sont venus qu’une fois…

Bramwell n’y était pas encore.

Un homme s’est présenté devant la porte aux trois gardes en faction à l’entrée (bien à l’abri à l’intérieur de l’accès blindé).

Il s’agissait d’un soldat, un des nôtres (en tout cas, il portait l’uniforme, arme de service comprise) : c’est comme ça qu’il a passé le barrage des patrouilles.

Il a même donné son nom et son matricule pour s’identifier…

A l’époque et avec l’embargo sur les coms imposé par Khor, l’info aurait potentiellement pu être assez difficilement vérifiable de manière immédiate : mais conformément aux instructions de Gretchencko, malgré un certain délai nécessaire à des courriers pour valider l’information, l’identification a pu avoir lieu (et semblait complètement en ordre, du reste).

Il s’avère que l’homme en question était bien celui qu’il prétendait être.

Le rapport des gardes mentionnait qu’il était un simple coursier (chose qui, compte tenu du contexte des  liaisons coupées partout dans le secteur, semblait d’autant plus crédible). Mais voilà, il était censé livrer un dossier au Général Gretchencko « en personne ». Et si les hommes en présence ont pu facilement confirmer ses dires, le truc était vieux de plus de trois jours (et d’importance mineure).

En fait, le gars venait juste de prendre le risque de se manger un blâme pour n’avoir pas fait son travail quelques jours auparavant. Blâme qu’il prétextait vouloir éviter en s’adressant directement à Victor à son domicile en tant qu’homme que tout le monde savait raisonnable plutôt qu’au commandeur, dans son bureau, qui se devait, lui, d’être inflexible.

Il n’aurait d’ailleurs jamais pu se présenter avec une arme chargée devant lui ou même sans qu’on ait au préalable sondé son colis (quel que soit le cas envisagé).

Il  n’était pas non plus nécessairement censé « savoir » que le commandeur était en vadrouille : vu qu’on averti pas un troufion des agissements d’un général et surtout que Gretchencko avait suivi la trace de Khor via des données confidentielles transmises par nos services de renseignements eux-mêmes (et même si les infos en question faisaient partie intégrante de la ruse du Primelord pour l’attirer dans le piège qu’on sait). Il aura joué son rôle à merveille en somme et je suppose qu’il avait de bien tristes raisons pour ce faire.

Il n’y avait pas que trois gardes dans le bâtiment.

Mais les trois qui tenaient le sas d’entrée lui auraient probablement ouvert toutes les portes s’ils avaient autorisé le passage.

Qui plus est, et même pour un général, la sécurité était limitée (d’autant que sa baraque n’était pas bien grande).

Ils lui ont gentiment dit de tourner les talons et de déguerpir vu que le commandeur n’était pas à son domicile, « présentement » (ce qui était déjà trop en dire). Personne n’a même posé la question de savoir d’où ce connard connaissait l’adresse exacte du commandeur en premier lieu (mais passons). Le troufion a alors proposé de leur laisser le dossier malgré tout…

Je crois pouvoir affirmer sans me tromper que les couilles du commandeur ont dû remonter jusqu’à sa gorge quand il a vu devant les écrans de surveillances (qui lui retransmettaient encore la scène exactement comme elle s’était passée), que ces imbéciles de gardes en faction à l’entrée, non contents d’accepter de prendre eux-mêmes le colis, avaient proposé de sortir le chercher : « paraît qu’il ne rentrait pas vraiment dans la boîte au lettre » (tu m’étonnes).

Je ne l’ai pas vu en personne à l’époque, je ne peux donc pas vraiment attester de son état d’esprit. Mais le connaissant un peu, et au vue de ce que j’ai appris de sa paranoïa légendaire, je sais que le commandeur savait également être un fin limier : un type qui n’avait pas de mal à remonter une piste jusqu’au bout lorsqu’il croyait l’avoir flairée. Et je sais aussi qu’il craignait bien moins pour sa propre personne que pour la sécurité de sa famille. Et cela reste la meilleure raison qui explique pourquoi, selon moi, s’il a certes failli tomber dans le piège tendu par Khor, il n’a jamais vraiment été dupe du jeu de Lilith.

C’était presque du théâtre et bien que rien ne fût dit qui eut pu compromettre l’une ou l’autre partie pour lors, Gretchencko en connaissait tous les codes.

C’est pourquoi, il s’était armé en conséquence (du moins, le pensait-il) en donnant personnellement ses directives.

Bramwell m’a confié que les consignes avaient pourtant été très claires et se voulaient très strictes (le commandeur avait personnellement entretenu les gardes à ce sujet). Il avait clairement pris plus de dispositions pour protéger sa femme et sa fille que pour protéger son propre derche durant l’opé B.B.J. encore une fois…

L’histoire ne dit pas ce qu’il est advenu du sous-officier qui a eut l’idée d’accéder à la requête du coursier, mais je suppose malheureusement qu’il a dû perdre ses galons (« au minimum »).

Mais je peux comprendre une pareille réaction : ça ne devait ressembler à rien. Le type dehors, (même à supposer qu’il ait eu des potes planqués) ne pouvait espérer aller nulle part sans que des renforts soient immédiatement prévenus et dépêchés.

Je crois plutôt que c’était une manière de tester les défenses (mais je crois aussi que ceux qui l’envoyaient n’auraient pas manqué d’être opportunistes si la situation si y était prêtée).

Le but premier était vraisemblablement d’obliger les gardes à sortir (peut-être pour en mettre un maximum à découvert tout en faisant en sorte de maintenir la porte ouverte d’une manière ou d’une autre) bien que le vrai problème aurait été le sas blindé derrière la porte : ils voulaient simplement voir s’il y en avait un à mon sens.

Mais je crois même que ces débiles profonds qui faisaient le piquet pour le compte des Gretchencko avaient en tête d’apporter personnellement le paquet à la femme du commandeur. Si jamais le colis avait été piégé, ils auraient eu le loisir de sauter tous ensembles en somme (plus convivial sans doute) : et ce, au moment ou un type random, (vraisemblablement planqué dans l’une des tours à deux kilomètres) aurait pu confirmer l’échange à l’aide de jumelles, en scrutant la jolie famille au travers de la fenêtre donnant sur  la salle de séjour (double vitrage cent pour cent pare-balle bien évidemment : mais pas teintée pour le coup). Mais je suis clairement de mauvaise foi en l’occurrence, parce que les volets étaient de toute façon baissés. Avec du recul, je suis presque certain qu’il ne devait y avoir qu’un bête mouchard dissimulé dans ce courrier (et c’est à peu près tout). Quelque chose qui était peut-être même censé tomber « maladroitement » durant le transport à l’intérieur du domicile du général. Ca pouvait se faire de plusieurs manières et même sans l’intermédiaire du coursier dans les faits. Le gars n’était pas censé tenté quoique ce soit de folichon à mon sens : il n’était clairement pas là pour risquer sa vie inutilement pour « littéralement » des clopinettes. Et pour le même prix, ça aurait pu effectivement passer crème sur un simple malentendu.

Les gars devant la porte ont malgré tout eut le réflexe de prévenir l’officier en charge de la sécurité du bâtiment de ce qu’ils comptaient faire.

Et oui, protocole oblige : ils étaient cons, mais disciplinés (c’est déjà pas si mal).

Par l’intercom, on a simplement entendu : « négatif, tenez vos positions, refusez catégoriquement qu’on passe le colis par la boîte au lettre : tirez à vue depuis le toit si le coursier insiste. »

L’histoire ne dit pas ce qu’est devenu le sous-off qui les a interrompus dans leur démarche, mais j’ai dans l’idée qu’il a sans doute eu une promotion après ça : genre colonel (« au minimum »).

Il a même eu l’obligeance d’informer la mère Gretchencko de l’affaire (et de la mettre en garde à tout hasard).

Mais bizarrement, ça n’a pas eu l’air d’intriguer la dame davantage.

Il faut dire que les nouvelles n’étaient pas spécialement rassurantes du côté de son mari m’a-t-on précisé par la suite (on avait plus ou moins déjà perdu son contact à ce moment-là, les rapports faisant aussi état d’une probable embuscade qui aurait tourné court pour les hommes de Gretchencko, lesquels étaient simplement portés manquants pour lors et perdus quelque part au-delà des lignes ennemies).

L’avertissement avait été plutôt clair : le coursier n’a pas cru bon de laisser le colis devant la porte au final (ou même de tenter de le passer par la boîte aux lettres non plus contre toute attente). Il a juste fait comme n’importe qui dans l’infanterie : « il s’est tiré ailleurs ».

Nota bene : Oui, oui, « je sais ». On n’est légalement plus autorisé à faire cette vanne depuis un certain film datant des années 1980 mais bon, je m’en cogne…

Ce qui a vraiment fait flipper Victor en l’occurrence (mais la chose ne l’a surpris qu’à moitié je pense), c’est qu’on a fini par retrouver le coursier pas longtemps après, en définitive : moins de deux jours plus tard  à peine…

En caleçon, allongé sur un lit et sur le dos, dans la chambre d’une sorte de boui-boui miteux et étouffé dans son propre vomi.

Trop d’alcool « apparemment »…

Mais on peut aussi forcer un homme à boire avec un entonnoir…

Mais il aurait pu éventuellement crier aussi si ça avait été le cas.

Les analyses toxicologiques ont révélés la présence de diverses substances narcotiques dans son organisme : rien de vraiment étonnant non plus (sans réellement pouvoir évoquer un potentiel assassinat pour lors).

Il n’était pas revenu à sa caserne où le commandeur, malgré sa blessure, malgré la fin de la putain de guerre, attendait « son dossier » avec une certaine impatience.

Paraît aussi qu’il avait des marques aux chevilles et aux poignets…

Et qu’on n’a pas su retrouver une quelconque trace de son fils de deux ans ou de sa femme (à l’époque des faits, tout du moins)…

Enfin, pas avec nos pauvres moyens de l’époque en tout cas (mais je vous expliquerai une autre fois peut-être comment on a pu localiser avec précision l’emplacement de leurs ossements rongés par la vermine locale dans une partie de nos égouts).

La suite des investigations n’a pas donné grand-chose, donc.

Le gérant du « motel » ayant accueilli notre malheureux coursier pour sa dernière nuit sur Terre avait l’air (relativement) clean. Même si je dis « motel » en sachant pertinemment que ce n’était pourtant fatalement pas encore un business en règle à l’époque des faits : il n’y en avait juste pas vraiment encore (ou très peu). Il s’agissait au mieux d’une auberge improvisée (tout au plus), après que le gérant se soit fait fort de réhabiliter tant bien que mal une vieille mansion en ruine. Il certifia malgré tout « sur l’honneur » aux gars venus l’interroger que le type qu’ont cherchait était entré dans le dit établissement la veille, au soir et seul. Il lui aurait cédé pour une nuit la clé de la chambre où on l’a retrouvé sans vie par la suite (et ce, pour quelques crédits de ravitaillement). La dite chambre était encore située au rez-de-chaussée du bâtiment de trois étages. La mansion, bien que vétuste et totalement délabrée (malgré les tentatives de rénovations « maladroites » de son tout récent propriétaire) était relativement étendue. A en croire le gérant, il y avait encore sur place de quoi loger « décemment » (et individuellement) une à deux douzaines de personnes par nuit. La chambre qui nous intéresse ne contenait, elle, qu’un lit à une place. Mais rien ne permettait d’affirmer avec certitude que quelqu’un d’autre que notre infortuné ivrogne ne l’avait rejoint à l’intérieur dans le courant de la nuit, étant donné qu’il y avait plus ou moins le même type de sauterie en cours partout en ville pour la victoire de Grectchencko : cet établissement ne faisant pas exception à la règle « bien entendu » ! Sauterie aussi bien dehors que dedans, donc.

Il n’y avait pas d’effraction apparente sur les lieux du crime selon le rapport de l’équipe d’investigation dépêchée sur place (même si  la seule fenêtre de l’appartement était bien ouverte). Après, l’état de délabrement de l’ensemble du bâtiment ne permettait pas non plus d’être absolument catégorique sur ce genre de détails. La chambre en elle-même demeurait un peu en retrait, à l’extrémité ouest du bâtiment (et à l’opposé du local du gérant).

Des empreintes autres que celles du « défunt » (on ne pouvait même pas à proprement parler de « victime » à ce stade), il y en avait un paquet (ce qui n’avait rien d’étonnant non plus si on considérait le simple fait que ce type de lieu de passage ne devait clairement pas avoir un quelconque membre du « personnel local » affecté à son entretien). Mais il n’y avait encore que les siennes sur les bouteilles qu’on a retrouvé sur la table de nuit. Pour le reste de l’appart’, c’était de toute façon plus ou moins mort (comme notre gus en somme) : et grosso modo, ça s’arrêtait là en ce qui concerne les recherches sur le lieu du crime proprement dit!

On a bien interrogé quelques unes de ses connaissances et certains de ses camarades, mais on n’a pas appris grand-chose de plus, mis à part qu’il avait effectivement des problèmes d’alcool et qu’il fréquentait parfois des filles plutôt faciles. On ne saura vraisemblablement jamais avec certitude si sa femme le savait : mais ses amis disaient que non (sans être pour autant plus formels).

Il avait juste eu le tort d’être le coursier occasionnel de quelqu’un d’important.

Qui plus est, personne ne savait encore réellement au moment des faits que sa femme et son fils avaient concrètement disparus : nos services d’investigations sons les premiers à avoir signalé que l’ensemble de leur ménage était porté manquant à l’heure de la mort du coursier et juste en remontant la piste, après avoir interrogé l’entourage « proche » du soldat.

Au final, tout ce qu’on a appris sur eux, c’est que le gars a déclaré son fils à sa naissance et que l’enfant n’était pas encore en âge d’être incorporés aux groupes scolaires qui étaient encore improvisés par nos institutions embryonnaires (lesquelles allaient bientôt succéder à la juridiction martiale, au moins jusqu’à la mort de Gretchencko). Par ailleurs (et toujours  selon nos sources), sa conjointe était simplement femme au foyer : elle n’avait pas de fonction réellement définie au sein de la communauté, s’entend.

Pas d’autres antécédents éventuels, sinon. Pas d’autre membre de famille en dehors de ce cercle restreint (aucun dont nous ayons une trace écrite où que ce soit) : le mari était encore le seul listé dans nos archives  (pour les besoins du recensement mortuaire aux seules fins militaires) et même si leur fils avait bien été déclaré (comme je l’ai dit). Rien de vraiment anormal avant l’Institution bien entendu, quand le fichage systématique peine encore à devenir la norme (même aux jours d’aujourd’hui).

En outre, le coursier était parfois amené à utiliser divers véhicules prêtés par l’armée dans l’exercice de ses fonctions, mais n’avait pas de véhicule propre (du moins, à notre connaissance), lequel n’aurait de toute façon vraisemblablement pas encore pu disposer d’une quelconque immatriculation : pour les mêmes raisons que l’absence actuelle de bases de données civiles. Pas de réel concours pour le permis de conduire non plus à l’époque (ça va de soi).

Concrètement, leur traçage dans ce que nous avions pu bricoler de nos archives administratives durant la guerre n’allait pas plus loin. Ce n’était certes pas grand-chose pour lors, mais il était difficile d’espérer ne serait-ce que quelques informations plus substantielles. Avant la fin de la guerre, et le début de l’Institution proprement dite, c’était souvent le même dilemme en matière d’investigation criminelle.

Quoiqu’il en soit, même si le recoupement des informations que nous avions à disposition ne nous permettait pas d’en apprendre réellement davantage sur eux, le couple de malheureux qui nous intéresse n’était pas non plus du genre à entretenir de bonnes relations avec le reste de leur communauté. Et leur apparent isolement (à tous les niveaux) ne jouait certes pas en notre faveur dans notre effort d’investigation. Mais à mon sens, c’est précisément une des raisons qui faisait d’eux des cibles particulièrement tentantes pour une action du genre de celle dont nous avions potentiellement été témoins devant le domicile des Gretchencko (et même si nous ne pouvions pas encore pour lors établir un lien véritable avec la Grande Conjurée). Pour le reste, cela faisait déjà pas mal de jours qu’on ne les entendait plus se disputer à en croire le voisinage. Le père avait son quart de repos le soir, assez tard. C’était un simple coursier logistique : il n’avait pas d’obligation de loger à la caserne. Il n’était théoriquement pas affecté au front d’une quelconque manière. Et bien qu’en règle générale, il préférait donc rentrer dormir au domicile familial, il semblerait qu’il se permit de découcher à l’occasion (tout en prétextant rester dormir au baraquement de sa compagnie d’affectation) : surtout quand sa femme était particulièrement en rogne…

Donc, ce calme tout relatif n’a pas paru particulièrement bizarre aux yeux du voisinage, non pus.

Pour finir, ils n’avaient pas non plus pour coutume de faire énormément de sorties en famille. Eventuellement le week-end (à la grande rigueur), lors de la perm hebdomadaire du père : juste histoire de dépenser les bons de ravitaillement habituels en victuailles indispensables. On n’était encore que vendredi lorsqu’on a retrouvé le corps du soldat.

Et avec si peu, on ne pouvait évidemment accuser personne…

Même si on pouvait potentiellement envisager un cas de meurtre rien que par les traces de liens qui avaient vraisemblablement entravé les pieds et les jambes du soldat aux montants du lit sur lequel il avait fini par se noyer dans ses régurgitations, dans le contexte de l’époque, il semblait totalement déraisonnable de pousser l’investigation plus loin. Ou à fortiori de fouiner du côté de la garde prétorienne de la suzeraine du treizième secteur (ce qui se serait résumé à lui chercher des poux à elle et on ne pouvait juste pas se le permettre à l’époque, « pas encore »). Et de toute manière, les quelques suivants de Lilith qui l’ont accompagnée lors de sa brève escale dans notre beau patelin, ne sont pas restés assez longtemps dans les parages pour ça (sans compter qu’il y a fort à parier que ce genre de démarche n’aurait probablement mené nulle part dans les faits).

D’autant que les gens de la « lionne du Sain Treize » ont tout de suite jouis d’un énorme prestige au sein de notre propre population.

Leur concours dans la levée du siège du vingt-et-unième bastion (ainsi que dans des manœuvres de routine pour le maintien de la paix) avait déjà fait parler de lui.

Il était indéniable qu’ils savaient se battre…

En fait, ils ne savaient souvent faire que ça.

Malgré le fait qu’ils n’avaient pour la plupart aucune notion du combat tactique, et qu’ils manquaient concrètement de discipline entre eux, ils exécutaient n’importe quel ordre même le plus débile.

Ils possédaient une forme de loyauté exacerbée envers leur contingent et bien malin l’imbécile qui se serait permis de se moquer de l’un des leurs (même s’ils se disputèrent souvent les uns les autres durant l’intégralité de leur séjour dans le premier secteur : du moment que ça restait en famille, ce n’était pas bien grave, je suppose).

Par ailleurs, ils étaient dotés d’une excellente endurance à la douleur, d’une résilience assez notable et pouvaient continuer à se battre malgré des blessures parfois assez graves.

Il n’y a pas eu non plus d’incidents importants à déplorer durant leur présence en ces terres (je pense que Lilith avait de toute façon dû donner des instructions très strictes à cet effet).

Mais il fallait se rendre à l’évidence : ils n’auraient jamais pu faire le poids face à une armée « régulière » comme les sept brigades.

Ils n’avaient aucune logistique (ou presque) : chaque combattant était souvent surchargé de matériel inutile, faute d’être sûr de disposer de vrais ravitaillements.

Et le département du génie militaire était un non sens complet selon leur concept de la guerre : pour eux, un soldat qui ne se battait pas en première ligne était obligatoirement un lâche. Même si, sous l’emprise de l’alcool, certains auraient pu se permettre d’avancer de manière suffisante qu’il y a tout de même des lâches utiles

Du genre qu’il faut nécessairement soumettre un jour ou l’autre je suppose (même si ça n’a jamais été clairement dit).                                              

Pour le reste, Gretchencko était obligé de ronger son frein pour le moment.

Mais au moins, maintenant, il pouvait être relativement certain qu’on en voulait à sa peau (puisque s’en prendre à sa famille, ça revenait au même).

Et comme Lilith était toujours dans le coin, il en a profité pour vérifier directement ses soupçons.

Il a donc tablé sur l’avantage certain du terrain et a finalement décidé d’inviter cordialement Lilith à dîner dans sa demeure en présence de sa famille (et de quelques gardes) prétextant répondre à l’invitation qu’il n’avait su honorer lui-même…

Et pour la remercier de son aide « précieuse » lors des derniers jours de la guerre les opposant à Khor (en quelque sorte).

Cela n’avait rien de vraiment officiel, mais c’était la première fois qu’ils allaient se rencontrer.

De l’ancienne garde prétorienne du commandeur, n’avait survécu que le caporal Everett Bramwell, lequel fut bientôt incorporé au sein d’une nouvelle unité d’élite divisée en trois compagnies : les Bloody Lions, les Doomed Lords et les Epsilon Griffins ou compagnie epsilon (à laquelle j’appartiens encore actuellement).

Les trois corps composaient le bataillon écarlate (que certains surnommaient déjà simplement « Bloody Battalion » en anglais), lequel devint pour ainsi dire le fer de lance de Victor dans la plupart de ses opérations d’envergure par la suite.

Pour info, la constitution de ce contingent ne respectait en rien la nomenclature des troupes normalement en vigueur.

Selon le protocole, les noms de codes des diverses compagnies (au nombre de trois) composant le premier bataillon d’un premier régiment d’une brigade commençaient respectivement (suivant l’ordre hiérarchique de leur supérieur) par les lettres A, B et C.

Quoiqu’il en soit (et pour le reste), les membres de la nouvelle unité de protection rapprochée officiant sous les ordres directes de Gretchencko devaient conserver l’anonymat en permanence (et portaient tous des cagoules en service à cet effet). Nous étions plus que la garde personnelle du Commandeur : nous étions « ses guerriers de l’ombre » !

Mais ce soir-là, au domicile du général de brigade, seuls les Bloody Lions étaient représentés : Victor entendait prendre un maximum de dispositions afin qu’il n’y ait absolument aucun risque d’incident.

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