— Faut qu’on bouge, dis-je en tendant la main vers Silas. Avec tous ses hurlements, d’autres villageois ont dû nous entendre. Il faut qu’on-
Je m’arrête en voyant Silas ramper en arrière sur ses coudes. Je remarque son corps tremblant, son regard apeuré fixé sur moi. Il se relève lentement, dardant des yeux remplis de confusion à mon égard.
— Quoi ? demandai-je.
— Il... il t’a appelé Sabah. Tu ne l’a pas entendu ?
— Evidemment que je l’ai entendu, rétorquai-je. Mais c’est de la folie, je ne suis pas Sabah ! Tu m’a toi-même appris que je m’appelais Raphaël, non ? Alors voilà, la question est réglée.
— Tu m’a dit t’appeler Raphaël, murmure Silas. Mais tu as peut-être menti...
Je m’approche de Silas, agacé. Je lui prends le bras pour l’attirer vers moi, mais il se dégage brusquement, puis recule.
— Silas, grondai-je. Je te le répète : je ne suis pas Sabah. Et tu n’es pas le mieux placé pour me faire une leçon sur le mensonge.
— Alors pourquoi t’a-t-il appelé comme ça ? m’interroge-t-il d’une voix tremblotante.
— J’en sais rien ! Il a dit qu’il fallait empêcher Sabah, il ne m’a pas clairement désigné comme tel !
Je secoue la tête, soupire.
— Silas, ces gens-là veulent semer le doute en nous ! Ils veulent nous faire peur, que la paranoïa nous sépare !
Je fronce soudain les sourcils, recule d’un pas.
— D’ailleurs, repris-je, qui me dit que ce n’est pas toi, en réalité ? Qui me dit que tu n’es pas Sabah ? Après tout, je ne connais absolument rien de toi.
Silas écarquille les yeux en ouvrant la bouche, l’air offusqué.
— Certainement pas ! se défend-t-il. Je ne suis pas Sabah !
— C’est ta parole contre la mienne. Si tu veux que je te fasse confiance, il va falloir que toi tu me fasses confiance.
Il ne répond pas, se contente de me jauger des pieds à la tête. Je vois bien qu’il hésite encore. Je m’approche à nouveau de lui, prends doucement sa main dans la mienne.
— Hé, dis-je d’un ton attendri. Ne fais pas ça, ne doute surtout pas. Si on commence à douter l’un de l’autre, c’en est finit de nous. Je t’ai protégé jusque là, et je continuerai de le faire. Je te demande simplement de me faire confiance. Je ne t’ai jamais donné de raison de douter de moi, jusqu’à présent. On est bien d’accord ?
Il plonge son regard ambre dans mes yeux. Ses pupilles dorées contrastent avec son visage ensanglanté.
— D’accord, dit-il enfin. Oui... oui, je te fais confiance.
— Parfait, souris-je. Je ne sais pas pour toi, mais moi je suis exténué. On ne peut pas prendre le risque de retourner à l’église. Tu as une idée d’où on pourrait se reposer ?
— Peut-être la grange à la jonction entre le village et la forêt. On y était bien installés, avant, mais on avait dû en repartir pour chercher à manger.
— Ouvre la marche, je te suis.
J’attrape la statuette du prétendu Sabah, sous le regard étonné de Silas.
— Mon instinct me dit qu’il vaudrait mieux garder ça, expliquai-je en haussant les épaules.