05h

Par Rouky

Je referme la petite porte en bois dans un grinçement. Puis je m’assieds lourdement sur la paille, le dos contre le mur. La grange de Silas est bien isolée, plongée dans le noir. Je range la statuette dans la boucle de ma ceinture, comme une arme prête à être dégainée.

— J’espère que personne ne viendra nous emmerder ici, soupirai-je. J’aimerai me reposer, juste un instant.

Je m’allonge sur le flanc, le visage tourné vers la porte.

— Tu te sens d’attaque pour veiller, le temps que je me repose un peu ? demandai-je à Silas.

Ce dernier fronce les sourcils, sans répondre. En silence, il s’allonge à mes côtés, son visage frôlant presque le mien. Mon cœur rate un battement. J’hésite... Dois-je me relever ? Rester allongé ? Mais à quoi est-ce qu’il joue ? Je lui ai pourtant demandé de veiller...

Silas me regarde intensément. Ses yeux d’ambre me captivent, m’attirant comme un papillon vers la lumière de la lune. Il y a dans ses yeux une force inéluctable, qui m’aspire et qui m’enchaîne. Ses iris semblent m’engloutir dans un magnétisme sans fin, quelque part où ma volonté se brise. A vrai dire, je ne sais même plus si c’est son regard qui me retient prisonnier ou mon propre désir de m’y perdre.

— Qu’est-ce que tu fais ? soufflai-je.

— Qu’est-ce que tu crois que je fais ? répond-il.

Perplexe, j’ouvre la bouche, mais aucun son n’en sort. Je plonge à nouveau mon regard dans le sien, perdu au sein de ses pupilles dorées. Son souffle chaud caresse mon visage, son odeur de vanille se mélange à la puanteur du sang qui recouvre encore sa bouche et son menton. Le monde autour de moi s’efface, comme si ses yeux étaient devenus mon unique réalité.

Soudain, un sentiment me prend par la gorge, enflamme mes reins. Un instinct primale surgit en moi. Sans crier gare, je me jette sur lui, l’embrasse avec avidité. Il se laisse faire, me rend mes baisers. Il est tendre, contrairement à moi. Je ne me reconnais même pas dans mes propres gestes.

Je le chevauche, déboutonne sa chemise. Il gémit quand je lui mords les lèvres. Sa bouche a le goût du sang, et j’aime ça. Je me déshabille à mon tour, pressé de coller mon corps chaud contre le sien. Sous moi, je sens sa poitrine se relever et s’abaisser rapidement. Je l’embrasse sur les lèvres, sur la clavicule, dans le cou...

Entre deux gémissements, je chuchote à son oreille :

— Pourquoi ?

— Pour que tu me réchauffes, plaisante-t-il.

Je plante fermement mon regard dans le sien, suspendant mes baisers.

— Pourquoi ? répètai-je.

Il arrête de sourire. Il prend mon visage entre ses mains, rapproche ses lèvres des miennes.

— On avait pris l’habitude de faire ça, avant que tu ne perdes tes souvenirs. Le manque d’affection, je suppose... Mais aussi pour se réchauffer.

Son sourire illumine à nouveau son visage ensanglanté. Je soupire, lève les yeux au ciel.

Puis je reprends mes caresses, mes baisers. J’emprisonne ses mains au dessus de sa tête. Je lèche le sang sur son menton, goûte sa peau salée. Quelques instants auparavant je voulais l’étrangler, le punir de sa trahison. Et me voilà perdu contre lui, désirant son corps et son cœur.

Retirant mon pantalon, je jette la statuette de Sabah dans la paille. Nous voilà enfin nus, mon corps chaud contre le sien, frigorifié.

— Laisse-moi te réchauffer, susurrai-je.

— Fais donc, m’ordonne-t-il.

Peu importe si des détraqués nous entendent. En cet instant, je peux bien mourir, je m’en fiche. N’y aurait-il pas plus belle mort que celle d’être assassiné pendant l’extase ?

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