Assis à table, Liem sirote une bière désormais bien méritée. L'équipe adverse a demandé une revanche. Un peu désarçonné par la vitesse de la première partie, Laurent leur a accordé. Liem ne sait pas pourquoi : n'a-t-il pas vu la première fois que l'histoire allait se répéter ? Alors, il a corsé la phase de draft. Il a demandé à Marie de choisir son personnage en premier. Surprise, mais visiblement déterminée à humilier Jason, elle a pris Lucian. Jason avait pris Draven, un contre très connu. Un choix qui aurait pu renverser la partie s'il avait pris le premier sang. Qu'il avait subi, après quatre minutes de jeu ! Le Lucian de Marie avait semé la zizanie. Et cette fois, l'affaire était sans appel, parce que Liem, lui, avait joué Soraka. Un personnage qui ne sert pas à grand-chose à Lucian.
Marie s'est assise avec eux pour prendre un verre. Elle a fermement éconduit le premier mec qui a tenté de lui en offrir un, et s'est mise face à la salle pour dissuader les autres de faire de même. Pour le moment, elle écoute patiemment Aaron raconter à quel point sa performance a été saluée :
– C'est obligé, vous avez dû les entendre hurler quand tu as pris le premier sang après deux minutes trente sur la première partie. Mais alors, quand, derrière, tu les as 1v2, le public était fou. Déboîter une Vayne avec Caitlyn en combat rapproché… la honte totale pour ton copain. Tiens, en parlant de lui…»
Liem, dos à la salle, ne l'a pas vu venir.
– C'est bon, tu as l'impression d'être meilleure que moi maintenant ? », commence-t-il d'une voix suffisante.
Liem se retourne lentement pour toiser l'arrivant. Son équipe est derrière lui, légèrement mal à l'aise. Mais avant qu'il puisse répondre, Aaron était debout :
– C'est pas une impression. Tout le bar sait qu'elle est meilleure que toi. La dernière fois que j'ai vu un KDA pareil sur un ADC, c'était en ligue Or. Ton estimation des situations est catastrophique, ton égo démesuré. Ton équipe a essayé de t'aider, mais t'as trouvé le moyen de toujours être à moins d'un tiers de ta vie quand ils arrivaient en renfort. Va parler aux gens dans le bar si tu veux un compte-rendu plus détaillé de ton niveau. Ou à tes coéquipiers, qui ont bien envie de te donner le fond de leur pensée. Parce que sans eux, Liem aurait passé 100% du temps en bas, et je n’imagine même pas ton compteur de morts. Maintenant, va voir ailleurs, je sens mon niveau qui baisse rien qu'à respirer ton air. »
– T'es qui, toi ? »
– C'est le gars qui m'a spontanément laissé sa place pour que je te mette ta branlée, Jason », répond Marie du tac au tac. « Maintenant, nous n'avons plus rien à nous dire. C'est fini. Va-t’en. Je ne veux plus entendre parler de toi. Ni de tes copains. »
Jason semble choqué un instant. Mais il se reprend vite.
– Tu me quittes ? Pour ça ? Je vois que le succès te monte à la tête rapidement. Après tout ce que je t'ai appris… »
Il ignore le ricanement de Marie avant d'ajouter :
– Ceci dit, ce match ne prouve rien. On en rediscute quand tu me bats sans avoir un support qui a failli signer un contrat avec la ligue professionnelle française. »
Puis il tourne les talons et s'en va. Ses coéquipiers font de même, un air d'excuse au fond de leur regard. Liem se réinstalle confortablement sur sa chaise, et reste cloué par le regard venimeux de Marie. Qui ne regarde pas son ex-petit copain. Non, ce regard, il est rien que pour lui…