Encore une nouvelle fois dans ce café. Une tasse fumante dans mes mains, à l’instar d’iddris assis face à moi.
Pendant qu’il prépare un carnet pour des prises de notes, mon regard se dirige vers la rue où des escouades d’agents et d’investigateurs se déploient dans le bâtiment central à la recherche de Jacob. Presque la totalité du personnel de terrain a été réquisitionnés suite à mes appels. La situation tend à empirer si aucune nouvelle positive arrive avant ce soir, mon utilité à la ville risque également de se retrouver au cœur d’un débat. Même si mes perspectives passées ne me voyaient pas effectuer ce travail, aujourd’hui je ne me vois pas m’orienter vers autre chose. J’aime ce poste, et j’aime encore plus garder ma tête bien en place sur mes épaules.
Selon les premiers témoignages recueillis auprès du personnel présent sur place, le gouverneur n’a pas quitté le bâtiment depuis son retour de l’hôpital. Cependant certains rapportent l’arrivée d’une jeune femme aux cheveux bleus, les bras chargés d’une grosse boîte. Extrêmement facile d'en déduire l’identité de Tempérance. L’investigatrice envoyée par Jacob récupérer des éléments sur l’agression du stand de tir. D’un pas extrêmement pressé, elle se dirigeait droit vers les étages. La première sur ma liste des personnes à aller voir.
« Donc, » commence Iddris brisant le silence entre nous. « Si je résume ce que tu m’as déjà dit : Pavel, directeur du stand de tir de Niras, a subit une attaque cette nuit dans le but de lui voler un objet. Ton équipe l’a récupéré à l’entrée de la cité, il a fait un malaise puis a été emmené à l’hôpital où il a reçu de bons soins et une protection. De là, il s’est enfui en laissant les corps d’une personnelle soignante et de deux agents. Et maintenant, le gouverneur a également disparu. »
Bon condensé des événements de cette demi-journée, aussi mouvementée que sa main prenant des notes. Je ne vais pas mentionner Tempérance maintenant, aucune certitude ne me le permet. Bien que je me doute que le journaliste compte sur ses rats pour recueillir ce qu’il estime nécessaire, et affirmer ou infirmer ma version des événements.
« Et j’en déduis qu’en plus de tous ces éléments fort peu brillant, la personne qui a tenté de tuer Pavel se promène tranquillement dans la nature ? ajoute-t-il à la liste.
— Peut-être pas aussi tranquillement que tu le pense, tout le monde le cherche maintenant. »
Tout le monde… Peut-être un poil exagéré. Si une partie de la ville réclamera la dépouille en plusieurs colis séparés, une autre défendra cette même personne corps et âme contre toute punition. L’éternel débat entre les partisans de l’importance de posséder une arme, et ceux qui défendent l’idée qu’un avenir de paix n’arrivera pas tant que nous possèderons des outils de mort. La réalité ne donne ni tort ni raison à aucun parti. Notre monde d’aujourd’hui construit sur les ruines des précédentes guerres se doit, en effet, d’évoluer et de s’adapter. Toutefois, chaque chose en son temps, et un temps pour chaque chose. La dernière grande famine connaît une date de fin officielle, certes. Mais des répercussions persistent toujours.
« Et cette investigatrice, elle ne t’a pas donné d’éléments ?
Évidemment. Les chances qu’il n’abordait pas le sujet frôlait le zéro.
« On ne se contact pas directement, Jacob ou Zééva nous servent d’intermédiaires. »
À peine les noms prononcés, mon téléphone signale une nouvelle alerte. Encore.
Cette fois-ci provenant de l’assistante du gouverneur. Dans la description brève, la case intrus est cochée, sans détail supplémentaire.
« Nous devrons reprendre cette conversation plus tard, le service m’appelle.
— Aucun problème. Tu connais mes coordonnées.
— Une dernière chose. Je sais très bien quels pouvoir tu as ici, et également quel type d’informations tu consulte régulièrement. Tu comprendras forcément à quel point j’ai besoin de voir Pavel hors de notre monde. Ton prix sera le mien.
— Il n’est pas ta finalité Sérafino. Ramène moi Ludmila, et tu auras ta vengeance. »
Comme convenu dans notre contrat depuis bien des années, un travail pour lequel Iddris m’avait engagé, et qui à ce jour attend toujours d’être honoré.
En attendant, Zééva compte sur de l’aide. Direction le bâtiment de sécurité. Le personnel sur place disposera de plus d’éléments, et d’équipements si un raid doit être mené.
Dans ce paysage de marbre plus vide en journée que de nuit, quelques personnes errent dans les couloirs vaquant à divers travaux en cours. Ma destination du moment se trouve au bout du second étage, où l’autorisation d’accès limitée et la surveillance constante empêchent quiconque de mal intentionné d’y parvenir. Ici se déroule réunions de crises, espionnage, et surtout ce qui m’intéresse, les réceptions et gestions d’alertes.
Déjà sur place, Makayla s’occupe à distance de guider ses équipes dans la recherche de Pavel, et désormais de Jacob. Sur les écrans s’affichent le retour des caméras portés par les soldats de tête. Pour le moment nous pouvons y voir seulement les rues peu à peu désertées de Niras, et quelques animaux de petites tailles en sorties.
Mes yeux s’éloignent rapidement de cette expédition en direct. Zééva passe en priorité. L’agent de contrôle m’apportera des précisions.
« Bonjour. J’ai reçu une alerte de Zééva Kalio il y a quinze minutes. Ça vient du stand de tir, n’y a-t-il pas du personnel sur place ? Quelqu’un a pu faire une levée de doute ?
— Effectivement. répond-t-il avec hésitation en regardant sur son propre écran. Un convoi devait revenir, mais on a perdu tout signal. Ton associé Melvin aussi présent sur site ne répond pas. Une autre équipe vient tout juste de partir, pour l’instant le lien entre eux et nous se tient. »
Cette situation devient de plus en plus délicate. Notre capacité à défendre l’entrée se réduit à vu d’œil, tout une stratégie qui nous rend vulnérable si une attaque vient à se produire. Pourquoi n’avons-nous pas garder l’armement ici ? Pourquoi avoir écouté le prophète Pavel ?
« Est-ce qu’il y a eu du mouvement anormal aux alentours ? »
Hormis la colonne de fumée que j’ai vu depuis le sommet de la ville.
« Nos observateurs rapportent de la fumée noire qui s’élève depuis la forêt. Selon eux, et leur capteur thermique, il ne s’agit pas d’un feu. »
Un leurre.
« Envois le message suivant : ordre de condamner les porte. Personne ne rentre ni ne sort. »
Si une menace s’apprête à frapper à nos portes, et nous ne sommes définitivement pas prêts.