09 - Jacob

Par Joxan

Quand beaucoup d’autres à ma place laisseraient leur panique les entraver dans un blocage total à l’entente de ces chants aussi puissant que soudain, mon cerveau se concentre sur l’écran face à moi. Au troisième sous-sol, dans la cellule de crise, mes yeux balayent tous les écrans. À quelques pas, Pavel m’avertira si une fuite s’impose, ou pas.

Sur la surface O-Led du centre, Yefim apparaît en très ultra haute définition supérieure, pratique pour scruter les réactions faciales. Pour le moment assis au fond de son siège, la nouvelle concernant Ludmila ne lui provoque aucune réaction visible. En apparence seulement, même à travers un écran je le sens à la fois déçu et énervé.

« J’étais déjà au courant, » annonce-t-il sur un ton calme en fuyant la caméra de son regard. « Tu en auras mis du temps pour m’avertir de la situation. 

— Je pensais pouvoir gérer la situation. J’ai eu quelques complications. De plus, nous avons actuellement une visite.

— Vraiment fâcheux. Et j’imagine que parmi tous tes plans, aucun ne prévoyait cette éventualité ? »

Au contraire. J’en applique en ce moment même.

« Non.

— Tu vas t’en sortir. C’est certain. Retrouve Ludmila et fais ce qui doit être fait. Courage. »

Extinction de sa caméra, plus de son ni d’image. Je me doute de ce qu’il prépare actuellement. Une façon de me faire payer l’absence de Ludmila. Sans l’aide de Pavel, en fuite contre les Gacurion, et en recherche de la disparue, et de son agresseur. Avec Sérafino qui risque de ne pas aller dans mon sens. Tempérance, qui, n’aidera sûrement pas Pavel, même s’il en pense le contraire. Il ne me reste que Zééva de vraiment confiante pour repartir sur de bonnes bases. J’espère qu’elle s’intègre bien dans son nouveau poste, toujours aucune nouvelle d’elle depuis son départ ce matin. Foutue attaque.

Mon regard se perd sur les autres écrans de surveillance, chacun renvoyant l’image de de toutes les caméras du bâtiment. Essentiellement dirigées vers les accès principaux. L’une d’elles montrent une Tempérance mains visibles se diriger sur la défensive vers une équipe d’agents de terrain également sur le qui-vive. D’un geste du bras, elle désigne les escaliers d’où elle vient. Si seulement on avait aussi installé des micros…

Il n’en faut pas plus pour qu’un groupe s’engouffre vers cette descente cueillir Pavel dont la position a sans aucun doute été communiqué par L’investigatrice. Je connaissais déjà son caractère d’électron libre, toutefois je ne pensais pas qu’elle se refuserait à tout dialogue. Je comprends totalement sa rancune contre ce mercenaire, sa vie après l’attentat, privée de ses parents, on ne peut pas lui retirer ça. Sa colère, sa haine… ces carburants lui ont permis d’atteindre son niveau. Mais aveuglée par sa rancœur, elle vient de perdre l’occasion de connaître les autres responsables. Pavel n’agissait seul dans son coin, il recevait des ordres à exécuter. Le reste n’étaient que du dommage collatéral, un malheureux sacrifice nécessaire.

Tandis qu’elle sort du hall accompagnée d’un responsable, j’appelle le directeur pour l’informer de ce qui arrive vers lui.

« Pavel ?

— Je suis déjà parti.

— Bien. »

Les sous-terrain de la ville pullulent de galeries construites à une période où une simple goutte d’eau coûtait aussi cher qu’un poumon artificiel d’aujourd’hui. Toutes reliées ici, et offrant une fuite facile autant à l’autre bout du quartier le plus éloigné, qu’à l’extérieur. Une information cachée de la population, à l’exception de personnes de confiance, et de fouineurs évidemment.

Dans le but de donner plus de temps au fugitif, je vais me signaler aux agents en train d’investir chaque niveau du sous-sol. Je prétexterai une réunion de crise, et par mégarde j’ai tout simplement oublié d’en informer mes subordonnés.

Dans le couloir, je me présente désarmé face aux gardiens.

« Bonjour, gouverneur Waerns. Je suis…

— Nous cherchons Hakl ! lance le responsable. »

Je me demande bien s’il sait à qui il s’adresse de cette façon. Un message de ma part, et ce gars trop sûr de lui se retrouvera à désherber chaque trottoir.

« Surveille ton langage. Tu n’es pas en terrain conquis ici.

— Nous agissons sous les ordres de Trévisani ! Qu’importe votre avis, on a une mission, votre vie ne nous intéresse pas. »

Pourquoi donc Sérafino s’obstine-t-il autant à traquer Pavel ? Rien ne les relie de près ou de loin.

Son obsession de baisse la garde à l’entrée. Si des gars de Yefim débarquent, je ne donnerai pas cher à quiconque les croise.  

« Je n’ai pas la moindre idée d’où peut être la personne que vous recherchez. »

Silence.

L’homme semble écouter une conversation inaudible pour moi.

« Vous êtes sûr ? » demande-t-il dans le vide après une dizaine de secondes. « Bien. »

Un bruit d’air sous pression résonne discrètement, une douleur légère me prend à l’épaule. Le décors devient flou, le monde disparaît.

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