— Bon, vous attendez quoi ?
— C’est que je sais pas quoi faire.
— Vous avez des portes. Qu’est-ce qu’on fait avec les portes ?
— On…
— Oui ?
— On…
— Eh bien ?
— Bah le souci, c’est que ces portes, elles sont pas dans les murs. Elles sont juste posées là et…
— … et ?
— Et celle-là, là, elle grésille bizarrement.
— Normal, c’est une porte.
— Les portes ne grésillent pas en temps normal.
— Vous êtes un expert en portes ?
— Non, mais j’en ai quand même croisé quelques-unes.
— Vous en êtes sûr ?
— Bah, euh, je crois. Enfin… je me souviens pas forcément. Mais j’ai dû en croiser. Non ?
— Je n’en sais rien, on parle de votre expérience aux portes.
— Oui et mon expérience me dit qu’une porte ne devrait pas grésiller.
— Pourquoi pas ?
— Parce que c’est pas les portes qui grésillent. C’est… c’est…
— C’est… ?
— C’est les vieilles télés qui grésillent comme ça. Avec le truc statique, là.
— Vous n’avez qu’à vous dire que cette porte est une vieille télé.
— Sauf qu’elle l’est pas. Je vois bien que c’est une porte. Mais elle grésille.
— Et vous ne voulez pas la franchir ? Ça devient vraiment très long.
— Franchir la vieille télé ?
— Franchir la porte.
— Je sais pas si on peut.
— Tentez pour voir.
— Et si je me prends le jus ?
— Dites, vous le faites exprès ? On a quand même pas mal de portes et vous bloquez devant la première.
— Bah, euh… je bloque, je bloque…
— Oui, vous bloquez. Ouvrez cette porte.
— Oui, mais… je…
— Dites, vous avez toujours été aussi pénible ?
— J’en sais rien. Je me souviens de rien d’avant. C’est… c’est bizarre, non ? Enfin, je veux dire, je devrais sans doute me rappeler. Genre, je sais comment on ouvre les portes, mais je me souviens pas de la dernière que j’ai ouverte.
— Vous n’avez qu’à vous faire de nouveaux souvenirs. Avec cette porte, là, par exemple.
— Mais pourquoi j’arrive à me souvenir de rien ? C’est vous ? Vous m’avez fait quelque chose ? Vous m’avez drogué ou un truc dans le genre ?
— Oui, c’est mon passe-temps favori. Droguer les glandus, puis leur faire ouvrir les portes.
— Ça pourrait. Je vous connais pas. Peut-être que c’est exactement ce que vous faites. Peut-être qu’après, vous allez me tuer et dévorer mon foie.
— Peut-être. Et cette porte ?
— Vous ouvrez les portes quand vous savez pas ce qu’il y a derrière, vous ?
— Oui. Allez, la poignée, tout ça.
— Vous êtes qui ?
— Je vous ai déjà répondu à cette question.
— C’était bizarre, ce que vous m’avez répondu.
— Ah oui ? Ca me semblait au contraire très clair et explicite.
— Vous avez dit que vous étiez ma guide. Mais pourquoi est-ce que j’aurais besoin d’une guide ? Je suis pas perdu.
— Ah ? Vous savez où vous êtes ?
— Sur un ponton bizarre perdu au milieu de nulle part.
— Et vous savez comment rentrer chez vous ?
— Je sais même pas où est mon chez-moi.
— Voilà. Donc vous avez besoin d’une guide.
— Du coup, vous allez me guider jusqu’à mon chez-moi ?
— Hum, oui, c’est ça. Je vais vous guider jusqu’à votre chez-vous. Et la première étape pour y arriver, c’est de franchir cette porte. Alors, on est gentil, on tourne la poignée.
— Et si… ?
— Quoi encore ?
— Et si j’ai envie d’ouvrir une autre porte ?
— Vous avez envie d’ouvrir une autre porte ?
— Je n’ai pas dit ça, mais mettons que j’en aie envie.
— Dans ce cas, allez ouvrir une autre porte.
— Sauf que j’en ai pas envie. C’est celle-là qui… qui…
— … qui ?
— … qui grésille.
— On y revient. Alors, la poignée ?
— Mais vous me promettez que derrière, ça sera mon chez-moi ?
— Le promettre ? Pourquoi est-ce que je ferais une chose pareille ?
— Pour m’encourager.
— Je pense que je vous ai bien assez encouragé. Allez, la poignée.
— Donc vous ne voulez pas promettre ? C’est parce que derrière, c’est pas mon chez-moi ?
— C’est quoi cette obsession avec votre chez-vous ?
— Je sais pas, c’est vous qui en avez parlé.
— Et maintenant, je vous parle de tourner la poignée.
— Oui… C’est juste que… enfin… Je suis désolé d’être pénible et tout. Mais je comprends pas grand chose de ce qui se passe.
— Il y a des portes et vous devez en franchir une.
— Oui. Très bien. Celle-là, alors. Celle qui grésille.
— Je vous suis.
— Vous êtes pas censée me guider ?
— Je vous guide de loin.
— Je… très bien.
Toujours aussi désopilant ce chapitre !
J'adore comme le personnage principal complique tout et comme la guide est blasée haha. Bon en même temps, moi aussi je serai perplexe à la place du protagoniste. XD
Allez hop, la suite !
Em
Bon sur ce, l'interrogation existentielle : ouvrir ou ne pas ouvrir, telle est la question.
Toujours aussi plaisant, drôle, bien construit <3
Ahah aussi drôle que frustrant ce chapitre, c'est assez satisfaisant de voir tes deux z'héros patiner en tout cas. Au-delà de l'humour, je commence à formuler des hypothèses sur la nature de la porte, sur l'identité de tes deux personnages. Ma théorie la plus probable à ce stade, c'est qu'il s'agit d'un mort guidé vers l'au-delà mais je reste à l'affût d'autres indices...
Mes remarques :
"— Vous êtes un expert en portes ? — Non, mais j’en ai quand même croisé quelques-unes." mdrrr, un peu dég' d'avoir grillé ma pa pépite du jour, ce passage méritait aussi ahah
"— J’en sais rien. Je me souviens de rien d’avant." hummm nos personnages ne seraient-ils pas devant la porte de l'au-delà ?
"Oui, c’est mon passe-temps favori. Droguer les glandus, puis leur faire ouvrir les portes." ahah, ça me rappelle les meilleures heures de Kamelott ce ton là ^^
Je continue !
Je déguste !!!
"Oui, c’est mon passe-temps favori. Droguer les glandus, puis leur faire ouvrir les portes." Ça m'a flinguée de rire. Et ça a renforcé ma superposition entre ce dialogue et ceux d'Arthur et Perceval dans Kaamelott, avec toute cette impatience et ces questions qui tournent en rond.
Il n'y a plus qu'à espérer que c'était une bonne idée d'ouvrir la porte. De toute façon, il se serait ennuyé à passer l'éternité sur le ponton.
Ah bah, Kaamelott est une référence en dialogues qui picotent :p
On est d'accord que le ponton est bof. Même si on a une jolie vue sur la comète.
Ouah c'est dingue tout le monde dans les commentaires à envie d'ouvrir la porte, moi j'ai plus envie de dire "fuis pauvre fou !", je ne suis pas rassurée du tout et je comprends tellement ses doutes au petit boulet ! En vrai c'est du vrai instinct de survie de pas être chaud-chaud d'entrer dans un porte qui grésille, je sais pas si j'irai non plus... bref, il me touche malgré tout ce glandu x'D
J'ai hâte de découvrir la suite ^^
♥
Tu jettes en quelques mots une envie de défoncer cette porte, c'est fou. C'est très simple, mais si prenant. On a bien sûr envie de savoir ce qu'il y a derrière, quitte à pousser le personnage à travers. Tout ça est haletant, car drôle aussi... et ça, c'est important.
Mais ça m'intrigue, je ne sais pas s'il doit choisir une porte parmi toutes les portes OU s'il doit franchir plusieurs portes et celle-là n'est que la première. J'avoue que j'ai une préférence pour la deuxième option, très légère préférence.
Le full-dialogue au suspense haletant, ça fonctionne super bien ici ! Bravo !!
Va savoir, c'est pas une science exacte, les portes posées au milieu de nulle part xD
Je suis très curieuse de voir ENFIN ce qu'il y a derrière cette porte qui grésille ^^
C'est un "il", le relou, hein :p Et tous les boulets du monde se ressemblent...
Haha, c'est tellement reposant d'écrire du full dialogue, pas besoin de se soucier de la narration xD Merci d'avoir lu, chaton !
Du coup, ça devrait pas être masculin là, ou je dois aller me coucher ?