Sixième rouleau de Kaecilius
Rien n’aurait pu faire ouvrir les vantaux d’une villa de Beau-Regard au milieu de la nuit. Même si des milices privées patrouillaient les rues pour dissuader les bandes de voleurs organisées qui sévissaient dans la capitale orientale, les esclaves-portiers, prêtant une oreille sourde à toute requête venue de l’extérieur, refusaient de retirer les lourdes barres en bois qui sécurisaient l’entrée principale dont ils avaient la charge.
Toutefois, l’arrivée d’un prince de premier rang, issu de la famille impériale, qui plus est l’étudiant favori du maître de la maison, eut l’effet d’un sésame. Certes, on ne m’ouvrit pas immédiatement. Je dus tout d’abord menacer mon interlocuteur de le faire fouetter si l’on m’agressait pendant que j’attendais, « seul et sans défense », devant la porte close. Au final, on me fit patienter dans le vestibule, pendant qu’on allait réveiller le maître.
Jamais je ne l’avais visité au milieu de la nuit. Même durant les crises les plus aigües de mon existence, j’avais toujours attendu l’arrivée de l’aube avant d’oser le déranger. Devinant la gravité de la situation, Annaeus ne prit pas le temps de s’apprêter. Ce fut dans ses habits de nuit qu’il me reçut. Il ne portait pas la perruque qui ne le quittait pourtant jamais en public. De longs cheveux fins argentés recouvraient mal son crâne dégarni par l’âge. Les extrémités de sa fine moustache, qu’il agaçait du bout des doigts lorsqu’il enseignait dans le Jardin des Vagabondages du Plaisir, s’étaient emmêlées aux fils de sa barbiche. Un coussin avait laissé sa trace sur l’une de ses joues flasques. Il cligna des yeux pour terminer de se réveiller.
Dans la position du suppliant, je lui présentai mes excuses, mais il me pressa de me relever et de lui expliquer la raison de ma venue. Il était l’un des rares en qui j’accordais une confiance aveugle. Malgré l’urgence, je lui racontai donc tout dans le moindre détail, sans oublier de mentionner ma sœur, qui avait été jadis son élève.
« Tu ne devrais pas fréquenter le Démon blanc des Domitillii, déclara-t-il quand j’eus terminé.
— Je me serais tenu éloigné de lui si l’Empereur ne m’avait pas donné l’ordre d’enquêter en sa compagnie.
— T’a-t-il aussi demandé de te rendre à la villa de tes parents ?
— Non, mais…
— Un Vertueux respecte les règles harmonieuses de l’Empire sous les cieux. Il est le garant de l’ordre, Kaecilius. À quoi sert mon enseignement si tu ne l’appliques pas dans les situations les plus graves ?
— Le Démon blanc est blessé. J’ai besoin de ton aide.
— La villa est interdite d’accès par décret impérial. Je ne saurais m’y rendre.
— Je dois pouvoir amener Lao ici, dans ce cas. Je t’en supplie, tu dois le sauver. »
Il m’observa en silence, puis poussa un long soupir.
« La première fois que je t’ai rencontré, tu n’étais qu’un petit enfant. Ton oiseau venait de mourir, et tu suppliais ton père de le ramener à la vie. Après tout ce que tu as vécu, j’ai fini par croire que cet enfant n’était qu’un souvenir révolu, que le Prince Kaecilius avait acquis la dureté nécessaire pour voyager sur la Voie Vertueuse. Tu as seulement appris à dissimuler une âme trop sensible. Et en temps de crise, voilà qu’elle réapparaît. Si tu as blessé le Démon blanc avec ton épée en fer stygien, sa mort est inévitable. Elle a été forgée dans le seul but de se débarrasser de cette engeance barbare. Laisse-le mourir. Sa vie a été longue – trop longue pour les nombreux crimes qu’il a commis.
— Mais l’Empereur… protestai-je à demi-mot.
— Sois mon hôte pour le restant de la nuit. Nous dirons au Fils du Ciel que le Démon des Domitillii a dérobé l’arme de son neveu et s’est enfui. Tu n’es pas responsable de sa mort s’il a été tué par une Lamie.
— Mais ma sœur… »
Il attrapa mon poignet et m’attira à lui sans ménagement.
« Kaecilius ! Tu es ma plus belle réussite. Je ne veux pas finir mes vieux jours dans la honte d’avoir été le maître d’un rebelle. Je n’hésiterai pas à t’enseigner une dernière leçon si jamais tu trahis l’Empereur. »
Je clignai des yeux, surpris par cette menace à peine voilée. Je voulus libérer mon bras, mais il me retint, resserrant même sa grippe, comme s’il voulait affirmer son autorité. J’insistai une nouvelle fois ; il accepta de me relâcher. Je réajustai ma manche, les mâchoires serrées. Je pouvais sentir une chaleur désagréable cuire mes joues. J’essayai de repousser le sentiment d’humiliation que j’éprouvai. En vain.
« Maître, articulai-je lentement, n’oublie pas que je suis l’arrière-petit-fils de la Grande Impératrice. »
Je me détestai aussitôt d’avoir à lui rappeler mon rang. Un élève ne devait pas se comporter ainsi à l’égard de son maître. Il lui devait un respect absolu, en toute circonstance, même lorsqu’il se faisait tancer vertement.
Annaeus s’écarta de moi. Son visage indiquait autant la surprise que l’horreur du courtisan qui vient de faire un faux pas. Il joignit ses bras dans un cercle parfait et me supplia de le punir, selon la formule consacrée en pareille circonstance. Cette réaction me blessa davantage que s’il avait continué à me sermonner : en cet instant, il reconnaissait que je n’étais plus son élève, mais Son Altesse impériale le Prince Vertueux Kaecilius Hostilianus.
Mon estomac protesta aussitôt. Mes genoux flageolèrent. Ce n’était pas ainsi que j’avais envisagé notre rencontre. J’avais l’impression d’avoir commis un crime imprescriptible.
Il était temps que je m’en aille.
Honteux, je pris brièvement les mains d’Annaeus dans les miennes.
« Je suis désolé. Je dois partir. Le petit chien était mort, mais le Démon blanc vit encore. Il m’a empêché de commettre un sororicide et d’être accablé par la malédiction des Cieux. Il a protégé de son corps l’arrière-petite-fille de la Grande Impératrice. Pour cette raison seule, je dois essayer de sauver sa vie. C’est aussi cela la Voie Vertueuse, maître. »
Il fronça les sourcils, voulut certainement protester, mais se ravisa. Il baissa la tête en signe d’assentiment. Le cœur lourd, je partis aussitôt. J’avais perdu assez de temps.
*
À l’extérieur, je dus m’arrêter sous une des lanternes publiques qui éclairaient la rue. Je crus que j’allais être malade, mais mon estomac s’apaisa après une ou deux contractions.
En mon for intérieur, je m’admonestai dans l’espoir d’affermir ma résolution. Je ne pouvais pas flancher maintenant. Il eût été si facile de retourner dans la demeure de mon maître et d’accepter son offre d’hospitalité pour la nuit. C’était folie que de retourner auprès du Démon blanc, de vouloir sauver un esclave d’une blessure mortelle infligée par erreur.
Mes actions ne devaient, en aucune manière, être interprétées comme un défi lancé contre mon oncle.
Kaecilius, le chien fidèle de l’Empereur.
J’expirai lentement. La situation m’apparut avec davantage de clarté.
Il existait un ordre supérieur à la loi. La suivre en toute circonstance, obéir aveuglément aux exigences arbitraires de mes proches, cela revenait à trahir ma conscience.
Devant mes yeux, Lao avait tué ma sœur. Devant mes yeux, il l’avait ensuite sauvée. Comment aurais-je pu ne pas lui en être reconnaissant ? Dans la même heure, j’avais fait l’expérience de l’aiguillon du deuil et des larmes du soulagement. Il m’avait empêché de commettre l’irréparable. Sans son sacrifice spontané et altruiste, je serais devenu fou de douleur.
Je pris une profonde respiration et posai ma tête en arrière contre le mur, regardant les quelques étoiles qui perçaient un ciel nuageux.
Un suicide. Après un tel acte d’impiété, je n’aurais pas eu d’autres choix. Sans Lao, on aurait retrouvé le corps de ma sœur, ainsi que le mien à ses côtés. Sans vie. Je me devais de sauver celle du Démon blanc.
« Mon beau, puis-je te demander ce que tu es en train de faire, appuyé contre ce mur ? »
Me prenant par surprise, la voix féminine me fit sursauter.
« Ne t’inquiète pas, je ne te veux aucun mal. Bien au contraire. »
Une femme d’âge moyen s’approcha de moi. Elle avait le visage tellement fardé que je compris aussitôt qu’il s’agissait d’une prostituée. Ses habits, quoique riches et de la dernière mode, étaient abîmés et salis. Seule sa chevelure, coiffée en un double chignon élégant, aurait convenu à une patricienne de Beau-Regard tant elle était parfaite.
Peut-être une courtisane sans le sou.
Je n’eus pas le temps d’être agacé qu’une brise nocturne charria dans ma direction une odeur capiteuse de riches parfums mêlés à de l’urine. Mes narines réagirent aussitôt à cet assaut. J’éternuai sans la moindre retenue.
« Je ne suis pas intéressé, répondis-je, les larmes aux yeux.
— Mais tu ignores ce que je suis venue te proposer, Kaecilius.
— Avec de tels habits, à cette heure de la nuit, je… »
Une pause. Je venais de prendre conscience de ce qu’elle venait de dire.
« Comment est-ce que tu connais mon nom ? »
Son sourire s’agrandit, mais elle s’empressa de le cacher derrière son éventail. Il était évident que j’avais affaire à une minaudière. Sa présence m’agaça autant qu’elle me mit mal à l’aise. Ses charmes n’auraient aucun effet sur moi.
« Je connais tous ceux qui vivent dans la Capitale, dit-elle, dans un accent qui mêlait étrangement l’aristocratique et le populaire.
— Et moi, je ne t’ai jamais vu.
— En es-tu sûr ? demanda-t-elle, feignant la surprise. Nous nous sommes croisés, ce matin même, non loin de la tombe du boulanger Paniculo.
— Tu ne ressembles à aucune prostituée que j’ai croisée sur le chemin.
— C’est parce que je ne suis pas l’une d’entre elles », dit-elle dans un rire cristallin.
Je m’éloignai de quelques pas.
« Je suis pressé. Je n’ai pas le temps pour ces…
— Enfantillages, termina-t-elle à ma place. Je sais. Mais à mon grand âge, quand les amusements se raréfient, on apprend à les créer de toute pièce. »
Cette déclaration me sembla vaguement familière, comme si elle faisait écho à quelques paroles entendues récemment.
Mais je n’eus pas le temps de m’appesantir sur le sujet, car elle se rapprocha de moi et, comme si elle m’avait connu toute ma vie, me prit le bras. La familiarité de ce geste me rappela, cette fois, non pas les manières d’une courtisane habile, mais celles de la Grande Impératrice elle-même, lors de la dernière balade que nous avions faite dans le Jardin des Vagabondages du Plaisir.
À peine cette pensée s’était-elle formée en mon esprit que la rue nocturne tout autour de nous céda sa place à la lumière vive du jour, et les villas opulentes des Patriciens disparurent au profit de la végétation exotique du fameux jardin situé dans l’enceinte même du Palais des Harmonies.
« Je te remercie d’avoir tenu parole, me dit la Courtisane sans le sou, toujours accrochée à mon bras.
— Mais je ne t’ai rien promis.
— La promesse venait d’un ami commun. Certes, les prières manquaient un peu de ferveur, mais les chants psalmodiques étaient de la plus haute qualité. J’en ai encore des frissons quand je me les remémore.
— Mais de quoi parles-tu ? Où est-ce que… ? demandai-je, en regardant autour de moi, convaincu que je venais de perdre l’esprit.
— Évidemment, je suis chagrinée que tu n’aies pas cru Lao quand il t’a parlé de moi. Comment peux-tu douter de l’existence de celle qui a veillé sur toi depuis ta naissance ? Ne suis-je pas assez grande pour qu’on me remarque ? »
Elle fit un large signe du bras, comme pour étayer ses dires. Le Jardin offrait une des meilleures vues panoramiques d’Alba.
J’aurais été un imbécile si, à ce moment-là, je n’avais toujours pas compris qui se trouvait à mes côtés. Un petit gémissement craintif m’échappa aussitôt – un acte qui ne manquerait pas de me faire rougir de honte à chaque fois que j’y repenserais par la suite.
Une divinité avait son bras passé autour du mien. Je me mis à éternuer de nouveau, certainement allergique à son odeur de sainteté.
« Voyons, voyons, mon beau Kaecilius, je ne t’ai jamais vu réagir ainsi. Dois-je interpréter ta peur révérencieuse comme un compliment ? »
Je me contentai de hocher la tête. Elle agita son éventail avec satisfaction.
« Je dois t’avouer quelque chose : de tous les humains qui habitent le Palais des Harmonies derrière nous, tu es l’un de mes préférés, dit-elle avant de se mettre à glousser comme une jeune fille, ce qu’elle était loin d’être.
— Madame, je…
— Silence, Kaecilius, j’essaye de partager avec toi quelque chose de la plus haute importance.
— Que je suis l’un de vos mortels préférés ?
— Oui, enfin, non. Ne me distrais pas à dessein. Ta beauté est déjà bien assez gênante. »
La luminosité diminua tout autour de nous, comme si le soleil venait d’accélérer sa course dans le ciel afin de disparaître le plus vite possible. L’air se fit plus frais et la lune commença son ascension. Tout autour de nous, des fleurs que je n’avais jamais remarquées auparavant ouvrirent leurs pétales et de doux effluves vinrent apaiser mon allergie.
« “Je donne pour que tu donnes”, c’est ainsi que fonctionnent les rapports entre mortels et divinités. Lao est ce qui s’approche le plus d’un ami à mes yeux. Le seul qui puisse me voir sans que je n’aie à faire le moindre effort, qui ne me craigne pas et, malgré les aléas d’une vie d’infortune, ait toujours un sourire à m’adresser.
— Il va mourir à cause de moi, reconnus-je dans un murmure.
— Je suis prête à faire une exception pour lui. Et donner, sans rien attendre en retour.
— Est-ce que tu peux vraiment le sauver, ô divine Alba ? »
Elle eut un rire silencieux.
« Peut-être. Sache que nous sommes, nous aussi, soumis à certaines lois. Je n’ai pas la liberté de faire tout ce qu’il me plaît. Il ne convient pas que je sauve Lao moi-même.
— Mais si tu ne le fais pas, qui donc ?
— Toi, évidemment. Un prince impérial de premier rang !
— Mais j’ignore comment, sinon je l’aurais déjà fait. »
Semblant réfléchir, elle garda le silence pendant un moment, durant lequel le Jardin des Vagabondages du Plaisir se délita petit à petit jusqu’à n’être plus qu’un souvenir. Nous étions de retour dans Beau-Regard, à quelques pas de chez Annaeus. Elle se remit alors à marcher. Ne souhaitant pas lui déplaire, je la suivis. Arrivés à un carrefour, nous empruntâmes la ruelle de gauche, en direction de la villa de mes parents. À en juger par nos pas mesurés, Lao n’était pas encore sur le point de mourir, sinon elle m’aurait pressé davantage. J’espérai pouvoir faire confiance en ses instincts divins.
« Quel étrange tour de la Fortune ! s’exclama-t-elle. Comment se fait-il que tu possèdes un glaive en fer stygien ?
— Il s’agit d’un objet ancien que j’ai hérité de mon père.
— Le seul métal qui puisse annihiler les pouvoirs du Démon blanc et de son espèce. Il aspire leur spiritus, si bien qu’ils ne peuvent plus rien faire. Il leur devient impossible de se soigner, de rétablir l’équilibre entre l’anima et l’animus dans leur corps. Cet alliage a été inventé par un brillant Vertueux, qui fut d’ailleurs le premier maître de Lao. Je pense même que cette épée courte était la sienne. Lao est un imbécile s’il ne l’a pas reconnue et, à ce titre, mérite amplement son sort. Il aurait mieux fait de se tenir éloigné de toi. Mais s’il savait faire preuve de bon sens, il ne serait jamais devenu un esclave pour commencer et je ne l’aimerais pas autant. La solution à cette situation déplaisante est simple.
— Je t’écoute, ô Divine. »
Elle frissonna ostensiblement, comme si ce titre respectueux, mais convenu, l’émouvait. Son éventail claqua dans l’air nocturne. Le plus discrètement possible, je plaçai mon index sous mes narines afin de m’empêcher d’éternuer à nouveau.
« Il a besoin d’un afflux de spiritus, m’informa-t-elle, sans prêter attention à ce que je venais de faire. Or, il se trouve que tu en disposes en quantité. »
Je fronçai les sourcils.
« Mais il est interdit, voire impossible, de partager son spiritus, dis-je. Tous les témoignages qui nous sont parvenus des Vertueux du passé l’attestent. Le receveur comme le donneur peuvent en mourir. C’est vouloir encourir la malédiction des Dieux.
— Occupe-toi donc des affaires mortelles, et ne te soucie pas de nous, comme tu l’as fait jusqu’à présent au point qu’on te dise incrédule.
— Nos destinées risquent d’être liées à jamais. Qui sait les effets secondaires que cela pourrait avoir.
— Rien n’est jamais sans risque, reconnut-elle. Mais n’oublie pas cette règle, mon beau Kaecilius : “je donne pour que tu donnes”. Lao aurait beaucoup à t’offrir si tu n’étais pas si obtus. »
Oubliant sur le moment l’attitude prudente que j’avais adoptée jusqu’à présent, j’osai la contredire.
« Non, jamais, affirmai-je. Un esclave ne peut… mais enfin… je… Je suis un prince ! »
Malgré l’obscurité et le fait qu’elle continuait de jouer avec son éventail, je sus qu’un sourire énigmatique venait d’étirer ses lèvres. Je sentis aussitôt tous les poils de mon corps se hérisser. Je me mis de nouveau à éternuer. Plusieurs fois d’affilée.
« Contente-toi de le sauver pour le moment, dit-elle sur un ton péremptoire. Tu te soucieras de ses enseignements plus tard.
— Je n’ai jamais partagé mon spiritus, protestai-je sur un ton déplaisant à mes propres oreilles, car trop geignard. Je ne saurais par où commencer.
— Ta réputation de Vertueux brutal devrait, pour une fois, te servir. »
Je la regardai sans comprendre. Je n’avais pas une telle réputation. De quoi pouvait-elle bien parler ? Je voulus protester, mais jugeai préférable de me taire. Il ne m’aurait servi à rien de l’agacer, voire de la mettre en colère. On dit les Dieux facilement irritables.
Nous arrivâmes devant la porte dérobée à l’arrière de la maison parentale, là même où j’avais adressé quelques prières aux genii locorum des environs avant d’aller rejoindre Annaeus. Il s’était agi d’un appel à l’aide, sans y croire vraiment, une habitude héritée de mes proches les plus superstitieux. Je ne sais si la Divine Alba m’avait entendu alors, ou s’il s’agissait d’une coïncidence.
J’aurais dû m’abstenir. Je me retrouve dans une situation encore plus délicate.
« Il est temps pour moi de disparaître… déclara-t-elle. J’ai effectué ma mission. »
Elle se retourna pour retracer son chemin, le bas de ses robes relevé, comme pour empêcher de les salir davantage, ce qui était inutile. Elles étaient déjà répugnantes. Elle ne fit que quelques pas avant de s’immobiliser de nouveau.
« Oh, j’allais oublier ! dit-elle en tournant sa tête dans ma direction. Ce petit service n’exige aucune rétribution. Toutefois, si jamais tu souhaitais rentrer dans mes bonnes grâces et me remercier, plutôt que cinquante prières et une centaine de chants psalmodiques, j’aimerais que les Festivités en mon honneur soient allongées. Je trouve insultant que cette provinciale de Balbilum ait un mois entier quand je n’ai que dix misérables jours. Entendu ? »
Hésitant, je hochai la tête lentement.
« Je… je verrai avec le Fils du Ciel ce qui peut être fait.
— Ah, cet imbécile qui se croit l’un des nôtres ne fera rien du tout, pesta-t-elle avant de soupirer. Tant pis, peut-être me faudra-t-il attendre que tu deviennes Empereur, dans ce cas. »
Je n’eus pas le temps de répondre que cela n’arriverait jamais, puisque je ne le souhaitais pas, qu’elle avait déjà disparu.
Et nous serons dans un manga de base, je saurai tout de suite comment s'effectue un échange de spiritus... Hehehe...