Un café. Un café de famille. Ça pourrait s’appeler de toutes les manières mais non : c’est le Bistrot de la gare. Pathétique. Banal. J’en vomirais d’ennui. A ce bistrot de fin de campagne, de fin de vie, je souhaite le feu.
Ma mère qui passe le torchon sur le comptoir, qui violente le tissu sans que rien ne bouge, sans que rien ne crie, sans autre bruit que la radio défectueuse… Si elle pouvait seulement aller se la soigner une bonne fois pour toutes, sa luxation de l’épaule, et si elle pouvait seulement arrêter d’y travailler, dans ce café familial, et si elle pouvait seulement vivre, vivre, penser à elle, partir, être folle oui, folle, pas de ces folies qui enferment mais de celles qui sauvent, qui créent des voltiges, des… A cette mère je souhaite l’étouffement.
Et mon père qui la regarde faire, un œil sur le comptoir toujours propre, l’autre sur ses cahiers de comptes, qui la surveille de derrière ses lunettes tombantes, par-dessus ses cernes dégoulinantes… Ce serait pourtant si simple, arrêter de loucher, de lorgner, regarder quelque part de fixe, voir ou peut-être même, si ce n’est trop demander, contempler la beauté qu’il a toujours sous le nez, profiter, je ne sais pas moi, des journées ensoleillées, des musiques qui passent à la radio et qu’il adore en secret, des efforts que fait ma mère pour lui plaire, ce serait si simple, si salvateur, si… A ce père je souhaite l’aveuglement.
Qu’ils aillent au diable. Au moins ce sera réglé.
J'aime beaucoup !
Tu touches juste : ce n'est pas véritablement à l'égard les parents que le narrateur/la narratrice est en colère, mais contre l'univers qui les emprisonne, et dont il est tellement dur de se défaire.
A bientôt !
J'ai l'impression que tu me mets tes petites claques, là. Je reconnais ton style, tes thèmes, sauf qu'au lieu de les diluer dans des textes plus longs '(quoi que tu as la ""fâcheuse"" manie de les rendre très angoissants si tu vois ce que je veux dire), ils sont ici condensés et je me les prends en pleine poire. Pas parce que je vais à contresens de toi, mais juste parce que.. bah c'est toi qui tiens la raquette et qui envoie la balle, quoi, et moi je suis en face bien gentiment !
Bref.
Bravo pour ces petits exercices d'écriture !
Plein de bisous !
Merci beaucoup pour ton commentaire ! Je n'avais pas forcément en tête que sur des formats courts, mes petites claques étaient plus resserrées et présentées un peu plus brusquement : mais ça a complètement du sens. Ce que je veux dire reste là, raconté rapidement ou pas.
Merci beaucoup, Tac ! A très vite !
Dans le même registre que les textes précédants, on retrouve un certain fil conducteur. Ca ne me choquerait pas que tous aient été inscrit du pdv de Claire.
L'idée de parents perdus dans une vie banale incapable de se révolter est très parlante. J'ai trouvé les scènes décrites très visuelles malgré le peu de mots.
Un plaisir,
A bientôt !
Merci de ton passage sur ce recueil, et à bientôt !
Un texte très court, percutant. Je vois bien la narratrice (le narrateur?) écrire ces mots avec rage, frénésie - quelque part dans un journal ou sur une nappe. En tout cas, son agacement en débordement est très bien retranscrit. J'aime la manière dont tu as dépeint l'ambiance de ce bistrot, à travers deux personnages "morts du dedans", et des yeux de leur enfant en colère. J'aime les nombreuses énumérations, accumulations de virgules - comme si la narratrice (je persiste à la voir comme une adolescente) parlait et débitait sa rage à perte de souffle...
« Ma mère qui passe le torchon sur le comptoir, qui violente le tissu sans que rien ne bouge, sans que rien ne crie, sans autre bruit que la radio défectueuse… » Je trouve cette phrase très « visuelle ». Je me suis représentée la scène avec beaucoup de détails : efficace, vraiment !
« (…) si elle pouvait seulement vivre, vivre, penser à elle, partir, être folle oui, folle, pas de ces folies qui enferment mais de celles qui sauvent, qui créent des voltiges » La répétition de vivre est géniale. J'aime beaucoup, aussi, l'idée des folies qui sauvent <3 C'est presque une image réconfortante...
L'image des "cernes dégoulinantes" est très bien trouvée !
Pourtant, j'ai l'impression qu'il manque quelque chose, quelque chose de minuscule... Une description plus approfondie du lieu ? ça alourdirait le texte. Davantage de détails ? Pareillement. Hum... En fait, je crois que je n'ai pas eu ma dose de Liné de la journée. En route vers le prochain chapitre !
Je suis contente d'avoir su insuffler autant d'images et d'interprétations avec un texte aussi court !