10- Le silence

— Chef Cesbon ! Je peux vous poser une question ?

— Dis toujours, Alexis. Je t’en prie.

— Euh… Vous m’en voulez toujours pour le brocoli brûlé ?

— Je ne veux pas en parler. Plus jamais. Faisons comme si rien n’était arrivé.

— Donc… je ne vais pas perdre ma place au restaurant ?

— Si tu fais ton travail correctement, non.

— Merci, Chef Cesbon ! Merci !

— C’est mon fils qu’il faut remercier. Sans lui, tu ne serais plus là.

— Je vous promets que je ne vous décevrai pas.

— Je l’espère, Alexis.

— Pour le menu de la Broccoli Party, que voulez-vous que je fasse pour vous aider ? J’y tiens. Je veux vous montrer que vous pouvez compter sur moi, Chef Cesbon.

— Tu peux vérifier le stock de brocolis.

— Je vérifie la quantité du stock, l’aspect des légumes ?

— Veille aussi à ce qu’ils soient silencieux.

— Silencieux ? C’est un nouveau terme culinaire qui m’échappe, Chef Cesbon…

— Silencieux, silencieux. Si tu entends un des brocolis parler, tu l’exclus du menu. Je ne veux aucun brocoli récalcitrant, aucun brocoli déterminé à me faire échouer. Je vais le réussir, ce menu. Je peux te l’assurer. Toute cette histoire de brûlé sera derrière nous, à tout jamais. Je vais les faire taire, ces brocolis. Je vais gagner cette guerre. Ils n’auront pas mon honneur, ni ma réputation, et encore moins le restaurant que j’ai bâti de mes propres mains avec la chair de ma chair. Je veux que ces brocolis se taisent et reconnaissent mon génie. C’est bien compris, Alexis ?