10. Reflets d’une vérité perdu

Par Wen
Notes de l’auteur : "Certains livres se lisent, d’autres se déchiffrent… mais celui-ci semblait vouloir rester muet."

La maison baignait dans cette lumière douce de fin d’après-midi, un mélange de doré et d’orangé qui glissait sur les murs clairs comme une caresse. Amy avait ouvert la fenêtre de la cuisine pour laisser entrer un souffle tiède, et l’odeur de feuilles humides se mêlait au parfum sucré du thé qu’elle préparait. Dans le salon, Arwen était assise en tailleur sur le canapé, un plaid gris sur les genoux, le regard perdu dans les pages d’un carnet dont la couverture semblait porter tout le poids du temps.

Elle ne l’avait pas ressorti depuis la première fois où elle l’avait trouvé, coincé dans un vieux tiroir du bureau d’Amy. Ce jour-là, sa tante avait détourné la conversation d’un ton léger, presque trop, comme pour fermer une porte invisible. Mais le carnet, lui, était resté. Arwen l’avait gardé dans le tiroir de sa table de chevet, le posant là comme on garde un objet qu’on ne sait pas encore comment aborder.

Ses doigts fins caressaient la couverture usée, d’un marron sombre veiné de traces plus claires. Il n’y avait aucun titre, juste un petit symbole gravé dans le cuir : une lame fine traversant une forme circulaire, presque effacée par l’usure. Elle l’avait déjà remarqué, mais ce détail revenait sans cesse à son esprit comme une énigme silencieuse.

En penchant légèrement la tête, ses longs cheveux noirs glissèrent sur ses épaules et vinrent effleurer ses bras. Ses mèches captaient par endroits la lumière du soleil, révélant des reflets brun chauds. Sa peau claire portait encore la fraîcheur de l’hiver, et ses yeux, d’un vert profond piqué d’éclats noisette, semblaient lire au-delà des mots. À dix-sept ans, elle avait cette grâce encore adolescente, mais teintée d’une réserve qui la rendait plus mature qu’elle ne l’était en réalité. Ses gestes, mesurés et presque prudents, trahissaient l’habitude de ne pas attirer trop l’attention.

Elle tourna la première page. Le papier était jauni, légèrement gondolé par le temps. Mais ce qui la frappa, c’était l’écriture. Pas de lignes droites ou régulières : les phrases semblaient se croiser, parfois écrites à la verticale ou en diagonale, comme si l’auteur avait voulu brouiller volontairement la lecture. Certaines lignes étaient barrées, d’autres recouvertes de petites taches sombres qui ressemblaient à de l’encre… ou à autre chose.

Arwen fronça les sourcils et approcha le carnet de la lumière. Une phrase, presque illisible, émergea du fouillis :

"Ils n’auraient jamais dû savoir pour elle."

Un frisson remonta le long de sa nuque. Le « elle » désignait-il quelqu’un en particulier ? La phrase paraissait ancienne, écrite par une main nerveuse, et l’idée qu’elle puisse avoir un lien avec elle-même traversa son esprit, fugace mais insistante.

— Arwen ? Tu veux du thé ?

La voix d’Amy, venant de la cuisine, brisa le fil de ses pensées.

— Euh… oui, merci.

Elle referma le carnet d’un geste sec, comme si elle avait été prise en faute. Le claquement discret de la couverture résonna dans le silence. Elle le glissa rapidement sous le plaid, le tenant contre ses cuisses, tandis qu’Amy apparaissait dans l’encadrement de la porte, deux tasses fumantes à la main.

— On dirait que tu lis quelque chose de passionnant, observa sa tante avec un sourire en coin.

— Juste… un vieux carnet, répondit Arwen évasivement.

Amy hocha la tête, posa une tasse devant elle et s’installa dans le fauteuil face au canapé. Ses yeux bruns, d’ordinaire si doux, semblaient plus attentifs que d’habitude, comme si elle essayait de lire au-delà des mots de sa nièce.

— Tu sais, dit-elle après un moment, certaines vieilles choses ont besoin d’être laissées en paix. Ce n’est pas toujours bon de… fouiller.

Arwen releva les yeux, surprise par le ton. Il n’y avait pas de colère, mais une gravité inhabituelle.

— Et si… c’était quelque chose d’important ? murmura-t-elle.

— Alors ça reviendra à toi… au bon moment, répondit Amy, esquivant la question avec ce demi-sourire qui fermait toute discussion.

Un silence retomba, juste troublé par le bruit de la cuillère d’Amy tournant dans sa tasse. Arwen baissa de nouveau les yeux vers le carnet sous le plaid, son esprit partagé entre l’envie de continuer à lire et la peur de ce qu’elle pourrait découvrir.

 

La soirée s’écoula lentement. Amy repartit dans la cuisine, et Arwen en profita pour se lever, carnet à la main. Elle monta les escaliers, ses pas feutrés sur le bois, et entra dans sa chambre. La lumière du couloir filtrait à travers l’entrebâillement de la porte, dessinant une bande claire sur le sol.

Assise à son bureau, elle ouvrit de nouveau le carnet, cette fois avec la détermination d’aller plus loin. Elle tourna plusieurs pages. Certaines contenaient des mots qu’elle ne comprenait pas, peut-être une autre langue, ou un code. Elle reconnut quelques noms, griffonnés au hasard : Backer, Ash Blades… et un autre, répété plusieurs fois, qu’elle ne connaissait pas.

Puis, à la toute dernière page, elle découvrit un dessin. Simple, presque enfantin : une silhouette, un cercle autour d’elle, et plusieurs traits qui semblaient converger vers son corps. Sous le dessin, deux mots : "Elle vit".

 

Un bruit dans le couloir la fit sursauter. Elle referma le carnet si brusquement que ses doigts en blanchirent, le glissant dans le tiroir de son bureau juste avant qu’Amy ne frappe doucement à la porte.

— Tout va bien ? demanda-t-elle, la tête légèrement penchée dans l’entrebâillement.

— Oui, répondit Arwen avec un sourire forcé. Je… je vais me coucher.

Sa tutrice la regarda un instant, comme si elle hésitait à dire autre chose, puis se contenta d’un « bonne nuit » avant de refermer la porte.

 

Seule dans le silence, Arwen s’allongea sur le lit, les yeux fixés sur le plafond. Le carnet semblait peser dans le tiroir, comme un cœur battant caché sous le bois. Elle ne savait pas encore ce qu’il contenait exactement, mais une certitude grandissait en elle : ce n’était pas juste un objet ancien. C’était un morceau de vérité, et tôt ou tard, elle allait devoir le lire en entier.

Et cette idée, à la fois effrayante et étrangement apaisante, l’accompagna jusqu’au sommeil.

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Inxs.0
Posté le 27/08/2025
Bon écoute Arwen..Je sais bien que c'est compliqué pour toi mais...S'IL TE PLAÎT LIS CE JOURNAL EN ENTIER MOI AUSSI JE VEUX SAVOIR CE QU'IL Y A LA DEDANSS
Wen
Posté le 28/08/2025
🤣🤣
Ça me fait vraiment plaisir de te voir autant investie dans cette histoire <3
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