Appel au ciel, missive sous scellée
Entends-tu de là-haut, m’entends-tu ?
Notre langage est un code dont j’ai perdu la clé
Les ondes brouillées entre nos deux âmes
Des limbes vaporeux au sol où je suis entravé
Dans les ténèbres, je te cherche, je t’appelle
Dans les ténèbres, es-tu cette lumière ?
L’enfer est sur Terre, les démons m’entourent
Dans les ténèbres je me débats.
Cicatrices sur mon corps en tatouages marqués
Encrage de douleur, permanence de ma peine
L’oxygène me manque, je me noie, encore
Sous les couches de regrets je me débats
L’oubli impossible, m’entends-tu ?
Dans les ténèbres, je te cherche, je t’appelle
Dans les ténèbres, es-tu cette lumière ?
L’enfer est sur Terre, les démons m’entourent
Dans les ténèbres je me débats.
Dès les premières notes de la chanson, je fermais les yeux, emportée par la mélodie. Elle me touchait droit au cœur. Chaque vibration traversait mon corps, irradiait dans mes veines. Les paupières closes, je m’immergeais complétement dans la musique. C’est alors que la voix du chanteur retentit dans le micro. Un long frisson dévala mon échine, la chair de poule couvrit ma peau. Mes lèvres s’entrouvrirent, une floppée de papillons virevolta à l’intérieur de mon ventre. Je perdis la notion du temps, je perdis mes repères. Je m’accrochai juste à cette voix, à ce qu’elle déclenchait en moi.
Lorsque la guitare joua ses derniers accords, je repris pieds. La main de mon amie sur mon bras m’aida à sortir de cet état de transe. Elle me fit un clin d’œil. Je lui souris, encore dans mon monde. A l’intérieur, je bouillonnais d’une multitude d’émotions que j’avais du mal à gérer. Ils enchainèrent deux autres titres. Je me reconnaissais dans cette souffrance évoquée. Les paroles me touchaient, effleuraient mon âme, la sortait de sa cage glacée.
Les lumières s’éteignirent quelques secondes, les applaudissements vibrèrent dans la salle. Alix m’expliqua qu’ils s’apprêtaient à faire un entracte d’une vingtaine de minutes avant de continuer le concert. Je lui indiquais que je sortais un moment. Elle me proposa de venir mais je secouai la tête. J’avais juste besoin d’être seule pour gérer la tempête à l’intérieur de moi. Elle hésita, scruta attentivement mon visage avant de céder de m’assurer qu’elle ne bougeait pas. Dans la pièce de nouveau éclairée, je me faufilai vers la sortie, non sans avoir jeté un dernier coup d’œil. Le groupe se dirigeait vers l’arrière scène. Une fois dehors, je cherchai un coin tranquille, loin des groupes de fumeurs. Je longeai le bâtiment et me posai à l’arrière, dans un renfoncement. L’air frais me permit de faire redescendre la température. Je laissais le maelstrom d’émotions se diluer. Ma poitrine me comprimait, une douleur douce-amère. Les textes du groupe étaient bouleversants de sincérité et si semblable à ma propre peine. Mes yeux picotèrent. Mordillant ma lèvre, je tentai de refouler la vague qui grandissait. Je finis par cesser de lutter et les larmes s’échappèrent. Mes ongles s’enfoncèrent dans mes paumes. Ces chansons agissaient comme un révélateur catharsis.
Une porte s’ouvrit à quelques pas de moi. Une bribe de conversation me parvint juste avant que le battant ne se referme.
— Ne traîne pas, Trev. Cinq minutes.
Je me figeais, le cœur battant. Non, je me faisais des idées. Ce ne pouvait pas être…
— T’inquiète, je prends juste l’air.
Si j’avais besoin d’une confirmation, le son particulier de sa voix me la fournit. C’était lui, à deux pas de moi. Trevor Went, celui qui venait de me chambouler l’âme en quelques chansons à peine dix minutes plus tôt.
Je ne pus m’empêcher de l’observer. Il se cala contre le mur et rejeta la tête en arrière. Ses traits m’apparurent brièvement. Une certaine tension s’y lisait. Ses sourcils froncés témoignaient d’un tourment qui faisait écho au mien. Un sentiment étrange pulsa dans ma poitrine, le besoin d’aller le réconforter. Je me tassai un peu plus dans le renfoncement. Qui étais-je pour prétendre pouvoir l’approcher ? Ses chansons m’avaient happé, marqué au fer rouge. Pour autant, nous étions de deux mondes différents. Le cliquetis du mécanisme d’un briquet se fit entendre. Mon nez se fronça malgré moi. Lorsque l’odeur de la cigarette arriva jusqu’à mes narines, je relevai légèrement mon écharpe, tout en jetant un coup d’œil dans sa direction. Le mouvement attira son attention. Je le vis se tendre, ses yeux balayer les environs avec méfiance avant de découvrir ma présence. Je baissai la tête tout essuyant fugacement mes joues. Allait-il me dire de partir ? Il cherchait certainement aussi un moment de tranquillité. Peut-être n’avais-je même pas le droit d’être là.
Il écrasa sa cigarette à peine allumée contre le mur avant de la lancer dans le pot en métal non loin, puis s’approcha de moi.
— Je… Vous allez bien ? s’enquit-il.
L’hésitation dans sa voix me toucha. Le ton, loin d’être agressif ou irrité, témoignait d’une inquiétude sincère. Je hochai la tête, les yeux de nouveau baissés et me relevai, prête à partir.
— Désolée. Je pensais que personne ne viendrait ici. Je vais vous laisser.
— Non, restez. Il y a assez de place pour deux. Sauf si… Rassurez-moi, vous n’êtes pas une groupie prête à me sauter dessus ?
Je secouai la tête, l’idée me faisant sourire. Il m’observa avec une attention qui me troubla. Je me forçai à parler pour dissiper mon malaise.
— C’est la première fois que j’entends votre musique. J’accompagne une amie.
Le coin de ses lèvres se releva et je bloquai quelques secondes sur cette vision envoûtante.
— Qu’en avez-vous pensé ?
Sa question me fit me ressaisir. Les mots étaient fades pour transcrire l’expérience vécue quelques minutes plus tôt.
— J’ai adoré, me contentai-je de répondre. Les textes de vos chansons surtout. Ils sonnent… vrais.
— Vous étiez juste devant la scène, dit-il soudain, comme se parlant à lui-même. La jeune femme aux yeux fermés.
Ce n’était pas une question. Mon ventre se tordit. Il m’avait remarqué, moi, la fille invisible. Je hochais la tête, incapable de parler sous le coup de l’émotion.
— Vous sembliez perdue dans votre monde, continua-t-il.
— Je… C’est peut-être étrange. Je ressens mieux les choses ainsi, en me coupant du monde alentour.
Au moment où je prononçais ces mots, je m’étonnai de me dévoiler ainsi à un complet inconnu. Je n’avais pas l’habitude de m’exprimer aussi spontanément avec les gens. Alix constituait la seule exception. Et Kaleb.
Un bruit brisa l’étrange atmosphère.
— Eh, Went ! On t’attend pour la 2ème partie.
Il me sembla entendre un léger soupir s’échapper de ses lèvres. Il s’écarta avant de crier qu’il arrivait. Il croisa mes prunelles et m’adressa un sourire contrit.
— Le devoir m’appelle. On se voit dans la salle ?
J’arrivais, je ne sais comment, à lui sourire, à contenir les battements affolés de mon cœur. Je hochai la tête. Il entra. Lorsque sa silhouette disparut, je me laissai retomber contre le mur derrière moi.
J'ai adoré ce chapitre, l'ambiance du concert surtout. La musique grisante dans les oreilles de Zoey, et toutes les émotions qu'elle ressent. Ainsi, elle aimait la musique, avant... quoi ? Ahah, j'ai hâte de le découvrir.
Et puis, il y a la rencontre entre Zoey et Trevor... Fabuleux ! C'est tout en douceur, et j'ai hâte de connaître le point de vue de Trev' sur la question XD
Petites remarques en vrac :
scruta attentivement mon visage avant de céder de m’assurer --> de céder ET de m'assurer
Ses chansons m’avaient happé, marqué au fer rouge. --> happéE et marquéE
Je baissai la tête tout essuyant --> tout EN essuyant
une attention qui me troubla. Je me forçai à parler --> il y a un peu trop d'espaces entre les deux phrases ;-)
Il m’avait remarqué --> Il m'avait remarquéE
Voilà voilà, j'espère que j'aurai pu t'aider au moins un peu ;-)
À la prochaine
A.
Bravo pour cette écriture qui saisit si bien la complexité des sentiments humains !
J'adore ce que vous faites !
GoatWriter...