Nour avait été dispensée de cours pour le reste de la journée. Une élève de dernière année fut désignée pour lui faire visiter l'école. Ressentant cette charge comme une corvée, la visite fut expédiée. Elle dû ensuite aller chercher ses livres, elle se perdit dans les couloirs, se fit disputer par des professeurs, trouva un casier pour ranger son matériel scolaire. Enfin, elle pu rejoindre Malakel à l'extérieur, ensemble ils attendirent Oren, qui ne tarda pas.
– Comment tu trouves notre directrice ? demanda-t-il.
– Elle est spéciale.
– Oui, heureusement on la voit presque jamais. Elle sort très rarement de son bureau.
Ils prirent le chemin de la maison. Nour restait silencieuse, anxieuse à l'idée du lendemain, sa première vraie journée d'école. Elle sentait les regards insistants d'Oren. Malakel guidait leur marche et imposait sa cadence, l'oeil aux aguets. Nour aimait glisser une main dans sa fourrure. Elle ressentait la profonde détermination du lynx à la protéger, à protéger quiconque d'ailleurs. Lui savait sa peur, et tentait de lui montrer par son obstination qu'il fallait toujours aller de l'avant. Oren interrompit son flot de pensées.
– Je ne sais pas comment t'aider, mais je crois que j'ai une idée pour te remonter le moral, enfin j'espère, s'exclama-t-il.
– Tu ne vas pas vouloir faire léviter Malakel par hasard, se moqua gentiment Nour.
– Non, mais j'imagine que ce pourrait être comique, répondit Oren avec une grimace. Quelque chose me dit que tu riras moins quand j'aurai réussi mon coup.
En effet, le sourire s'effaçait déjà du visage de Nour. Tout ça ne lui disait rien de bon.
– Attends-moi ici, et ne fais pas de bruit.
Oren quitta la route pavée. Il s'approcha à pas de loup d'un mouton, d'un blanc immaculé, qui broutait tranquillement dans son coin, où l'herbe était haute et bien grasse. Nour trouva curieux que Malakel n'ait pas envie de dévorer un de ces ovins dodus, que son instinct de chasseur ne prenne pas le dessus. Après tout, c'était un féroce félin. Oren s'accroupit devant le mouton avant de prendre sa tête entre ses mains, puis il ferma les yeux. Jusque là placide, le mouton cessa de brouter et fixa l'humain devant lui.
– Tu communiques avec lui ? s'étonna Nour.
– Oui, fit-il tout bas. Approche maintenant, et monte doucement sur son dos.
Oren ne plaisantait pas, comme Nour l'eut cru un instant.
– Pourquoi je voudrai grimper sur... ça ? demanda-t-elle.
– Ceci est un broutard.
– Sur Terre c'est un mouton, et on ne grimpe pas dessus.
– Ici c'est un broutard, rappela Oren. Et si tu as peur, ne le fait pas, dit-il en la défiant du regard.
Elle émit un léger grognement de désapprobation. Puis, hésitante elle se hissa finalement sur l'animal à califourchon, non sans mal à cause des poils soyeux qui la faisaient glisser. De toute façon, il ne pouvait pas lui arriver grand-chose, l'animal avec ses courtes pattes ne pouvait pas aller assez vite pour la faire chuter. Oren pensait-il faire le chemin jusqu'à la maison à dos de mouton ? Il lui semblait qu'elle irait plus vite en marchant. Oren s'installa devant elle et lui demanda de bien se cramponner à lui. Nour s'exécuta, non sans une certaine appréhension. Le broutard fit quelques pas avec nonchalance, ce qui la rassura. Mais, alors qu'elle commençait à prendre goût à cette drôle de balade, elle laissa échapper un cri. Ses pieds décollèrent du sol. Des ailes se déployèrent de chaque côté de leur monture, de longues ailes duveteuses comme celle des anges.
– Oh mince, oh mince, Oren, cria-t-elle. On vole.
L'ascension fut rapide, brutale. Le vent fit claquer ses tresses sur son visage, et des larmes s'échappèrent de ses yeux rougis. Le mouton téméraire s'envola très haut dans le ciel, avant de tournoyer quelques minutes en planant. Dans les premières secondes, Nour se cramponna à Oren à s'en faire blanchir les jointures des doigts, et ferma les yeux si fort que de petits cercles blancs se formèrent sous ses paupières. Quand elle entendit les rires d'Oren, elle se décida à profiter du spectacle. De là-haut, on pouvait contempler tout le pays. D 'ici on distinguait la forêt suspendue; un chapelet d'îlots de feuillus touffus vert foncé, suspendus, coincés entre le ciel et la mer. Ensuite, la montagne d'Avenrock avec sa cime enneigée. Tout autour d'eux, les moutons étaient comme de petits nuages dans un ciel vert tendre. Oren posa une nouvelle fois sa main sur la toison du broutard volant, et un instant plus tard celui-ci perdit un peu d'altitude, prit sa vitesse de croisière. Il devenait bien leur moyen de locomotion pour le retour à la maison. Nour aperçut Malakel courir sur le chemin, derrière eux. De temps à autre, il levait sur eux un regard curieux. Colère, inquiétude ? Elle n'aurait su le dire.
A l'orée du hameau, le mouton amorça sa descente, peu contrôlée. Une patte tapa dans une pierre, il rata l'atterrissage, fit une roulade en envoyant valdinguer les enfants. Nour fit quelques tonneaux, puis resta quelques instants allongée sur l'herbe grasse, l'air hagard. Elle entendit le broutard bêler de colère, puis ses sabots frapper violemment le sol avant de s'éloigner.
Je viens de voler, très haut dans le ciel, sur un mouton volant, un mouton volant, UN MOUTON VOLANT.
L'ombre d'Oren au-dessus d'elle la ramena à la réalité. Il l'aida à se relever, mais elle resta muette les minutes suivantes. Il lui lança plusieurs fois de petits coups d'oeil, son air l'amusait beaucoup.
– Je savais pas que tu communiquais avec les animaux ?
– C'est tout récent, avoua-t-il. Ce n'est pas si difficile si l'animal n'est pas farouche. Mais on ne devient ami comme ça du jour au lendemain.
– Malakel et Méroé semblent très attachés l'un à l'autre.
– C'est qu'ils ont passés leur vie ensemble. Un jour, alors qu'elle n’était qu’un bébé, son grand-père la laissé sans surveillance dans le jardin, juste une minute. À son retour, un Addanc...
– Un quoi ?
– Un Addanc, c'est une créature horrible, et sournoise, avec une mâchoire très puissante. C'est un mélange de castor et de crocodile, même si je n'ai jamais vu de crocodile, qui vit en Calistan. Quand le vieil homme est revenu dans le jardin, l'Addanc était sur le point de dévorer la petite Méroé. C'est alors qu'un lynx apparut, prit le bébé comme un félin porte son petit et le ramena au grand-père avant de faire prendre la fuite à l'Addanc qui enrageait dans son coin. Le lynx la consola, et bien qu’elle ne parla pas encore, ils semblèrent se comprendre. Depuis ce jour il la protège, même si je crois qu'elle n’a besoin de personne pour ça.
– Tu as déjà essayé avec Malakel ?
– Non, il m'impressionne trop. Je peux te demander ce que vous vous dites ?
– C'est assez difficile à expliquer. J'ai l'impression qu'il essaie de me rassurer
C'est alors que le lynx surgit devant eux, les faisant sursauter. Il secoua la gueule de gauche à droite, comme Madame Apsoum montrait son mécontentement lorsque Nour avait fait une bêtise. Il était temps de rentrer.
Heureux de retrouver ton univers après quelques temps de congé pour moi ! C'est marrant ce chapitre et cette idée du broutard ! Un détail : je n'avais pas compris que Nour montait sur le même mouton qu'Oren (est-ce que tu le dis au début ?). Et j'ai été surpris qu'elle découvre d'autres broutards en vol : elle ne les avait pas vu avant ? d'en bas ils ressemblent à des nuages ? se sont-ils envolés en même temps que celui auquel Oren parle ?
A très bientôt pour la suite !
Que de questions pertinentes :)
Oren demande à Nour de monter derrière lui et de se cramponner à lui, et les moutons ne sont pas dans le ciel mais broutent dans l'herbe. Je vais revoir tout ça pour que ce soit plus clair.
A bientôt pour la suite de ton histoire (j'ai pris beaucoup de retard dans mes lectures)
C'est un peu spécial de lire un chapitre qui débarque ainsi, mais c'est amusant.
J'ai été très agréablement surpris par l'envole du broutard (j'aurai du mieux lire le titre ^^). Cette partie est très dynamique et réussie. Félicitations !
Je trouve aussi que c'est une bonne idée de casser le rythme de l'école avec une anecdote pareille (en espérant revoir les broutards par la suite).
Un petit point que je n'ai pas compris est l'énervement du broutard à la fin. S'il était d'accord pour qu'ils montent sur son dos, il n'a pas de raison d'être énervé en ratant son atterrissage.
La partie sur l'école semble aussi un peu rapide, je comprends que ce n'est pas le but du chapitre, mais elle mériterait peut-être un chouilla de rallonge (ou au moins de pauses dans les phrases ^^).
Pour ta relecture, je te conseillerai de bien regarder pour couper tes longues phrases et de raccourcir des expressions. Cela te permettra d'enlever des virgules qui hachurent un peu trop le texte.
À bientôt et bonne année !
Oui c'est la joie (ou la galère) de la réécriture. Je voulais déplacer ce chapitre, et puis en fait il est très bien ici.
Le broutard s'énerve parce qu'il se fait mal mais je tâcherais d'améliorer
Je note pour la relecture, tu as bien remarqué que j'ai des idées mais je sais pas encore écrire, peut-être un jour.
Merci pour les encouragement, et à bientôt :)