Charles hurla.
D’un mouvement brusque, il protégea son visage de ses bras et tomba à terre. Désorienté, il gisait au pied d’un très grand lit, une jambe dessus et le reste de son corps ankylosé sur un épais tapis persan. Sa tête lui faisait un mal de chien et, en voulant se la frotter, il se rendit compte qu’elle était bandée comme ses deux mains. En se palpant, il sentit son nez cassé, son front écorché et ses joues endolories. Il se redressa avec peine, tant les courbatures raidissaient ses membres, et s’assis au bord du matelas. Des souvenirs de la forêt l’assaillirent et lui glacèrent le sang. Pour ne plus y penser, il observa l’endroit où il se trouvait.
Le lit occupait le centre d’une immense et luxueuse chambre à coucher. Deux piliers de bois précieux joignaient le riche parquet au plafond d’un blanc éclatant, lui-même rehaussé par une surface rectangulaire et dorée. Une suspension épurée, mais élégante, la mettait indéniablement en valeur. À droite de la pièce, un grand canapé tournait du mur vers une large baie vitrée qui offrait une vue sur une vaste prairie. Derrière, on apercevait des collines verdoyantes sur fond de ciel bleu. Les fenêtres diffusaient une lumière chaleureuse. Elle s’accommodait à merveille avec l’ambiance paisible qui régnait ici. Ça et là, quelques guéridons de luxueuse facture soutenaient des compositions florales aux douces teintes. À gauche, deux portes à galandage ouvraient sur un salon dont le mobilier s’accordait sans faille avec celui de la chambre. À côté de Charles, un plateau d’argent avec des poignées en forme de girafes trônait sur une table de nuit. Il présentait un long verre rempli d’un épais liquide jaunâtre, un boîtier avec un rond bleu et un carton dactylographié en lettres d’or. Malgré une migraine qui frappait ses tempes, Charles lut le texte qui indiquait en une élégante écriture Buvez d’un trait à votre réveil et appuyez sur le bouton bleu. Sans savoir pourquoi il avait confiance en ce message, il s’exécuta. Si le contenu du verre avait l’aspect du lait tourné, il avait le goût délicieux de fraises mûres à point. Sa céphalée disparut sur le champ et ses parois nasales craquèrent d’un coup douloureux, sec comme les jurons qu’il prononça en Allemand.
Néanmoins, il se sentit soulagé et s’allongea en inspirant à pleins poumons la quiétude de l’endroit. Il appuya alors sur le bouton bleu quand une toute petite voix s’adressa à lui et le fit sursauter :
– Psst, cousin, t’as pas une feuille ?
– Qui est là ? s’enquit Charles si peu remis de la forêt que l’anxiété le gagna immédiatement.
– Vas-y, t’as une feuille, s’te plaît ?
Il tourna la tête vers la table de nuit et y vit un phasme qui lui parlait :
– Donne-moi une feuille, mec. Sérieux, juste une.
– Qui es-tu ?
– P’tain, j’te demande une feuille. Qu’est-ce t’en as à foutre qui j’suis ? Donne-moi une feuille, merde.
– Je… je n’ai pas de feuille, balbutia Charles, et quelle sorte de feuille ?
– Vas-y, arrête de mentir ! l’accusa le phasme. File-moi une feuille, j’te dis.
– Je n’en ai pas, je ne sais même pas où je suis !
– T’es dur en affaires, toi. Donne-moi une feuille et j’te gratte les couilles si tu veux. Tu veux que je te gratte les couilles ?
– Mais non ! s’énerva Charles. Je n’ai pas de feuille et je ne souhaite pas qu’on me… qu’on me gratte les… mais qui es-tu ?
– Monsieur Charles ! tonitrua une autre voix depuis les portes du salon.
Charles sursauta et, par réflexe, protégea son nez comme s’il allait prendre un mauvais coup. Comme entrant dans le décor d’une pièce de théâtre, un homme au crâne rasé apparut dans l’encadrement. L’individu portait le même uniforme que Charles, mais ses chaussures étaient des mocassins blancs. Il s’avança vers lui, un large sourire aux lèvres et la main droite plongée dans la braguette de sa tenue.
– Votre Majesté ? s’étonna Charles éberlué.
– Monsieur Charles ! Ha, ha ! Bonjour, mon ami ! brailla Napoléon 1er avec un enthousiasme de retrouvailles un peu exagéré.
– Vas-y, enculé, donne-moi une feuille.
– Votre Majesté ! sanglota Charles saisi d’une émotion subite.
Il ressassa ces mêmes mots, trembla de tous ses membres et pleura à chaudes larmes.
– Nah, la fiotte ! Comment elle chiale sa race ! Donne-moi une feuille ou j’te casse la gueule.
L’Empereur s’assit sur le bord du lit et prit son ami dans les bras. Tous deux restèrent un long moment dans cette position.
– Votre Majesté, répéta encore Charles, j’ai cru être perdu pour toujours.
– C’est normal, vous avez vécu une expérience traumatisante, mon vieux, lui répondit Napoléon. Moi aussi, je suis passé par une de ces terribles épreuves. Vous deviez connaître pour comprendre où nous sommes. Tranquillisez-vous, tout va bien maintenant.
– Hé, toi avec la main sur la teub ! Dis à ton pote qu’il m’file une feuille.
Charles reprit ses esprits et s’adressa au monarque sur un ton de reproche :
– Votre Majesté, vous m’aviez promis que vous viendriez au bout de cinq minutes ! Je suis resté seul pendant des siècles !
Penser à la forêt lui coûtait. Il sentit une blessure intérieure s’ouvrir et des images mortes lui revinrent en tête. Celle de son frère Johann en particulier.
– L’Éternité est longue. Très longue, déclara Napoléon comme un vieux pilier de comptoir. Ici, le temps est sans comparaison possible avec tout ce que nous avons connu de notre vivant. Vous n’êtes resté dans la Forêt qu’à peine trois minutes.
– Ho ! Vous m’écoutez, oui ?
L’empereur lut l’étonnement de Charles sur son visage et enchaîna :
– J’y ai passé plusieurs années. La véritable torture, Monsieur Charles, c’est ce temps qui ne s’écoule plus. Vous perdez pied. L’Après-Vie aux Enfers est cruelle, terrible. Songez que c’est en apprenant des humains que les Enfers ont changé leurs méthodes. Avant, c’était supplices physiques et tout le toutim, mais la psychologie a pris le dessus à partir du XXe siècle de notre ère.
Schulmeister fut abasourdi. Était-il mort depuis si longtemps ?
– Non, mon ami. Ici, nous avons accès à l’intégralité des choses de toutes les époques ou presque. Je crois qu’il y a un moment à partir duquel on ne reçoit plus rien. Je pense que cela est dû au bouleversement du Grand Plan.
– Quel grand plan ? l’interrogea Charles dont les sens étaient de retour.
– Nan, mais sérieux ? T’as pas un plan pour une feuille ?
– Eh bien, celui pour lequel je vous ai demandé de me rejoindre ici ! Je vous avoue avoir douté que vous ne receviez ma lettre.
– Votre neveu s’y est attaché, votre Majesté. Il me l’a apportée à Strasbourg[1], en mains propres, il y a deux ans.
– Il aura au moins servi à quelque chose celui-là. Vous ne le savez pas, mais il a concédé l’Alsace et la Moselle aux Prussiens ! s’offusqua Bonaparte comme s’il n’avait jamais perdu aucune guerre.
– Mes descendants sont devenus prussiens ? s’enquit Charles.
– Oui, jusqu’en 1918 quand la France reprit ces régions. Bon, il faudra attendre 1945 pour qu’elles restent définitivement françaises, car entretemps, les Allemands les ont annexées. Je vous passe les détails, c’est un vrai bordel.
Il évoquait tout cela avec un naturel déconcertant. Ces informations n’étaient pas assez liées les unes aux autres pour permettre à Schulmeister d’y entendre quoi que ce soit.
– Comment savez-vous cela ? demanda ce dernier.
– On s’en carre ! Donnez-moi une feuille, les mecs.
Bonaparte rongeait son frein de ne pouvoir précipiter son ami vers la tâche qui les attendait. Avant cela, il devrait lui raconter nombre de choses au sujet de l’Au-delà, des Enfers, du Paradis et de la Vie en général. Aussi commença-t-il par le Temps. Il lui apprit que, depuis l’Au-delà, sa perception en était toute relative, car s’il existait dans le monde vivant, il ne possédait aucune emprise sur celui des morts. D’ici, on discernait sur le même plan tous les événements antérieurs, simultanés ou postérieurs à une date : le passé, le présent et le futur n’étaient qu’un temps unique. C’était la raison pour laquelle on pouvait, par exemple, autant assister au début de l’humanité qu’à son développement et à sa fin.
– Vous savez quand l’humanité s’éteindra ? demanda Charles.
– Non, pas tout à fait. C’est ce que je vous disais, c’est le noir le plus total à partir de… on ne sait à quelle période. Je pense qu’on nous le cache, tout est tellement segmenté ici.
– Si vos supérieurs vous dissimulent une information, c’est qu’elle vous sera utile pour vous libérer de leur joug.
– Ha, ha, ha ! Sacré Schulmeister ! À peine arrivé et vous échafaudez des théories dont vous seul avez le secret. ! Prenez le temps d’apprendre à mieux connaître cet endroit. Vous aurez tout le loisir d’y réfléchir plus tard.
– Bien dit ! En attendant, passe-moi une feuille.
Charles ne laissa pas duper par Napoléon qui, de toute évidence, ne lui racontait pas tout non plus. Cette déduction le rassura, car cela signifiait qu’il recouvrait ses moyens intellectuels. Il décida d’attaquer le taureau par les cornes :
– Votre Majesté, pourquoi m’avez adressé cette lettre dans laquelle vous me demandiez de vous rejoindre en Enfer ?
– Alors avant tout, cessez de m’appeler votre Majesté, répondit Bonaparte l’air gêné. Ici, nous très sommes à cheval sur les titres et l’étiquette. Il n’y a qu’un seul, unique et vénéré monarque.
– Lucifer ? coupa Charles.
– Oooh ! Comment il est fou, lui !
– Chut ! se précipita Napoléon qui poursuivit à voix basse. Il ne faut pas prononcer son nom ! Il n’existe plus, Ba’al Zebub l’a destitué, rien, nada, peau d’zob !
– Ba’al Zebub ?
– Belzébuth, si vous préférez. Le Roi des mouches, le Maître des Enfers. C’est le premier fils de Luci… de vous-ne-savez-pas-qui-mais-ne-dîtes-pas-son-nom, murmura-t-il.
– Hé, les gonzes ! J’peux avoir une feuille, oui ? s’impatienta le phasme.
– Mais, il va se taire ce… cette brindille ? s’énerva Schulmeister agacé par ces interruptions.
Bonaparte lui tendit un stylo à bille et un formulaire pincé sur un porte-bloc :
– C’est pour un sondage, une enquête de satisfaction au sujet de votre Enfer. Cochez les cases et donnez-lui la feuille. Il vous laissera tranquille.
– C’était pourtant clair !
Charles parcourut la liste de questions auxquelles cinq choix permettaient de répondre :
– Mais, ce sont tous les mêmes ! Très satisfait, s’indigna-t-il. Avec tout ce que j’ai souffert, je devrais prétende en être heureux ?
– Exactement, répliqua Napoléon. Ici, la critique est acceptée quand elle rentre dans le cadre imposé. Cochez les dernières cases, c’est tout de même mieux.
Schulmeister s’exécuta en grommelant. Tenir un stylo avec ses mains bandées n’était pas chose évidente. Quand il eut terminé, il tendit le porte-bloc au phasme.
– Ah, ben quand même ! Qu’est-ce qu’il faut pas faire comme effort pour être considéré ! J’étais Président des États-Unis, moi, Môssieur ! J’étais le POTUS sur Twitter ! râla l’insecte qui saisit le porte-bloc de ses petites pattes frêles, s’éloigna vers le salon en listant de ce qu’il estimait apparemment comme étant ses hauts faits.
– Et je leur ai foutu un putain de mur devant la gueule à tous ces connards !
– Qui est-ce ? s’enquit Charles.
– J’ai bu de l’eau de javel, moi ! J’avais des couilles !
– Un vague président américain du début XXIe siècle. En général, ce genre de type finit transformé en limace ou quelque chose du style.
– Tel un chef de guerre, cheveux au vent, j’leur ai dit d’aller péter le Capitole. Ils l’ont fait, ces cons ! Ha, ha, ha ! Ils l’ont fait !
Le phasme quitta la pièce sans cesser de parler, on ne l’entendit plus jamais. Charles se demanda comment un homme de cette époque pouvait être ici en même moment que lui. Bonaparte lui expliqua que l’existence des âmes se rapprochait de celle du Temps, aussi impalpable que tangible. Il était notoire qu’au décès du corps, l’esprit gagnait le royaume des trépassés. En réalité, il y était depuis sa naissance et, durant toute sa vie, flottait dans des limbes. Il oscillait entre le Paradis et les Enfers qu’il effleurait plus ou moins selon ses actes terrestres, et jusqu’à la date fatidique de sa mort charnelle. On l’affectait alors définitivement à l’un ou à l’autre camp. Napoléon assura que certaines âmes n’attendaient pas cet instant décisif pour choisir leur parti.
– Comment cela, choisir leur parti ? l’interrogea Charles qui analysait chaque mot qu’il entendait.
– Eh bien, le libre arbitre, pardi ! Si vous êtes persuadé d’avoir votre place aux Enfers, vous y venez. Sinon, vous allez au Paradis.
Schulmeister tomba des nues et sentit la colère monter en lui :
– Cela veut dire que, sans votre lettre de convocation, j’avais le choix de rendre ailleurs ?
– Mais oui ! répondit Napoléon sur un ton enjoué. J’ai besoin de vous, mon vieux ! Vous ne songez pas que j’allais vous laisser gagner l’autre camp, non ?
– Et ma femme, sombre abruti ? s’emporta Charles. Vous y avez pensé à ma femme ? Vous êtes-vous demandé si je n’aurais pas préféré passer l’Éternité avec elle ?
– Oh, mon vieux ! Prenez un peu de hauteur, s’il vous plaît. Des femelles, il y en a plein ici et laissez-moi vous dire qu’elles sont plutôt portées sur la bagatelle. Vous ne le regretterez pas !
Charles se retint de lui sauter au cou, mais se ravisa. Il savait payer-là les conséquences de ses actes. S’il se trouvait aux Enfers, face à Bonaparte, il en était seul responsable. Mazarin ne l’avait pas cru quand il lui affirma avoir échafaudé un modèle politique visant la domination française sur l’Europe. Pourtant, dans l’ombre des ombres, il orchestra la montée au pouvoir de l’homme qu’il avait sélectionné pour diriger la France et faire chuter les monarchies. Avec rigueur, Charles avait mis en œuvre ses exceptionnelles facultés au service de son dessein. Aveuglé par la passion, par son manque d’humilité, béat d’admiration envers sa propre intelligence, il ne jaugea pas alors la grave erreur qu’il commettait. Napoléon 1er fit preuve d’incroyables idées novatrices quant à l’administration du pays et de construction sociale, mais il affectionnait l’art de la guerre plus que tout. Il confondait l’ambition de la France à la démesure de la sienne et n’éprouvait aucune satiété en matière de conquêtes. L’empereur usait d’un cynisme identique à celui de ses opposants et de ses prédécesseurs, car s’il considérait la mort de milliers d’hommes, il n’y attribuait pas de valeur égale à celle des victoires ou des défaites. Son esprit belliqueux et revanchard n’y voyait qu’un moyen d’appuyer sa propagande.
Charles, convaincu d’agir au nom de l’intérêt des citoyens, contribua aux succès de l’Empire avec une fierté sans retenue. Sa fameuse prise de la ville d’Ulm et d’autres faits, secrets pour la plupart, lui avaient apporté une reconnaissance qu’il arborait telle une décoration épinglée à son plastron. Quand son monarque le promut commissaire général de Vienne, il ne se sentit plus pisser. Bien sûr, les soirs de solitude, il aurait pu accorder son attention aux doutes qui le gagnaient, mais non. Nonobstant cela, il agissait à son habitude et réfutait tout sentiment de culpabilité, si malaisé à endosser. Il n’envisageait pas de s’être trompé en offrant le monde à Napoléon 1er, au tyran conquérant qu’on surnommait l’Ogre et qui dévora des dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants. Néanmoins, quand l’empereur déchu s’éteignit à Sainte-Hélène, il se sentit soulagé. Il en avait terminé avec la politique et la guerre, et personne ne soupçonna jamais le rôle déterminant qu’il avait joué.
Trente ans plus tard, en visite à Strasbourg, Louis-Napoléon Bonaparte lui remit en mains propres une missive écrite par son prestigieux aïeul. Présentée comme un précieux objet trouvé, l’enveloppe saisit Schulmeister d’effroi. Isolé dans son cabinet, de longues heures s’égrenèrent avant qu’il n’ose la décacheter, car le temps de l’introspection avait fait son œuvre. Depuis sa retraite, Monsieur Charles avait révisé toutes ses certitudes et pris la pleine mesure de ses responsabilités. Il préservait secrète son implication réelle dans l’Histoire, il n’en supportait pas la honte. Ce pli envoyé d’outre-tombe lui rappela de manière violente qu’on ne paye jamais assez le malheur que l’on provoque. La lecture de la lettre lui prouva jusqu’à quel point cela était vrai.
Elle lui glaça le sang quand il constata l’irréfutabilité de son authenticité. Mon ami, souvenez-vous du serment que nous avons prêté, Savary, vous et moi, une nuit dans le secret de ma tente près de Pontarlier. Passée son incrédulité, Charles réalisa au travers de ces mots l’existence de l’Au-delà et, loin de le rassurer, cela le choqua au point qu’il s’effondra.
Napoléon 1er, le monstre qu’il avait créé, lui écrivait pour l’enjoindre à venir aux Enfers dans le but d’un projet mystérieux. L’appétence belliqueuse de l’homme ne laissait aucun doute quant à la teneur de cette affaire. Charles comprit que de terribles événements se préparaient dans l’antre du Diable, orchestrés par des forces supérieures et maléfiques. Puisque cette convocation lui présentait l’opportunité de s’y associer, il se donna pour mission de les contrer. Charles Schulmeister sauverait l’humanité quoi qu’il lui en coûte, fût-ce son âme.
L’esprit affûté, paré à utiliser ses meilleurs atouts, il se tenait devant son ennemi et sourit sous ses bandages :
– Si je ne dois pas vous appeler Votre Majesté, comment dois-je m’adresser à vous ? demanda-t-il à Napoléon.
– Pour vous mon ami, mon prénom suffit.
– Eh, bien quel honneur ! déclara Charles l’air gêné. Alors, dites-moi… Napoléon, comment avez-vous réussi à m’envoyer une lettre depuis cet endroit ?
– Il existe des chemins, des ponts, des tunnels, autant d’entrées et de sorties qui relient l’Au-delà au monde des vivants. J’ai chargé le spécialiste en la matière d’être l’émissaire du pli que je vous adressais. Vous apprendrez que les démons s’acquittent toujours de leurs missions, mais qu’ils l’agrémentent d’un acte auquel vous n’avez pas pensé. Celui-ci s’est amusé à utiliser mon neveu comme intermédiaire. Je crois même qu’il a eu une relation sexuelle avec Louis-Napoléon. Il est tellement facétieux, ha, ha, ha !
– Comment s’appelle cet émissaire ? demanda Charles en riant de concert.
– Samael le Séducteur. Quoi qu’il arrive, ne vous y fiez jamais, prévint Bonaparte.
– Je note votre conseil. Puis-je savoir quel est le but de ma venue aux Enfers ?
– La guerre, Monsieur Charles ! La guerre !
La passion alluma le regard de Napoléon d’un feu qui présageait le pire.
– Avant d’aborder le vif du sujet, enchaîna-t-il, je dois d’abord vous faire voir un film.
– Un quoi ?
– Ah, oui c’est vrai, soupira Bonaparte. Va falloir vous mettre à la page pour tout. Avant cela, retirez vos bandages. La boisson que vous avez ingurgitée a dû guérir vos blessures.
Charles s’exécuta, enleva ses pansements et étira ses doigts pour les délasser. Il ne put s’empêcher de tâter son visage pour vérifier qu’aucune séquelle ne le marquait. Il rejoignit ensuite son hôte dans le salon qui jouxtait la chambre à coucher dans laquelle il s’était réveillé. Bonaparte l’invita à s’installer dans un large canapé très confortable qui faisait face à un mur couvert d’un épais rideau rouge.
– C’est comme un cinéma privé, murmura Napoléon.
Charles ne comprit pas ses mots, ni pourquoi il les avait prononcés de manière si discrète. Ne sachant comment réagir, il répondit de la même manière :
– D’accord.
– HOCOLATS ! GLACHES ! HOP-CORN ! ON-ONS ! cria, d’une étonnante voix moribonde, un individu en surgissant d’une porte.
Il s’arrêta devant Charles et, dans une position statique, sembla chercher son équilibre. Un filet de bave coulait de sa mâchoire brinquebalante. Il ressemblait à s’y méprendre au liftier qui accompagna Astarté dans le bureau de Mazarin. Il portait de travers une casquette de baseball, un tablier et un panier qu’il soutenait, aidé par une paire de bretelles en cuir. Il présentait ainsi des victuailles que Charles ne connaissait pas.
– Pop-corn caramel-beurre salé pour mon ami. Large, lui ordonna Napoléon. Un cône vanille-chocolat pour moi, et des cacahuètes. Deux pintes de Pils, mais on les prend plus tard.
Le type tordu tendit à Schulmeister un gobelet en carton débordant de maïs soufflé.
– Goûtez. C’est délicieux, l’engagea Napoléon qui retirait l’emballage de sa glace.
Le long bonhomme disparut au moment où, comme par magie, la lumière baissa d’intensité. Le rideau s’ouvrit comme au théâtre sur une grande toile blanche et une musique assourdissante retentit dans la pièce.
– Chut ! Ça commence, souffla Bonaparte.
Sur fond noir, un texte jaune apparut en bas de l’image, filant dans une fausse perspective, au son du générique de Star Wars.
Épisode I
QUANTUM OF DISGRÂCE
Au Commencement était l’Esprit
et l’Esprit était auprès de Dieu, et l’Esprit était Dieu.
Il était au Commencement auprès de Dieu.
C’est par lui que tout est venu à l’existence, et rien de ce qui s’est fait ne s’est fait sans lui.
En lui était la vie, et la vie était la Lumière des hommes ;
la Lumière brille dans les Ténèbres, et les Ténèbres ne l’ont pas arrêtée.
Un moment de silence passa et une petite étincelle apparut dans l’obscurité pour se transformer en une formidable déflagration de lumière et de couleur.
– C’est le Commencement, commenta Napoléon à voix basse. Au Commencement, il n’y avait rien et que le Rien était le Tout. Sans que l’on sache pour quelle raison, le Rien se scinda en produisant une fantastique explosion qui fut à l’origine de l’Univers.
À l’écran, des milliards de particules fusèrent en toute direction depuis l’épicentre. Charles, les larmes aux yeux, assistait à la formation d’astres, de constellations, de systèmes, de galaxies et de corps célestes dont il n’avait aucune connaissance. Soudain, on entendit deux voix off s’exprimer :
– Que s’est-il passé ?
– Nous ne savons pas.
– Que sommes-nous ?
– Je t’appelle Jahvé, Dieu.
– Je t’appelle Jehohanan, la Grâce de Dieu.
– J’adore ce moment, ajouta Bonaparte. Ça pose tout de suite qui est qui.
À dire vrai, la piètre diction des comédiens rendait hommage à la mauvaise écriture de leur texte.
– Oh ! Que Je n’aime pas ce qu’il vient de se passer. Viens, Jehohanan, ne reformons qu’Un.
– Comment, Jahvé ? Mais, regarde ce qui se présente devant Nos yeux. N’est-ce pas magnifique ? J’aimerais explorer tout cela.
– Je suis passif et dénué d’intérêt envers ce qui ne Me concerne pas. Je préfère rester ici, à l’origine de Tout.
– Je suis animé par la découverte et le partage. Je M’ennuie ici.
– Si Tu T’en vas, Me reviendras-Tu ?
– Oui, Je Te le promets. M’attendras-Tu ?
– Oui, Je le jure.
– Alors, Je pars en voyage.
– C’est un peu lourd, tout de même. Non ? demanda Charles.
– Attendez, vous allez voir. Après, c’est génial.
À l’écran, la caméra naviguait dans l’espace intersidéral. Les images subjuguèrent Charles qui, sans en chercher la raison, dévora son pop-corn de manière mécanique.
– Jahvé, vois-Tu au travers de Mon regard le fabuleux spectacle que M’offrent les étoiles et les planètes ?
– Oui, Mon frère. Je le vois et c’est fabuleux.
Charles soupira et se demanda si Jehohanan ne pourrait pas se taire au lieu de commenter ce que lui-même voyait sur la toile. Les mouvements de la caméra oscillaient en harmonie avec le décor cosmique et en une douceur qui berçait le spectateur.
– Tout cela a été créé en même temps que Nous, cela fait partie de Nous.
– Ce sont Nos particules qui ont façonné cette beauté incommensurable.
– Jahvé, Je ne puis revenir vers Toi. Je souhaite admirer cette splendeur dans son intégralité. Tu es avec Moi et Je suis avec Toi.
– Mais, Jehohanan, si Je suis lié à Toi, cette distance qui Nous sépare Me pèse.
– Alors, Je vais établir la Vie sur mon passage. Mes créatures seront comme les cailloux blancs que le Petit Poucet a laissés derrière lui pour retrouver le chemin de son logis.
– C’est n’importe ! s’exclama Charles. Pourquoi parle-t-il du Petit Poucet ?
– Rooh ! s’agaça Napoléon. Laissez-vous un peu embarquer par l’histoire, voulez-vous ? Les scénaristes ne sont pas n’importe qui, c’est la même équipe que Le Choc des Titans avec Sam Worthington. Ils s’y connaissent un brin plus long en mythologie que vous, je peux vous le dire. Toujours à faire celui qui sait mieux que les autres !
Vexé, Charles se renfrogna et s’enfonça dans le canapé. Par compulsion, il plongea sa main dans le gobelet de pop-corn qu’il dévora en marmonnant que ce n’était pas logique.
– Vois Jahvé, comme je peuple l’univers d’êtres et de végétaux immortels comme Nous. Nous sommes tous en communion parfaite.
– Jehohanan, que se passe-t-il ? Plus tu crées cette vie, plus Je Me sens M’y dissoudre.
– Oui, Nous serons partout au travers elle.
– Je ne veux pas disparaître ! Arrête, s’il Te plaît !
– Non ! À quoi bon exister si c’est pour demeurer Seuls ? Nous ferons partie de cet univers. Je continue.
– Je refuse cette dissolution ! Je T’implore, Jehohanan.
– J’entends Ta prière, mais Je ne M’arrêterai pas de partager les bienfaits que Nous sommes.
– Alors, Je vais Te poursuivre et dévorer Ta création. Ainsi, Nous regagnerons ce que Tu disperses de manière si inconsidérée.
– Non ! Pitié, ne fais pas cela !
– Il est trop tard, Je me suis mis en route. Oh ! Que Je suis en colère !
– On n’avait pas parlé d’une bière avant ? demanda Charles qui n’en pouvait plus du jeu d’acteur médiocre qu’il entendait.
Aussitôt, le serveur à tête de liftier apparut dans la pièce et traîna des pieds jusqu’à Bonaparte et Schulmeister, deux verres de cinquante centilitres de Pils en main. L’un de ses yeux tomba au fond de la pinte qu’il tendit à Charles. Celui-ci n’eut pas le temps de se plaindre que le borgne s’en était déjà retourné d’où il venait. Alors, il haussa les épaules et but une interminable gorgée en regardant la suite du film qui tirait en longueur.
– Jahvé, monde après monde, Tu dévores les âmes que J’ai créées.
– Regarde-les, elles ne résistent pas. Elles viennent à Moi, à Nous, car elles font partie de Nous.
– Il est vrai que Tu n’uses pas de violence. Mais, Je suis triste que cette vie disparaisse.
– Je suis Toi et Je partage Ton chagrin. Remarques-Tu ce phénomène qui touche Ta création, mais ne Nous affecte pas ?
– Oui, Tu n’absorbes pas les âmes quand Je les crée, il se passe quelque chose. Appelons cela le Temps.
– Si le Temps passe, tes créatures ne pourraient-elles être éphémères ? Si Nous les rendions mortelles, elles libéreraient leur âme à la fin de leur existence et elle Nous reviendrait.
– En échange, donnons-leur le pouvoir d’en engendrer elles-mêmes. Elles entreront dans un cycle éternel.
– Oui, faisons cela. Je vais créer la vie sur cette planète que je vais appeler Terre.
Charles fulminait, il n’en pouvait plus :
– Napoléon, ça dure encore longtemps ? C’est insupportable.
– Eh, mon vieux ! Vous n’êtes pas fait pour apprécier le cinéma, rétorqua Bonaparte. Sincèrement, je ne sais pas ce qu’il vous faut, c’est du grand spectacle.
– Les images impressionnent de beauté, répondit Charles, mais on a quand fait le tour au bout d’une dizaine de galaxies. Le pire, ce sont les comédiens. Qu’est-ce qu’ils sont mauvais !
– Hé, ho ! C’est moi qui jouais Jahvé ! coupa Napoléon d’un ton sec.
Il frappa dans les mains, la lumière revint dans le salon et le rideau se ferma sur l’écran. Il grimaçait de dédain en lançant à son compagnon un regard chargé de déception.
– Vous savez, se rattrapa Charles, je suis un pragmatique. Je préfère que l’on m’expose les faits plutôt qu’on les mette en scène. Et si vous me racontiez tout cela avec vos mots ?
Cela ne suffit pas à détendre Bonaparte. Néanmoins, le besoin de passer à autre chose lui imposa de continuer l’histoire et, sans se dérider, il enchaîna :
– C’est simple. Au décès de leur enveloppe charnelle, les âmes ne revenaient pas vers Jahvé et Jehohanan. Elles s’en retournaient vers une nouvelle naissance, car leur matérialité se bornait à la conception de la vie et de la mort. Jahvé perçut leur ignorance de son existence comme un manque de reconnaissance et décida de se manifester afin qu’elles aient foi en lui.
Il déclencha des catastrophes et des malheurs en tout genre, provoquant chez ses créatures la crainte de leur environnement, la superstition et, enfin, le besoin d’adorer le ciel, la terre, les éléments et tout ce qui avait un impact sur leur réalité. Elles développèrent ainsi diverses croyances et différents cultes au travers desquels Jahvé se nourrissait à nouveau des âmes décédées.
Jehohanan, de son côté, aspirait que les espèces vivantes deviennent autonomes, qu’elles profitent des bienfaits de la Terre et qu’elles déterminent leur destinée sans contrepartie. Il dota alors l’Homme de l’esprit, cette conscience de soi qui nous caractérise et qui nous octroie d’user du libre arbitre. De la sorte, il nous accorda de nous détourner de Jahvé, de Dieu. Imaginez sa colère et comment il décida de se détacher de son alter ego.
– Si je saisis correctement ce que vous me dîtes, intervint Charles, ce Jehohanan nous est connu sous l’appellation de Lucifer.
– Exactement ! Lux cifer, le Porteur de Lumière ou Prométhée, peu importe le nom que vous lui donnez.
– Prométhée fut enchaîné à un rocher.
– Que croyez-vous qu’il arriva ? demanda Napoléon. Incapable de s’en prendre à Jehohanan, Jahvé conçut un être suffisamment puissant pour rompre le lien qui l’unissait à son alter ego. Il l’appela Ba’al Zebub et le chargea d’emprisonner Jehohanan, Lucifer, à jamais. Cependant, Ba’al Zebub ne s’arrêta pas là, animé par l’ambition d’égaler Dieu. Convaincu, à raison, que son statut de geôlier de Lucifer lui garantissait une immunité totale, il concurrença son propre créateur. À son tour, il donna naissance à nombre de cultes voués à collecter des âmes en grande quantité. Pour contrer cette rivalité déplaisante, Dieu fit de même et cela eut pour effet une multiplication effrénée de divinités dévolues tantôt au Paradis, tantôt aux Enfers. La distinction entre les deux camps devint difficile pour les esprits qui ne surent plus vers lequel se tourner. Le phénomène atteignit un tel paroxysme qu’il y eut des changements de choix, des erreurs et des transferts en cours de route. Aussi, Dieu et Ba’al Zebub décidèrent d’un statu quo en définissant une frontière précise entre deux concepts que les âmes comprenaient.
– Le Bien et le Mal, intervint Charles.
– Exactement ! Cela sonna le glas du polythéisme et l’avènement d’une association entre les deux puissances, le monothéisme.
– Une association ?
– Oui, répondit Napoléon, une entente commerciale, si vous préférez. Le Judaïsme fut leur premier essai, mais il avait du mal à s’installer à cause d’une conception de peuple élu trop restrictive. Ils eurent alors l’idée d’un culte plus fédérateur et capable de supplanter les religions de l’Antiquité. Dieu proposa d’envoyer un Messie et donna naissance à Jésus.
– Ce que vous me racontez est complètement fou. On a l’impression d’être des pions sur un gigantesque échiquier.
– Moui, il y a de ça. Bref, cela tourna au vinaigre quand Ba’al Zebub incita Ponce Pilate à crucifier Jésus. Vous vous doutez que le Tout-Puissant n’a pas apprécié que son fils soit victime du martyr que l’on connaît. Il attaqua Ba’al Zebub alors qu’il jouait tranquillement sur une plage.
– Sur une plage ? s’étonna Charles.
– Oui, il aime beaucoup réaliser des constructions en sable, pour les compétitions de tir aux billes. Malheureusement, le combat qu’il l’opposa à Dieu créa un tel cataclysme que sa plage préférée fut engloutie et l’Atlantide avec elle. Fou de colère, notre Maître revint aux Enfers et punit sévèrement Jules César.
– Pardon ? Que vient-il fabriquer là-dedans, celui-là ?
– Eh bien, répondit Bonaparte, Jules était alors Grand Stratège des Enfers. Qui d’autre que lui aurait pu avoir l’idée imbécile de se débarrasser de Jésus et, surtout, de le crucifier ? C’est un bon stratège, je le reconnais, mais il est trop ancré dans son époque. Ce couillon a quand même fait étrangler Clacos.
– Qui ?
– Vercingétorix ! J’ai appris qu’en vérité il s’appelait Clacos. [2]Comme un camembert quoi ! ria Napoléon. Peu importe, César marchait à côté de ses pompes avec cette idée de crucifixion, il a commis une erreur grave de conséquences. On sait que ni Dieu ni Ba’al Zebub ne sont sortis indemnes de leur terrible combat. Pour tout vous dire, depuis son retour, notre Maître reste caché dans l’ombre de son trône et nous avons même du mal comprendre ses propos. Il n’en demeure pas moins redoutable.
Bonaparte dévoila alors qu’à la suite de cet incident, qu’on déclara ouverte la guerre entre les Enfers et le Paradis. Pour remplacer César, le Seigneur des Enfers organisa un concours entre les plus grands stratèges humains et démoniaques. Napoléon fut libéré du Neuvième Cercle et rejoignit une longue liste de participants à une compétition de stratégie appliquée. Celle-ci eut lieu dans un très vaste amphithéâtre, sous les yeux d’un public infernal galvanisé par une sorte de Monsieur Loyal décharné, sadique et enjoué de l’être. Il avait le talent de haranguer la foule et de mettre une incroyable ambiance. Si cela se présentait comme un divertissement, les concurrents savaient qu’ils jouaient leur sort éternel. Leur motivation était aussi immense que la tâche était gigantesque, car les épreuves les plongeaient au cœur des grands conflits de l’ère humaine. Ils devaient diriger chaque bataille jusqu’à la victoire finale.
Humains et démons tombaient les uns après les autres, défaite après défaite. Bien sûr, Napoléon faisait partie des meilleurs. Il évoqua avec moquerie deux voisins forts en gueule nommés Josef et Adolf qui débordaient d’une prétention extrême et ne valaient guère mieux que la médiocrité qu’ils dissimulaient.
– J’ai du mal à comprendre comment ces deux minables ont pu provoquer autant de morts durant leur vie, commenta Napoléon.
Xerxès tomba pendant la Guerre de Sécession américaine. Erwin Rommel, Attila le Hun et Takeda Shingen perdirent les Guerres Médiques. Ramsès II, Heinz Guderian, Mikhail Toukhatchevski et Gengis Khan s’embourbèrent dans la Guerre du Vietnam. Hannibal Barca et Guillaume le Conquérant furent vaincus lors de la Conquête du Pérou. Jugurtha, Timur Lang, Charlemagne, Robert Edward Lee et Gueorgui Joukov se disqualifièrent à la Guerre du Péloponnèse. Scipion l’Africain, Hernan Cortes, Horatio Nelson, Bertrand du Guesclin et Douglas Mac Arthur s’humilièrent à la Guerre des boutons. La phase finale de la compétition opposa Bonaparte à Alexandre le Grand. Si jusqu’ici aucune des guerres proposées n’avait été la sienne, le Petit Caporal eut la surprise de rejouer ses propres batailles. Les deux concurrents gagnant avec talent chacune d’entre elles, leur sort faillit basculer lors de la Campagne de Russie. Napoléon ne cacha pas sa fierté d’avoir fait un pied de nez à l’Histoire. Bonaparte écrasa son adversaire à Waterloo, prouva qu’il dominait le sommet de son art d’une suprématie incontestable.
Ainsi devint-il Haut Stratège des Enfers Réunis et Baron-Lige des Mouches, et en ces qualités, il travaillait désormais aux noirs desseins de Ba’al Zebub. Il assumait ce rôle sans aucun cas de conscience, car il jouait l’avenir de son Éternité.
– Et c’est là que vous intervenez, mon ami, conclut avec joie Napoléon.
[1] Louis-Napoléon rendit visite à Charles Louis Schulmeister en 1851.
[2] Vercingétorix pourrait ne pas avoir été un nom mais un titre.