Petit à petit, je sentais mon corps reprendre vie.
Ma peau me prodiguait une agréable sensation de douceur, comme si elle n’avait jamais subi la morsure du froid. Mes muscles étaient parfaitement détendus, sans aucune trace de courbature malgré le stress intense qu’ils avaient supporté. Même mes articulations semblaient être en parfaite condition, comme si une douleur que j’ignorais s’en était finalement allée. C’était comme si tout cela n’avait été qu’un rêve. Mais le souvenir était trop vif, trop présent, et tandis que je me réveillais en ouvrant doucement les yeux, je n’eus pas cette prise de conscience, celle que l’on a d’habitude en s’éveillant d’un cauchemar.
Je clignais des yeux en tournant la tête, réalisant que j’étais allongée dans un lit, sentant des draps doux et propres contre ma peau, observant par une fenêtre proche le ciel et les nuages teintés des couleurs du crépuscule. J’étais donc restée inconsciente au moins deux bonnes heures.
Je me redressais alors et promenais mon regard autour de moi, je me trouvais dans une infirmerie, vu le décor. Une odeur de désinfectant planait dans l’air, les murs blancs étaient ornés d’étagères comportant divers ustensiles médicaux, médicaments et autres encyclopédies volumineuses.
Cependant, le reste de la pièce m’était cachée par un grand paravent blanc ondulé, de ceux que l’on place à côté du lit des malades pour leur offrir un peu d’intimité. Cependant, la lumière blanche du néon qui éclairait la pièce, bien plus forte que la lumière du jour, découpait une silhouette à travers l’épais tissu blanc. Celle d’une personne assise derrière un bureau.
— Excusez-moi, hasardais-je. Je viens de me réveiller et…
Je ne terminais pas ma phrase. À vrai dire, je ne savais même pas comment la finir. Mon esprit semblait clair, mais trop ralenti ou trop apaisé pour réfléchir aussi activement que d’habitude, comme si je me laissais porter par le courant particulièrement calme d’une rivière.
La silhouette bougea alors, se tenant debout désormais. Je n’aurais pas su dire si elle était féminine ou masculine. Peut-être était-ce dû aux proportions faussées par le jeu des ombres, mais sa carrure me semblait surnaturelle, ses formes presque dérangeantes tant elles étaient symétriques et harmonieuses.
— Ah, enfin réveillée, Lili, déclara une voix à l’accent étrange, tandis que la silhouette se redressait. J’ai soigné toutes tes blessures, comme tu peux le voir.
Par réflexe, je repoussais les draps pour examiner mon corps, avant de sentir le rouge me monter aux joues.
— V-vous aviez vraiment besoin de me déshabiller ?
— Oui, répondit simplement la silhouette en se dirigeant de mon côté du paravent.
Je ramenais alors la couverture sur moi, soucieuse de ma pudeur ; mais lorsque je vis mon « infirmière » s’approcher de moi, je la relâchais immédiatement sous le choc.
Laisser ma poitrine dénudée était le dernier de mes soucis : devant moi se tenait une créature profondément androgyne, aux cheveux noir de jais, coupés en carré plongeant, aux yeux d’un rouge perçant et à la peau uniformément blanche, comme si elle était faite du marbre le plus pur. Ses membres, sa silhouette, son regard, les formes de son visage, tout semblait à la fois proche et extraordinairement éloigné d’un aspect humain.
— Qui êtes-vous ?
— Appelle-moi Shôgi, répondit simplement la créature.
— La manière dont vous le dites… ça ressemble moins à un nom qu’à un titre, fis-je remarquer.
— C’est le cas, répondit-elle du tac au tac.
Je ne savais pas expliquer pourquoi, mais il se dégageait de cette personne une sorte d’aura d’intelligence quasi surnaturelle. Sa manière de se tenir, le ton de sa voix et l’expression de son visage me laissaient également penser qu’elle était plus que convaincue de son immense supériorité. Naturellement, face à une telle chose, je restais sur la défensive.
— Et je peux savoir ce que vous me voulez ? Je ne pense pas que vous soyez vraiment docteur, déclarais-je.
— Si, pour la journée, corrigea-t-elle en désignant ses vêtements d’infirmière, bien trop clichés pour exister dans une vraie clinique. Comme tu peux le constater !
Je plissais les yeux, son attitude ne me plaisait pas, et pour cause, il se rapprochait de celui que j’avais pu moi-même avoir envers des personnes plus faibles, plus jeunes où même, je devais l’avouer, d’un statut social inférieur.
Cependant, je devais bien admettre que mes engelures avaient disparu, tout comme le sang qui en avait coulé, je n’avais plus aucune douleur nulle part. Il me semblait même que mes courbatures avaient disparu comme par magie.
— J’ai aussi fait disparaître tes vergetures, expliqua Shôgi sans sourciller. Tu as été une enfant obèse, c’est pour ça que tu es devenue végétarienne à la base, annonça-t-elle.
Je me crispais instantanément et la fusillais du regard, malgré le fait que je la trouvais déstabilisante, je ne me gênais pas pour lui faire comprendre que son affront était inacceptable.
J’étais prête à bondir hors de mon lit pour la gifler. Peu importait ma nudité, puisque nous étions visiblement entre femmes. Cependant, je tentais de contrer son insulte en la rationalisant, ce que je faisais de mieux.
— Il est vrai, mais si mon intention de départ n’était pas très élégante, j’ai fini par devenir sensible à la cause animale, expliquais-je en essayant de ne pas trop serrer les dents.
— Oui, je sais, répondit simplement l’étrange infirmière, sans sourciller, comme si la conversation n’était même pas intéressante pour elle. Bref, maintenant que nous avons parlé de futilités pour faire connaissance, vu que c’est comme ça que font les humains, j’aimerais que tu utilises ton cerveau pour essayer de comprendre la situation, ajouta-t-elle d’un ton plat, tapotant sa tempe comme pour m’inviter à réfléchir.
De toute évidence, et vu ce qu’elle venait de dire, elle n’était pas humaine. Mais cela, je m’en serais douté. Quelque chose attira alors mon regard, une sorte de gemme taillée sur son front, comme une pyramide miniature. La symétrie de l’objet soulignait d’ailleurs assez bien sa coupe de cheveux, tout comme ses oreilles, aussi pointues que celles d’un elfe.
Je fronçais un instant les sourcils avant de m’exprimer, ayant fait le tri des informations :
— Vu que vous n’êtes pas humaine, et vu ce qui se trame sur ce campus, je pense que vous avez quelque chose à voir avec le fameux « artefact inconnu » enterré ici, commençais-je en tirant de nouveau les draps contre ma poitrine. Mais si vous faisiez partie de cette expérience, vous ne seriez pas déguisée en infirmière, donc j’en déduis que vous n’êtes pas censé être ici, ce qui veut dire… soufflais-je avant d’écarquiller les yeux. Vous convoitez « l’artefact inconnu » ! concluais-je avec stupeur.
Un bref silence se fit, pendant lequel l’étrange infirmière sembla jauger la qualité de mon raisonnement, puis elle hocha la tête avec un sourire que je jugeais un peu hautain :
— Pas mal, pour une jeune humaine ! déclara-t-elle finalement, avant de venir s’asseoir sur le bord du lit.
Elle n’hésitait pas une seule seconde à se rapprocher de moi physiquement, penchant la tête pour m’observer d’assez près pour que ça devienne gênant. Elle ne craignait rien de moi, elle n’estimait même pas avoir besoin de faire preuve de courtoisie, je pouvais le lire dans son regard.
— Ce que tu vas faire Lili, c’est récupérer le proto-implant pour moi ! déclara-t-elle en souriant.
Par réflexe, je me reculais un peu, ce qui eut pour effet de faire glisser le drap entre mes doigts, me découvrant de nouveau le haut du corps. Mais je n’étais plus à ça près.
— Pourquoi ferais-je une chose pareille ? Et votre seule existence soulève trop de questions pour que je vous fasse confiance ! Je pourrais tout aussi bien être en pleine hallucination de mort imminente ! me défendis-je en essayant de durcir mon regard.
Ses yeux étaient impénétrables, pire encore, ils semblaient me transpercer comme si je n’étais rien, comme si elle lisait en moi. Ce genre de regard, je l’avais déjà vu chez mon père. Mais chez cette parfaite inconnue, il était bien plus glaçant, plus puissant. Alors en réalité, je ne doutais pas une seule seconde de sa nature.
— Shôgi, commença-t-elle en reculant enfin son visage, est le titre donné à la personne la plus intelligente de ma planète ! déclara-t-elle avec fierté. Et pour te le prouver, je vais répondre à toutes tes questions, dans l’ordre, et sans que tu aies besoin de les poser… proposa-t-elle d’un ton presque joueur, me regardant en se tenant de profil.
Peu importait l’improbabilité de ce qui était en train de se passer ici, je devais simplement rester sur mes gardes, ne pas flancher, garder l’esprit alerte. Une partie de moi redoutait cette extraterrestre sortie de nulle part, mais une autre partie, la plus « Lindermark », commençait à envisager les avantages que je pourrais avoir en me faisant d’elle une alliée.
— Très bien, je vous écoute, répondis-je sur un ton de défi.
Elle ne perdit pas de temps et leva un index, avant de commencer à parler :
— Je viens d’une planète se trouvant dans un univers voisin du votre, il est impossible de voyager à la vitesse de la lumière, j’ai utilisé la désintégration du vide quantique pour arriver ici, « l’artefact inconnu » enterré ici est un implant comparable à celui que tu vois dépasser de mon front, mais sous une autre forme, nous en avons placé plusieurs sur Terre dans l’espoir que les humains les trouveraient le moment venu, mais votre système « capitaliste » a fait que seule une élite cupide est désormais en mesure de les trouver et de les exploiter, récita-t-elle d’un trait, sans même se tromper sur l’ordre des questions qui m’étaient passées par l’esprit. Je viens donc les confisquer, reprit-elle en fronçant les sourcils. Mais je n’ai pas le droit de les détruire ou d’intervenir directement, alors je viens choisir ceux qui méritent de les obtenir. Et tu en fais partie, car tu es ce que les humains appellent une « Lili ».
J’encaissais tant bien que mal la rafale d’informations qu’elle venait de débiter. Et à peine eus-je le temps de me souvenir des théories sur les bosons de Higgs et le vrai vide, qu’un détail pourtant dérisoire me coupa complètement toute réflexion sérieuse.
— Pardon, je suis une « quoi » ? demandais-je intriguée.
— Une « Lili », répéta l’extraterrestre avec à peine moins de conviction. On m’a dit que c’était comme ça qu’on appelait les personnes les plus brillantes sur Terre ! déclara-t-elle, soudainement un brin déstabilisée.
Je restais coite un instant, fascinée par la transition fulgurante de Shôgi de « femme omnisciente et mystérieuse » à « jeune fille crédule ».
— Heu, cette personne vous a fait une blague… soufflais-je alors, presque désolée.
— Qu — quoi ? s’étrangla mon étrange infirmière, ses oreilles suivant étrangement ses émotions en retombant légèrement. Enfin, peu importe, conclut-elle en toussotant au creux de sa main. Tu es la fille de celui qui possède en partie ces lieux, et tu es en phase de rébellion contre lui, c’est donc pour moi le moyen idéal de –
— Ce n’est pas une phase ! la coupais-je avec un emportement qui me ressemblait bien. Mon père est toxique pour moi ! Ma décision était réfléchie ! protestais-je en tapant du poing sur le lit.
— Oui, oui, d’accord, soupira Shôgi. Mais bref, voilà le contrat : je te donne les moyens de gagner contre ton père, et en récompense tu gagnes le proto-implant, proposa-t-elle, assez laconique. Ça te va comme ça ? Tu es gagnante sur tous les tableaux.
— Heu… pas vraiment en fait, répondis-je avec une grimace. Je ne suis pas intéressée par cette chose, exprimais-je en observant avec précaution l’objet saillant du front de Shôgi. En plus, ce truc à l’air d’être enfoncé dans votre cerveau.
— Le mien est très différent, balaya-t-elle en agitant la main. Si tu absorbes le proto-implant, tu deviendras l’humaine la plus évoluée de cette planète ! C’est une énorme récompense ! Argumenta-t-elle en écarquillant les yeux, presque choquée que je n’y voie pas d’attrait. C’est bien de ça que rêvent les humains, non ? De dominer leurs semblables !
— Ce sont les rêves de personnes comme mon père ! Moi, je rêve seulement de paix, de musique, et d’être entourée de ceux qui me sont chers, résumais-je grossièrement. C’est peut-être stupide, mais c’est tout ce que je veux !
— Pour réaliser cela, il te faut du pouvoir, expliqua Shôgi en retrouvant son regard perçant. Les humains sont des menteurs par nature. Ils essaient de se convaincre qu’ils contrôlent leur vie, que le bonheur est naturellement pour ceux qui savent le saisir et que le malheur ne touche que les pessimistes. Si je devais expliquer cette mentalité à Jonathan, je lui dirais que ça revient à traiter tous ses jouets comme s’ils étaient aussi solides que le plus solide d’entre eux, fit-elle avec un profond dédain pour la globalité de l’espèce humaine.
Je clignais des yeux un instant avant de secouer la tête.
— Attendez, qui est Jonathan ?
— Mon fils, répondit-elle.
— Vous… vous avez un fils ?
— Oui.
— Mais… vous êtes une extraterrestre.
— Oui.
— Et vous avez fait un fils avec un être humain ?
— Non.
— J’ai… j’ai du mal à suivre !
— C’est simple, je suis en couple avec une personne qui avait déjà un enfant, résuma Shôgi.
— Ah… merci ! soufflais-je finalement, avant de marquer une pause. Hey ! Mais ça n’a rien à voir avec notre discussion ! m’exclamais-je soudainement.
— Je sais, je sais, soupira mon étrange infirmière. Mais voilà les faits : pour réaliser tes rêves, tu auras besoin de pouvoir, et je compte t’en donner.
— Je suis l’unique héritière d’un empire financier, rétorquais-je platement. Je n’ai pas besoin de votre « pouvoir ».
— Sauf si tu comptes lutter contre celui dont tu es sensée hériter, fit remarquer Shôgi.
— Je ne…
— Tu veux être indépendante, lui prouver de quoi tu es capable, et depuis que tu as pris connaissance des Emprises, tu rêves d’en avoir une toi aussi, expliqua l’extraterrestre avec un sourire en coin.
Je restais muette, baissant les yeux vers mes mains, posées sur mes cuisses à travers les draps blancs du lit de l’infirmerie. Elle avait raison, elle lisait réellement en moi comme dans un livre.
— Je vais commencer par te donner une capacité supérieure aux Emprises en t’harmonisant avec le proto-implant, commença-t-elle comme si j’avais déjà accepté. Tu es une « Lili », répéta-t-elle avec aplomb. Et bientôt, ce nom sera reconnu comme un titre donné aux personnes les plus remarquables. Sauf si tu laisses ton père faire ce qu’il veut, qu’il utilise le proto-implant pour ses profits au détriment des autres. Tu as le choix, Lili, soit tu acceptes et tu gagnes le pouvoir que tu convoites… soit, tu refuses, et c’est ton père qui obtient le pouvoir, souffla-t-elle.
Ses mots et sa voix me transperçaient de toute part, comme autant de flèches brûlantes. Elle savait tout de moi, jusqu’à mes désirs les plus cachés. Cependant, je n’excluais pas l’idée qu’elle se soit renseignée sur moi par des biais quelconques avant de me rencontrer. Je n’arrivais pas à croire qu’elle puisse lire tout cela rien qu’en me rencontrant. Obtenir le pouvoir de m’imposer, obtenir la puissance nécessaire à ma liberté… C’était trop beau.
— Que faut-il que je fasse ? demandais-je dans un souffle.
— Empare-toi du proto-implant, résuma Shôgi. Je n’ai pas le droit d’agir directement sur Terre en théorie, et même si je ne suis pas à une infraction près au code déontologique de la communauté scientifique de ma planète, je ne peux pas faire comme bon me semble. J’ai donc besoin de toi, expliqua-t-elle avant de marquer une pause. Je vais graver un routeur dans ta peau que tu pourras activer pour dépasser tes limites et te connecter au proto-implant, afin d’utiliser la capacité que tu auras développée. Même moi je ne peux pas la prédire, car elle correspond aux couches les plus profondes de ton subconscient.
— C’est bon, j’ai compris, répondis-je en serrant les poings. Allez-y ! déclarais-je en relevant la tête, prenant un air déterminé. Mais je vous préviens, si vous me jouez un tour, aucune quantité d’intelligence ou de technologie ne vous mettra à l’abri de mes représailles !
Elle cligna des yeux, gardant son sérieux et son calme, hochant simplement la tête.
— En quelle clef se joue ton étrange instrument ? demanda-t-elle alors, me prenant une fois de plus au dépourvu.
— Heu, je, un violoncelle peut se jouer en de nombreuses clefs.
— Tes amis te comparent souvent à un chat, tu en penses quoi ?
— Hey, vous êtes quoi ? Un test de personnalité Facebook ?
— Du coup, on va partir sur une clef de sol, déclara simplement Shôgi.
C’est alors qu’elle leva le doigt à la vitesse de l’éclair. Puis, avec la précision et la vélocité d’une imprimante laser, fit bouger son index contre ma poitrine dénudée, visant très exactement l’emplacement de mon cœur. J’avais une légère sensation de picotement, mais pas vraiment de douleur, plutôt comme une sorte de gêne. Comme si des millions de grains microscopiques s’infiltraient à travers les pores de ma peau.
— Terminé ! J’en suis fière, déclara alors Shôgi en frottant son index contre sa blouse.
Je baissais alors le regard sur l’endroit qu’elle avait visé et écarquillais les yeux. Quand elle me disait qu’elle allait « graver un routeur », je ne pensais pas qu’elle parlait de quelque chose de visible sur ma peau. La chose avait l’aspect d’un tatouage lambda, mais effectué par le professionnel le plus aguerri qui soit. Il s’agissait d’une clef de sol dont la queue avait été allongée au-delà de la normale, et dont la boucle présentait deux petites oreilles. Une clef de sol figurant un chat, l’idée et l’exécution étaient assez brillantes.
— Maintenant Lili, tu vas te rendormir, je vais te plonger dans un sommeil si réparateur que ton cerveau aura déjà accepté les incroyables événements de –, oh, attend une minute ! s’interrompit-elle en fouillant dans les poches de sa blouse.
— Vous gâchez un peu votre effet, là, fis-je remarquer, avec un sourire en coin.
— J’ai juste oublié de t’ajouter sur Discord ! C’est quoi ton identifiant ? demanda-t-elle en sortant un smartphone de sa poche.
— Heu, c’est EmilyEEL#7571 renseignais-je en haussant un sourcil.
— OK, je t’ai envoyé la demande.
Je tendis alors le bras pour attraper mon propre smartphone, posé sur la table de nuit et ouvris mon application Discord afin d’accepter la demande d’ami de Shôgi. J’affichais alors une expression assez exaspérée :
— Vous êtes seins nus sur votre photo de profil…
— Hé bien quoi ? On m’a dit que sur Terre, il était normal de montrer sa poitrine dénudée aux personnes avec lesquelles on forge une all... souffla-t-elle avant que sa voix ne s’éteigne en fin de phrase. Cette personne m’a fait une blague, c’est ça ?
— Totalement, répliquais-je en tirant le drap pour couvrir ma propre poitrine.
— Haha, ça n’est pas grave ! Ce genre de plaisanterie est une preuve d’amour chez les humains ! déclara-t-elle comme si elle cherchait à s’en convaincre.
— Vous n’avez peut-être pas tort, soupirais-je en fermant les yeux.
Une sonnerie émanant du téléphone de Shôgi nous interrompit alors. Elle porta l’écran à ses yeux et haussa les sourcils.
— Ça va être l’heure de nourrir Jonathan ! Je vais devoir y aller ! se pressa-t-elle en se levant du lit, luttant pour ranger son téléphone dans ses poches trop étroites.
— Heu, je vous recontacte plus tard ?
— Si tu veux, mais je suis très occupée ! répondit l’extraterrestre, qui ne me regardait même plus. Ah oui c’est vrai, le profond sommeil et tout ça, se rappela-t-elle en se tournant dans ma direction.
— Vous savez, vous n’avez pas besoin de vous donner de grands airs avec cette histoire de somm…
La dernière chose dont je me souvins fut d’avoir entendu un claquement de doigts.