Il me paraît perdu dans les méandres lourds de son passé difficile. Remonte un éclat de nostalgie attendrie, de douleur, de dégoût. Ses yeux caressent ce souvenir, le cajolent comme une petite boule de poils. Puis crient. Lourdement.
J’ai dû sortir mon cahier, le transposer, lui, en mots, en encre sur la page. Il devient lourd, ce silence. Il se balade en lui-même, arpente furtivement les sentiers escarpés de son royaume intérieur dévasté. Et il me laisse tout seul dehors, derrière, à essayer de deviner où il passe.
L’écharpe est soyeuse autour de mon cou, douce, presque encore chaude. Pas forcément confortable, pourtant. Un peu lourde, peut-être.
Je le revois, cet homme, avant qu’il ne parte. Avant que je joue quelques fébriles notes d’harmonica. Avant mes larmes.
Je le revois, grave, me dire :
"Bientôt ne restera de moi que le souvenir fugace d’une écharpe claquant au vent."
Elle claquait moins, pourtant, depuis qu’il l’avait nouée au vieux chêne. Le vent s’était comme épuisé d’un seul coup, essoufflé, plié en deux. Il ne vient plus, rieur, jouer à décoiffer mes cheveux, secouer un bon coup ma girouette, me réveiller.
— Qu’est-ce que tu racontes, là-dedans ?
Je sursaute, comme s’il m’accusait. Il faut que je lui fasse voir.
Je lui tends le cahier. Je parle de lui, dedans, un peu. Il ne le prendra pas mal, j’espère.
Je parle de l’Écharpé, aussi. Il l’aura, comme ça, son explication. C’est plus simple, à l’écrit.
Je parle de moi, aussi. Surtout.
Et c’est peut-être ce qui me fait le plus peur…
Je suis enfin de retour ah ah ! Je ne sais pas si c'est parce que je ne m'étais pas replongée dedans depuis un moment, mais j'ai l'impression que ce chapitre redouble de poésie ! C'est peut-être aussi lié au fait qu'il n'y a quasi aucun dialogue, du coup on a vraiment l'impression de lire une poésie sans interruption.
Je passe au chapitre suivant ;-)