Environ cinq ans auparavant, durant la réunion du Roi Panamone et de son Conseil.
— Les grands propriétaires s’inquiètent, les Sombres à leur service semblent de plus en plus insatisfaits, maugréa le Roi.
Comme à l’accoutumée, le Conseil s’était réuni dans une grande salle du palais. Les serviteurs leur avaient apporté de quoi se désaltérer puis avaient été congédiés, laissant les huit Hypnotiques présents délibérer dans la confidence. Il s’agissait là des Elfes les plus influents de Linone, prenant les décisions capitales pour maintenir la paix du royaume. Qu’une querelle interne dégénère préoccupait énormément le Roi Panamone. Il ne laisserait pas une telle catastrophe se produire, surtout si cela prenait naissance au pied de son palais, dans les faubourgs de Réonde. La paix était d’une importance capitale pour lui. D’autant plus qu’il avait une précieuse fille à préserver de ces malheurs. Si seulement sa Reine était encore là pour le soutenir… Non, elle aurait été morte d’inquiétudes, Panamone ne devait pas la regretter et aller de l’avant. Le Conseiller Virk, un cousin éloigné qui régnait sur Geld, tenta de le rasséréner :
— Les Sombres craignent bien trop notre Hypnose et notre garde pour recourir à la violence ou même à la grève, Grand Roi.
— Il ne faut pas sous-estimer un Elfe au bord du désespoir, soupira Panamone. Ne pourrions-nous pas satisfaire une partie de leurs envies, sans que cela nuise au bon fonctionnement du royaume ?
— Leurs demandes sont vagues, il semblerait que ces Sombres ne sachent pas s’organiser correctement.
Les Conseillers réfléchirent silencieusement. Seul Toron, Dominor et représentant d’Esli, sembla désintéressé du sujet. Pourtant, ses idées étaient toujours efficaces, mais il était peu soucieux de ce qui n’avait pas trait à l’Indigo, à l’armée ou à la Princesse. Panamone l’aurait bien sermonné au nom de la stabilité du royaume, mais bien qu’il soit Roi, il savait Toron au moins aussi puissant et influent que lui. Il était hors de question de le froisser. Fort heureusement, l’idée que les troupes d’Esli doivent intervenir si la révolte éclatait dans les faubourgs dut effleurer l’esprit du Dominor, car il déclara d’un ton désinvolte :
— Donnez-leur une friandise.
— Que voulez-vous dire ? demanda Virk.
— Des fois, ça chauffe aussi dans nos troupes. Mais c’est simple : nous leur offrons de temps en temps un petit privilège. Certes, cela nous coute un peu. En revanche, à l’idée de perdre cette petite douceur, nos Elfes ne prennent aucun risque et marchent droit sans faire d’histoires. Que pourraient vouloir vos Sombres ? Qu’est-ce que vous pourriez leur offrir qui leur donne l’impression de vous être redevables ? Comment éveiller la peur que leur situation empire en cas de querelle ? Réfléchissez !
Et le Roi et ses Conseillers réfléchirent, relisant le témoignage des propriétaires terriens dans l’espoir de trouver une idée.
— Il est surtout question de temps libre, mais comment leur en offrir sans ralentir notre production ni fâcher les propriétaires ? se plaignit le Roi.
Un long silence lui répondit puis Vitios, un noble connu pour ses idées complexes, pouffa. Le Conseil se tourna vers lui, comprenant qu’une pensée saugrenue lui avait traversé l’esprit.
— Je crois que j’ai trouvé comment dompter nos Sombres, ricana-t-il. Mieux encore, nous pourrions déplacer leur ressentiment contre eux-mêmes.
— Comment ? s’étonna le Roi.
Une lueur d’espoir s’éveilla aux paroles de son Conseiller : la sécurité de son royaume n’était pas perdue.
— Imaginons une petite brigade qui viendrait chaque mois évaluer le travail effectué dans les faubourgs. Elle jugerait les efforts et l’efficacité des Sombres y travaillant puis rendrait un rapport. D’après leurs observations, nous pourrions déclarer quel faubourg a mérité une pause de quelques jours.
Une fois de plus, les Conseillers furent stupéfaits par la vivacité d’esprit de Vitios et prirent un instant pour envisager tous les bénéfices de cette idée. Non seulement les Sombres des faubourgs auraient l’impression d’avoir gagné quelque chose, mais redoubleraient également d’efforts pour en faire profiter leur quartier. De plus, la rivalité qui naitrait de cette compétition détournerait une partie des tensions sur les faubourgs voisins qui auraient réussi à gagner plus de congés.
— Bien évidemment, je propose que les vainqueurs soient choisis par un Hypnotique en qui nous avons confiance, ajouta Vitios.
— Et la brigade censée les juger ? s’étonna l’un des Conseillers.
— Elle s’assurerait que personne ne tire au flanc et servirait à faire croire qu’il n’y a pas de tricherie, mais nous devons avant tout penser au bon fonctionnement de Réonde. Imaginez que le faubourg d’Armekin sorte toujours vainqueur et prenne sans arrêt congé : nos estomacs et nos banquets finiraient par en pâtir ! De plus, les faubourgs qui n’auraient jamais ce temps de repos pourraient bien continuer à se montrer belliqueux envers nous et n’auraient plus peur de perdre leur privilège.
— En effet, il y a de nombreux aspects à peaufiner avant de mettre votre plan à exécution, commenta Toron en regardant par la fenêtre.
Il signifiait ainsi clairement qu’il avait assez contribué au sujet et qu’il allait réfléchir à ses propres problématiques le temps que ses semblables concrétisent leur idée.
Je pense qu'il y a une erreur ici : "Leurs demandes sont vagues, il semblerait que ces Sombres ne savent pas s’organiser correctement." -> ne sachent pas
A très vite