A la fin des cours les élèves quittaient rapidement l'école. Les couloirs se vidaient laissant Oren guider Nour jusqu'à l'infirmerie. Ils traversèrent le grand hall, et alors qu'ils s'apprêtaient à monter l'étroit escalier qui y menait, ils croisèrent Azénor qui descendait. Une seule petite lucarne éclairait le passage, un léger filet d'or illuminait la moitié haute de son visage, faisant ressortir la bande noire qui ceinturait son œil gauche.
– Nous allons à l'infirmerie, annonça Oren.
– Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda-t-elle.
– Elijah a encore frappé, littéralement.
Puis, sans que Nour ne le voit, il désigna le poignet de son amie à l'apprentie damona.
– Je vais m'occuper d'elle Oren, tu peux rentrer je la raccompagnerais. Sortons un moment sur la terrasse, l'invita Azénor quand Oren les quitta.
L'air frais fit du bien à Nour, l'air iodé était toujours revigorant. Azénor s'assit à même le sol au bord de la terrasse et laissa ses jambes pendre dans le vide. Elle posa sa besace à côté d'elle et observa la mer, le temps que Nour visiblement hésitante ne l'imite.
– On dirait que l'entraînement à été rude. Relâche ton bras, et montre-moi ce poignet, ordonna-t-elle. On dit que l'on mesure sa valeur à la qualité de ses adversaires, continua-t-elle en prenant délicatement la main offerte. Tu en sortiras plus forte tu verras, et je serais toujours là pour soulager tes blessures, fit-elle avec un léger sourire.
Azénor passa alors sa main à plat au-dessus de celle de Nour, des doigts au coude. Elle recommença plusieurs fois, jusqu'à que la douleur s'envole, et le gonflement s'estompe.
– Cette méthode est bien plus rapide que le baume d'arnica.
– C'est incroyable, fit Nour en remuant son poignet dans tous les sens. T'es vraiment douée.
– Oui c'est vrai, s'amusa la damona. Les êtres humains sont composés d'énergie, l'esprit a des capacités phénoménales. On ne sait même pas jusqu'à quel point.
– J'aimerais tellement pouvoir déplacer les choses et communiquer avec les animaux.
– Penses-tu au fond de toi que tu en es capable ?
– Non, fit Nour après réflexion.
Azénor la regarda longuement sans rien dire.
– Si je n'y crois pas, je n'y arriverais jamais c'est ça ?
– La force de persuasion est la plus importante, la plus fascinante, elle peut te faire déplacer des dragons, littéralement. Même si ce serait ridicule.
– De toute façon ça n'a pas d'importance puisque je n'ai pas le droit d'apprendre.
– C'est vrai pour le moment mais il arrivera un jour où le peuple sera de nouveau libre. Et puis, rien ne t'empêchera d'essayer quand tu seras de retour chez toi, les dons sont déjà en toi. Ton père doit beaucoup de manquer, tu n'as pas encore parlé de ta mère, c'est parce qu'elle n'est plus là ?
– Elle est partie il y a deux ans, de maladie, répondit Nour en baissant les yeux.
– J'imagine à peine à quel point ça doit être difficile pour toi.
– Oren dit que tu es en contact avec l'au-delà ?
– L'âme d'une personne ne meurt jamais. Après la mort physique, celle-ci s'envole vers d'autres possibilités. Elle peut rejoindre immédiatement un autre corps et démarrer une nouvelle vie, ou elle choisit d'attendre, elle observe le monde, ses proches et les acceuille quand ils meurent à leur tour. Ainsi, il est probable que tu revoies ta mère un jour dans cette vie. Elle aura un nouveau corps, une nouvelle identité mais tu le sauras dans ton cœur, on reconnaît toujours ses âmes sœurs.
– Tu veux dire qu'on ne meure jamais ?
– La mort est juste la fin d'un voyage.
En songeant la possibilité d'un jour revoir sa mère, même si celle-ci ne serait plus sa maman, Nour fut submergée par l'émotion. La fatigue et l'énervement contre Elijah firent le reste et elle éclata en sanglots. Gênée, elle tenta de ravaler ses larmes, qui tombaient sur son pantalon. Elle essuya ses yeux, pensa à son père en respirant profondément.
– C'est ma mère qui me faisait mes tresses tous les dimanches soirs. On se racontait des secrets, c'était chouette, fit-elle après un moment.
– Je comprend. Je te proposerais bien de refaire ta coiffure, mais j'ignore comment faire ce genre de tresses. Je vais être honnête, regarde mes cheveux, je ne sais faire aucune sorte de tresses, avoua-t-elle, faisant sourire Nour.
– Désolée d'avoir pleuré.
– Tu ne le sais sans doute pas mais la lune agit sur les êtres comme sur le monde. La marée monte et descend, c'est l'équilibre. L'esprit se met en colère mais se calme assez rapidement en fin de compte. Enfin ça fait effet sur la plupart des gens. L'Ancienne répète sans cesse qu'il faut faire sortir ses émotions, sinon cela peut nous rendre malade.
– Ma mère disait la même chose.
– Elle devait être très sage ta maman.
– Ton grand-père n'est peut-être pas si méchant que tu le penses Azénor, il s'inquiète beaucoup pour toi, il a peur que La Tamlin s'en prenne à toi.
– Ma mère dit qu'il a toujours été dur et aigri. Même quand il était autorisé à utiliser ses dons, il ne le faisait jamais et se fâchait quand elle déplacer les choses. Elle était très douée et aurait pu déplacer une montagne à ce qui paraît, fit-elle en souriant. Tu sais plus j'y réfléchis et plus je suis convaincue que grand-père a reconnu le médaillon, il sait ce que sait. Méfie-toi de lui Nour.