À peine Kalan eut fini son assiette qu’une main lui tapota l’épaule.
— Alors tu es prêt ? lui demanda Nekoline.
— Tu attendais que j’aie avalé ma dernière cuillère ? la taquina-t-il.
— Oui, admit-elle sérieusement.
En effet, elle semblait prête au départ, elle avait même passé un sac en bandoulière. Orielle et Isfan les regardèrent en contenant leur sourire et le Coloris proposa à Kalan de ranger sa vaisselle pour qu’il puisse partir aussitôt. Il le remercia et se leva de table.
Kalan suivit la jeune Sombre jusqu’au terrain d’entrainement. À sa grande surprise elle ne s’y arrêta pas et l’emmena un peu plus loin, jusqu’à un grand mélèze qui se dressait fièrement.
— Bien ! déclara-t-elle avec le sourire. Tu es prêt ?
— Je pense que je ne le serai jamais, mais allons-y !
— Tiens, c’est pour toi, lui dit-elle en fouillant dans son sac.
Elle sortit deux petits poignards emballés dans leur fourreau. Elle les tendit à Kalan avec un grand sourire. Il les prit délicatement et sorti une des lames. Elle était courte et aiguisée et son manche se calait parfaitement dans la paume de Kalan.
— J’ai dû batailler avec le forgeron pour qu’il l’adapte comme je voulais, c’est pour ça que ça m’a pris une journée de plus, expliqua Nekoline. J’ai cru qu’il ne le ferait pas, mais heureusement, Fylen est passée par là et il s’avère que le forgeron est son mari !
— Madas ?
— Exactement. Elle lui a chanté mes louanges et demandé de faire ce que je désirais, alors il a fait ces lames sans discuter. Qu’est-ce que tu en penses ?
— Je ne sais pas quoi dire, c’est la première fois que je tiens une arme. En tout cas elles sont magnifiques.
— Elle seront parfaitement adaptée pour le style de combat que je vais t’enseigner.
— Je vois, merci. Et comment va se dérouler cet entrainement ?
— Course à pied, renforcement musculaire, escalades, combat…, énuméra-t-elle.
— D’accord, d’accord, l’interrompit Kalan, effrayé par le programme chargé. Et par quoi on commence ?
— Par tester ses lames ! Attends, j’ai une ceinture à laquelle tu pourras les accrocher. Il faudra qu’on te trouve des habits plus adaptés également, mais rien ne presse !
Elle lui passa la ceinture et lui montra comment y crocher les fourreaux.
— Parfait, tu es prêt ? Attaque-moi !
— Euh comme ça, avec les lames ?
— Oui, ne t’inquiète pas, je ferai en sorte que tu ne te blesses pas, je devrais prévoir assez facilement tes mouvements.
— Je ne suis pas très à l’aise à l’idée de t’attaquer avec de vraies lames.
— Tu n’as pas la moindre chance de me frôler, s’esclaffa-t-elle. C’est pour que tu t’y habitues et pour qu’on travaille la manière dont tu te déplaces. Et aussi parce que j’ai envie de te voir utiliser ces bijoux !
Son enthousiasme était contagieux, Kalan voulut bien se prendre au jeu. Il attaqua d’abord timidement, puis il fut d’une telle évidence que Nekoline ne craignait rien de ses assauts qu’il donna tout son potentiel. Comme prévu, il ne parvint même pas à la frôler, mais la Gardienne lui donna des conseils à chaque geste. Kalan s’interrompit au bout d’un moment.
— Attends, il y a trop d’éléments d’un coup, je n’arrive plus à mémoriser, avoua-t-il.
— Je vois ! Tu es mon premier élève, je me suis emballée. On reprend les bases, je vais te les répéter jusqu’à ce que tu les aies intégrées.
C’est ce qu’elle fit, suspendant leurs échanges à plusieurs reprises pour répéter un même geste encore et encore afin que son corps s’en souvienne pour lui. Puis ils s’arrêtèrent de combattre et coururent jusqu’à une paroi rocheuse. Là, elle lui demanda de l’escalader.
— Honnêtement, je crains un peu de me briser la nuque… Et je ne vois pas bien le lien entre l’escalade et les combats.
— Tu râles déjà ? Bien je vais t’expliquer. J’ai l’intention de t’apprendre à être discret et à privilégier les attaques surprises. Il est donc primordial que tu puisses avancer en silence sur n’importe quel terrain, que ce soit une plaine, une bâtisse, un arbre ou une montagne.
— Tu me vois attaquer par derrière, sans qu’on me repère ?
— Exactement.
— Ce n’est pas lâche ?
— Pas plus que la montagne de muscles en face de toi qui tentera de te tuer sans hésiter, malgré ta petite taille.
— Vu comme ça…
— Et puis, il ne s’agit pas seulement de ça.
— De quoi d’autre ?
— Je… Je veux que mon premier élève soit libre, qu’aucune barrière mentale ou physique ne l’entrave. C’est pour ça que je n’ai pas cherché à prendre tes matinées que tu occupes avec Holl et moi avec Omèle. C’est crucial pour la souplesse de notre esprit. J’aimerais qu’aucun mur, aucune paroi ne te limite.
Kalan fût ému par son engagement. Son enseignante devait prouver quelque chose à travers ce qu’elle lui transmettait. Quelque chose qui lui tenait à cœur.
— Merci, Nekoline. Tu prends mon entraînement avec beaucoup de sérieux et de passion. Je suis touché. Je ne râlerais plus face à tes exercices, mais il reste un point important qui me chiffonne.
— Quoi donc ?
— Si je me brise la nuque, ton élève sera peut-être libre, mais mort.
— Ah oui, j’avais oublié ce point-là, poursuivit-elle en souriant. On va s’encorder, si tu tombes, tu seras accroché à moi.
— Tu n’as pas peur de te faire emporter par mon poids ?
— Tu plaisante j’espère ? Tu es bien plus léger que moi. Allons-y, déclara-t-elle en lui passant une corde autour des jambes et de la taille.
Il la suivit donc dans son ascension. Kalan cria de peur la première fois qu’il lâcha prise, mais la Gardienne l’assura sans broncher. Il tomba encore quelques fois avant d’atteindre le sommet. Il s’assit, essoufflé, les membres tremblants. La Gardienne était accroupie face au vide, les yeux perdus dans le lointain, des mèches frisées échappées de ses tresses dansaient devant son visage.
— C’est magnifique, non ? souffla Nekoline.
Kalan redressa la tête et regarda devant lui, laissant l’air frais de la montagne lui caresser le visage. Le paysage qui s’étendait sous leurs yeux étaient splendide. Les deux Sombres avaient une vue dégagée sur les montagnes entourant le mont sur lequel était bâti Mérin. Forêt, prairie et rochers se succédaient. Le soleil éclairait chaque parcelle de ce panorama sublime. Un couple de chamois à portée de vue gravissait une falaise que Kalan n’aurait pas grimpée sans l’assurance de Nekoline.
— C’est ça que j’aimerais offrir à mon premier élève. Ce qu’on ne m’a jamais donné et que je m’efforce d’obtenir par moi-même, confia-t-elle dans un murmure.
Elle ne précisa pas de quoi elle parlait, mais Kalan comprit qu’il s’agissait de l’amas de sensations qui les habitaient en ce moment-même. Un sentiment de plénitude l’envahit.
— Merci, Nekoline, lui répondit-il tout bas.
Les Sombres restèrent un instant dans le silence, partageant l’instant présent. Kalan aurait pu en profiter des heures, mais la Gardienne déclara soudain :
— Bien, le moment désagréable est venu.
— Comment ça ?
— La descente ! Vas-y d’abord.
Kalan regarda sous ses pieds et fut pris de vertiges. Il dut admettre que c’était plus agréable de monter que de descendre, surtout qu’il peinait à voir où mettre ses pieds. Heureusement, son enseignante le conseilla et le recolla plusieurs fois à la paroi, lui évitant la sensation désagréable de tomber. Il finit par retrouver le sol plane et poussa un soupir de soulagement. Ses membres tremblaient, tant il avait usé ses muscles dans la tension. Nekoline, elle, semblait aussi fraîche qu’au petit matin.
— Bien, on regagne le terrain d’entrainement à la course, on fait quelques exercices physiques et on finit par des assouplissements.
Kalan voulut râler mais se retint de justesse et suivit la Gardienne en silence. Elle courut à petite allure, ce qui permit aux muscles de Kalan de se détendre dans le mouvement. Arrivés aux terrains d’entrainement, elle lui montra comment s’étirer.
— Prends le temps de sentir ton corps dans chaque mouvement, préconisa Nekoline. Profite de la lenteur de l’exercice pour te familiariser avec chaque muscle et tendon.
Kalan se concentra sur chaque partie de son corps qu’il étirait. Il trouvait des liens entre cet exercice-là et ce que Holl leur enseignait. Il comprenait peu à peu que cela ne formait qu’un tout : la centration sur soi et sur le vécu présent. Il ne savait pas encore tout à fait ce que cela impliquait, mais il profita du sentiment de complétude que ces exercices lui procurèrent. Quand les deux Sombres eurent terminé, Kalan remarqua qu’Epoline et Wakami les observaient.
— Comment s’en sort ton élève ? demanda Epoline.
— À merveille ! s’exclama la Gardienne.
— Fantastique, je suis ravie de l’apprendre !
— Qu’est-ce que vous faites ici ? questionna Kalan.
— J’ai demandé à Wakami de m’emmener après notre cours en espérant vous trouvez, expliqua Epoline. Vous n’étiez pas là à notre arrivée et vous n’avez pas semblé nous remarquer en revenant de je ne sais où.
— J’avais noté ta présence, mais je voulais finir l’entrainement tranquillement, confia Nekoline.
— Je n’ai rien remarqué, j’étais occupé à suivre les instructions, admit Kalan, gêné de les avoir ratés.
— Je n’ai pas voulu interrompre votre séance, alors j’ai demandé à Wakami de me montrer deux-trois attaques, fit Epoline. Je ne suis pas très douée, mais c’était amusant !
— C’est vrai ? Comment elle s’en sort ? demanda Kalan avec le sourire.
— Mieux que toi, le nargua Wakami.
— C’était gratuit ! se fâcha le Sombre.
— Ce matin aussi, tu es venu me chercher sans raison !
— Sans raison ? Tu oublies cet air morose que tu avais !
— Et toi, tu ne trouves rien de mieux à faire que de chercher des noises aux gens moroses ?
Nekoline et Epoline se reculèrent en échangeant un regard entendu, s’éloignant de leur altercation verbale.
— Et bien oui, avec toi il faut savoir réveiller le démon intérieur pour te faire sourire, je n’y peux rien ! poursuivit Kalan
— N’importe quoi, je ne suis pas un démon. C’est plutôt toi qui es démoniaque dans tes manières de distraire les autres.
— Et alors ça marche ou non, face-de-pin ?
— Kalan, calme-toi.
— Comment ça me calmer ?
— Oui.
— Calme-toi toi-même ! Et pourquoi tu ne me regardes plus dans les yeux quand je te parle ?!
— Laisse tomber, Wakami, quand le Seigneur Enflammé est dans cet état, rien ne peut le calmer, si ce n’est l’intervention de son preux chevalier Moudugenou, les coupa-t-on.
Kalan qui reconnut cette voix plaqua les mains contre sa bouche, figé par la surprise. Wakami sourit de toutes ses dents, d’un sourire franc. Cette voix, ce ton, ce surnom, c’était forcément lui, mais c’était impossible. Depuis combien de temps maintenant ne l’avait-on pas appelé ainsi ? Bien trop longtemps. Kalan n’osait pas se retourner de peur de briser une illusion. Les yeux emplis de larmes, il restait planté comme une statue.
— Retourne-toi, Kalan, tu ne rêves pas, lui assura Wakami en lui secouant doucement l’épaule, comme pour le remettre en mouvement.
Kalan tourna lentement sur lui-même. Il était bel et bien là, appuyé sur deux cannes, soutenu par Ahia qui lui souriait.
— Nessan, murmura-t-il.
— Qu’est-ce que je disais, il n’y a que son chevalier Moudugenou pour l’arrêter, répondit son frère en souriant.
— Espèce d’idiot ! répondit Kalan en courant vers lui.
Il le serra délicatement dans ses bras. Son assignation au lit avait fait fondre ses muscles et il paraissait extrêmement fragile. En le touchant, Kalan se convainquit qu’il était bel et bien présent.
— Je croyais qu’il te faudrait au moins une année avant de revenir à toi, souffla Kalan.
— Mon traitement a été facilité par la présence d’Ahia et par l’intervention de Wakami. Je ne pense pas que j’aurais accepté Isfan sans qu’il me le présente avant. J’admets être un peu angoissé par les Hypnotiques.
Epoline se cacha dès qu’il prononça ces paroles.
— Ne t’inquiète pas. Ahia m’a déjà parlé de toi, Orielle et Holl, assura Nessan à l’attention de la Princesse. Elle m’a aussi raconté qu’elle était un peu particulière et qu’il ne fallait pas que je m’inquiète de son apparence hybride au réveil. Elle voulait même se changer en Sombre pour me faciliter la tâche.
— Mais comme tu le vois, Nessan a refusé, compléta Ahia. Il m’a dit qu’il en avait assez que je doive vous cacher des choses. Même dans son état, il arrive à penser aux autres.
— Ça ne m’étonne pas de mon frère, sourit Kalan. Le terrain d’entrainement n’est pas un peu loin du sanctuaire ?
— C’était peut-être un peu risqué, en effet… J’avais terriblement envie de marcher, même si mes jambes ne me portent pas comme je l’espérais. Et j’avais surtout envie de te voir à l’œuvre. Mais je pensais te trouver en plein combat physique, pas verbal !
— Oui, c’est vrai que ce n’était pas l’objectif, admit Kalan, gêné de se faire rabrouer par son jumeau. Je suis tellement soulagé de te voir, Ness ! Est-ce que ça signifie que tu resteras éveillé à présent ?
— Non, pas toute la journée, mon esprit n’est pas encore remis. Je sens d’ailleurs qu’il commence à s’agiter. J’aurais peut-être dû t’attendre au sanctuaire.
— On aura tout le temps de se voir, Nessan, ne t’inquiète pas. Tu as besoin d’aide pour rentrer ?
— Je vais le porter, proposa Ahia. Si tu peux prendre mes habits et ses cannes.
Elle s’écarta d’eux, enleva ses habits et se changea en une ânesse noire.
— C’est plus pratique pour la montagne ? s’étonna Kalan.
— Tout à fait ! Et je serais moins haute pour Nessan. D’ailleurs j’y pense : sache qu’en forme non-elfique, je suis incapable de communiquer mentalement avec une autre personne que toi.
— Sérieusement ? Comment ça se fait ?
— Tout le monde a une sorte de résistance en sentant un esprit animal s’approcher, ce n’est pas fait exprès mais je suis bloquée.
— Étrange ! Pourquoi est-ce que ça marche avec moi ?
— Probablement parce qu’on est des âmes sœurs.
— Je n’ai jamais bien compris ce que ça signifiait, c’est qu’on a la même aura, c’est juste ?
— Oui, je pense donc que ton esprit me reconnait comme familière est m’accepte sans broncher. Allez, installe Nessan sur mon dos.
Il s’exécuta puis ramassa les affaires de Nessan et Ahia.
— Comment je peux savoir quand tu seras éveillé ces prochains jours ?
— Isfan m’a recommandé de commencer par la fin de journée, une heure avant le repas. Comme ça, je suis éveillé pour manger et surtout, mon soigneur n’est pas trop occupé et peut me surveiller.
— Il t’a laissé sortir sans sa surveillance ?
— Il savait que je retrouverai Wakami et Ahia m’accompagnait durant le trajet.
Nessan se tourna vers le Coloris.
— Wakami, est-ce que tu as fini ce que tu devais faire ici ?
— Oui, je pensais rentrer. Pourquoi ? demanda l’intéressé.
— Tu pourrais faire un bout du trajet en ma compagnie ? Je ne pensais pas mon mental si faible et je serais rassuré de t’avoir à nos côtés.
— Avec plaisir, affirma Wakami.
Kalan lui sourit en guise de remerciement et le Coloris lui rendit son sourire, ayant oublié leur dispute. Il semblait heureux de voir Nessan se remettre aussi vite. Kalan pensa que le Coloris venait d’ôter une autre de ces épines dans le pied qu’il avait confié avoir. Le cœur du jeune Sombre se gonfla tandis qu’il raccompagnait son frère. Epoline et sa Gardienne les suivirent également. Kalan raconta l’entrainement ardu auquel l’avait soumis Nekoline aujourd’hui.
— Il parait qu’elle m’a concocté un programme pour petit nerveux agité, tu y crois, toi ? lança Kalan.
— C’est une enseignante parfaite pour toi, sourit Nessan. Nekoline, il faudra qu’on apprenne à se connaître quand je serai sorti. Il y a peu de gens capable d’encadrer si bien le Seigneur Enflammé. Wakami, au contraire, tu parais plutôt mettre le feu aux poudres.
— C’est ton frère qui vient s’enflammer tout seul ! se justifia Wakami.
— Les flammes, c’est un truc de tête brûlée, admit Kalan. Mais les faces-de-pin font de bon combustible.
— En effet, admit Nessan. Je suis d’accord avec Ahia. Ensemble, je suis sûr que vous serez aussi lumineux qu’un feu puissant.
— Elle t’a dit quoi ?! s’étonnèrent d’une même voix Wakami et Kalan.
Les deux Elfes se regardèrent surpris avant de détourner la tête. Wakami devint rouge et Kalan, qui sentait ses joues chauffer, fut bien content de sa peau sombre qui ne laissait pas paraitre si clairement son embarras. Nekoline et Epoline se regardèrent en pouffant.
— Je suis vraiment content de te retrouver, Kal, poursuivit Nessan, comme s’il n’avait instauré aucun malaise.
— Moi aussi, mon frère. Tu n’imagines pas à quel point tu m’as manqué. Je passerais te voir en fin de journée. Si tu veux bouger, on pourra se contenter des alentours du sanctuaire.
— Très bien. Dès que j’irais mieux, je demanderai à être réveillé à l’heure des deux repas, comme ça, on pourra manger ensemble et tu ne prendras pas de temps sur ta journée uniquement pour me voir.
— Mais enfin ! C’est un plaisir de te voir !
— Je sais bien, mais tu as un programme chargé pour défendre les habitants de Linone, non ?
— Vous avez sacrément discuté avec Ahia, tu es bien informé.
— Ça fait partie des séances pour que je ne sois pas déboussolé au réveil. Kalan, c’est important ce que tu fais. Pour les habitants de Linone et pour Lusa. Je compte sur toi pour développer tes capacités pendant que je me repose. Dès que je serais sur pied, j’essayerai de te rattraper.
— D’accord Nessan, je te promets de faire au mieux.
— Je compte sur toi. Nekoline, tu me prendras peut-être comme élève quand je serais en forme ? Je suis moins nerveux que mon frère, cependant.
— Je serais ravie d’avoir un second élève quand j’aurais fait les tests sur le premier, lui sourit la Gardienne.
— Tu vois : je fais les frais de ses essais pour toi, Nessan ! se plaignit faussement Kalan.
— C’est la moindre des choses que tu peux offrir à un pauvre rescapé comme moi.
Les camaradent le ramenèrent au sanctuaire où Isfan les accueillit. Nessan suait déjà à grosses gouttes et demanda au Coloris de bien vouloir le rendormir. Il n’attendit pas de le mettre en chambre pour le faire et Nessan tomba dans ses bras.
— J’aurais peut-être dû insister pour qu’il reste ici, soupira Isfan. Merci Wakami, il n’aurait pas tenu le trajet du retour sans toi.
— Je t’en prie, je commence à avoir l’habitude que vous me forciez la main pour jouer les soigneurs, répondit-il.
Malgré la remarque, le Coloris leur souriait d’un air serein. Kalan comprit qu’il avait usé de son don pour que Nessan continue à converser tranquillement. Sans son intervention, leur moment de partage aurait tourné au cauchemar. Kalan posa les cannes à l’entrée du sanctuaire et tendit ses habits à Ahia qui avait retrouvé une forme d’Elfe hybride. Kalan s’avança jusqu’à Wakami qui releva le menton, prêt à poursuivre leur affrontement verbal habituel. Il fut trop surpris pour réagir quand Kalan le serra dans ses bras.
— Merci, Wakami, lui dit-il tout bas. Ta bonté nous a sauvé de biens des atrocités, mon frère et moi.
Le Coloris resta figé, incapable de trouver la parole ou le geste approprié. Il se racla la gorge et répondit :
— C’est tout à fait normal, n’importe qui avec mes capacités l’aurait fait.
Kalan le relâcha et, en s’éloignant pour rejoindre son frère, il conclut avec le sourire :
— Toi et moi, on sait très bien que c’est faux. Merci pour tout.
Wakami resta planté là quelques instants, assimilant la reconnaissance du jeune Sombre. Puis il s’ébroua et rentra chez lui sans un au revoir, passant la soirée seul avec lui-même.