Le lundi matin s’étira dans une lenteur agaçante, comme si chaque seconde refusait de céder sa place à la suivante. Arwen, assise près de la fenêtre en classe, observait distraitement le ciel de fin d’automne. Le gris des nuages semblait se mélanger à ses pensées confuses. Elle n’avait pas mal dormi, mais son esprit était lourd. Trop d’images défilaient encore de la fête de la semaine dernière : les rires, les lumières, la musique battant contre sa poitrine comme un second cœur. Et surtout, cette sensation étrange, fugace mais réelle, que quelque chose lui avait échappé.
Son crayon roula entre ses doigts. Elle s’interrompit en remarquant Liam, assis quelques rangs plus loin, qui écoutait sans prendre de notes. Son visage restait calme, presque indifférent, mais ses yeux semblaient ailleurs, occupés à observer le vide avec intensité. Arwen détourna le regard aussitôt. Depuis leur première vraie rencontre dans le couloir, devant le panneau d'affichage, quelques jours plus tôt, il lui arrivait de le surprendre à la regarder, ou à croiser son regard par accident. Ils avaient échangé plusieurs fois depuis. Rien de marquant, juste de courtes conversations entre deux cours, une phrase glissée dans un couloir, une remarque sur un livre aperçu dans ses mains. Pourtant, ces miettes de paroles suffisaient à laisser une trace.
Quand la sonnerie libéra la classe, Arwen rangea ses affaires lentement. Nelly s’approcha, son éternel sourire radieux accroché aux lèvres.
— Alors, tu survis à ton lundi ? lança-t-elle avec cette énergie qui réussissait toujours à fissurer sa coquille.
— À peine, répondit l'adolescente, mais un petit sourire accompagna ses mots.
Son amie attrapa son sac d’un geste vif et ajouta :
— Ce soir, je passe chez toi. On révise ensemble, comme prévu. Et t’as pas le choix, d’accord ?
Arwen leva les yeux au ciel, mais elle ne protesta pas. Nelly était devenue une présence presque indispensable, une lumière familière.
L’après-midi passa plus vite que prévu. À la sortie, la jeune fille traversa le couloir bondé. Sa main effleura son carnet, bien caché au fond de son sac. Le vieux carnet trouvé dans la maison continuait de hanter ses pensées et la suivait presque partout. Elle n’en avait parlé à personne, pas même à Amy. À chaque fois qu’elle l’ouvrait, elle découvrait des détails, des noms griffonnés, des bribes de phrases qui semblaient appartenir à une histoire qu’on lui cachait. Mais plus elle cherchait à comprendre, plus le carnet lui échappait.
— T’es dans la lune, dit une voix derrière elle.
Arwen se retourna brusquement. Encore lui. Liam était là, son sac en bandoulière, appuyé contre un casier. Il n’avait pas l’air pressé.
— Pas vraiment, répondit-elle un peu sèchement, avant de baisser d’un ton. Enfin… peut-être un peu.
Le garçon haussa un sourcil, comme amusé.
— Ça t’arrive souvent, non ?
Elle soutint son regard une seconde de trop. Ses yeux clairs semblaient la scruter, pas de façon intrusive, mais comme s’il essayait de deviner ce qui se cachait derrière ses silences. Arwen détourna vite les yeux.
— Tu dis ça parce que tu m’observes ? lança-t-elle, mi-ironique, mi-sérieuse.
Un léger sourire se dessina sur ses lèvres.
— Peut-être.
L'adolescente sentit ses joues chauffer. Avant qu’elle n’ait le temps de répondre, une voix familière appela son prénom :
— Arwen ! Viens, on doit y aller.
Nelly arrivait à grands pas. Elle jeta un regard rapide à Liam, un regard que la brune aux cheveux légèrement ondulés ne manqua pas de remarquer. Pas hostile, mais pas totalement neutre non plus. Comme si l'afro-américaine cherchait à comprendre qui il était, et pourquoi il tournait autour de son amie.
— À plus tard, dit Liam avant de s’éloigner tranquillement avec son habituel sourire.
Arwen suivit Nelly dehors.
Le soir, assises dans la chambre d’Arwen, les deux adolescentes feuilletaient leurs cours sans grande conviction. Son amie s’allongea en travers du lit, son cahier posé sur le ventre.
— Franchement, tu crois que je devrais me méfier de Layla ? demanda-t-elle soudain.
Arwen cligna des yeux.
— Pourquoi tu dis ça ?
Nelly haussa les épaules.
— Comme je te l'ai dit la dernière fois... J’sais pas… Y a un truc chez elle. Elle est gentille, ok, mais… trop parfaite, tu vois ? Comme si elle jouait un rôle. J’ai l’impression qu’elle cache quelque chose.
Le cœur d’Arwen fit un bond. Elle-même avait déjà ressenti une gêne parfois, mais jamais elle n’avait osé l’avouer, même quand l'afro-américaine lui en avait parlé.
— Je sais pas trop..., tenta-t-elle, bien que ses mots manquaient de conviction.
Nelly se redressa à moitié, ses yeux brillants fixés sur elle.
— Toi aussi tu le sens, avoue.
Arwen baissa le regard vers son carnet de notes. Une longue seconde s’écoula. Puis elle répondit doucement :
— …Oui.
Un silence lourd suivit. Son amie soupira et s’étendit de nouveau.
— Bon, on n’est pas folles alors.
La jeune fille esquissa un sourire nerveux. Elle ne voulait pas admettre à quel point cela l’inquiétait. Entre le carnet mystérieux, les allusions d’Amy qu’elle esquivait toujours quand elle posait des questions sur ses parents, et les doutes sur Layla, les pièces du puzzle s’accumulaient… mais sans jamais s’assembler.
Plus tard dans la soirée, après que Nelly fut rentrée, Arwen resta seule dans sa chambre. Elle se planta devant le miroir, observant son reflet comme si elle le voyait pour la première fois. Ses cheveux châtain foncé, légèrement ondulés, encadraient son visage encore juvénile. Ses yeux, d’un gris profond, semblaient constamment hésiter entre l’enfance et l’adulte qu’elle devenait. Elle passa une main sur sa joue, y cherchant une réponse qu’elle ne trouva pas.
Puis elle s’assit à son bureau et sortit le carnet. Ses doigts caressèrent la couverture usée. Elle l’ouvrit à une page au hasard : encore des mots, griffonnés à la hâte, certains effacés par le temps. Elle lut à voix basse :
“Ne pas laisser le nouveau voir la lumière… Protéger la lignée, coûte que coûte.”
Arwen fronça les sourcils. Ces phrases lui semblaient étranges, presque menaçantes. Elle referma brusquement le carnet, comme si elle venait de toucher quelque chose de brûlant.
Un bruit de pas dans le couloir la fit sursauter. Amy frappa doucement à la porte.
— Tout va bien, ma chérie ?
Sa nièce glissa le carnet dans son sac et répondit :
— Oui, tout va bien.
Sa tutrice entra, un sourire doux sur le visage.
— Tu avais l’air pensive.
Arwen hocha la tête sans répondre. Amy s’approcha et posa une main tendre sur son épaule.
— Tu sais, tu n’es pas obligée de tout porter seule.
La jeune fille la regarda, émue, mais incapable de parler.
Cette nuit-là, allongée dans son lit, elle resta longtemps éveillée. Les mots du carnet résonnaient encore dans sa tête, se mélangeant aux regards insistants de Liam et aux soupçons grandissants de Nelly. Une impression persistante s’accrochait à elle : le passé cherchait à refaire surface.
Et elle n’était pas sûre d’être prête à l’affronter.
OUI LES FILLES LAYLA EST BIZARRE C'EST DEJA UN DEBUT DE S'EN RENDRE COMPTE. Sinon j'ai trop hâte de lire ça suite j'adore ton histoire !
Mais il va falloir attendre un peu pour en apprendre plus sur Layla...
En tout cas merci beaucoup pour tous tes commentaires ça me fait très plaisir<3
J'espère que la suite te plaira.