Ma chère sœur,
Pour m'apaiser, je suis allée retrouver ce qui était, jadis, notre monde. La pluie est si belle sous l'orage merveilleux, déployant ses ailes dans un tumulte de lueurs bleues.
C'est sous un ciel pluvieux que je t'écris ces mots. Le seigneur étant au repos, je profite de cette atmosphère sereine, comme nous n'en avons pas connu depuis tant de siècles, pour me consacrer à un ultime espoir. Je veux te partager ce qui transperce mon esprit et mon cœur depuis tant d'années. Je ne crains pas son courroux, son fouet, ou tous les tourments qu'il serait capable de m'infliger si cela lui parvenait. Plus rien ne compte désormais, hors mis cette feuille que j'encre de mon propre sang avec toute ma sincérité.
Je ne compte plus les jours qui me séparent de tes dernières paroles. Durant tout ce temps, pas un seul souffle provenant de ta bouche ne fut utilisé pour répondre à mes supplications silencieuses. Pas un sourire n'a figuré sur ton visage rempli de flamboiements infinis. Ta voix, devenue monotone, n'a résonné que lorsque le seigneur te l'a autorisé. Ton regard est néant, et ton âme damnée a perdu toutes les couleurs des sentiments. Néanmoins, tu brûles pour lui. Je ne le sais que trop bien. Comme je m'y attendais, il te donne des ordres qui n'ont fait qu'attiser cet amour qui enflamme tout ton être.
Ta loyauté, ta reconnaissance et ta passion vont te perdre. Tu es consciente qu'il ne sert que ses desseins, au prix de notre misérable et pitoyable éternité, mais cela t'importe peu. Cette force n'est qu'une arme. Ce lieu n'est qu'une geôle d'or. Il n'existe pas pire torture que de te voir ainsi, accepter ce sort que nous avons dû choisir par désespoir. Je te fais la promesse solennelle qu'aucun fait de ma personne n'entravera tes rêves, aussi dépourvus de raison soient-ils. Pour ma part, je ne lutterai désormais que pour briser les chaînes qui nous lient à lui. À présent, je couvre d'un linceul, chère sœur, tout ce qui nous unissait autrefois. Mon existence ne sera que combat et chagrin. Je continuerai de prier pour nous, et pour toutes les vies que nous avons arrachées. Pour toutes les mères qui pleurent et hurlent encore les noms de leurs enfants dévorés par cet ogre à l'appétit meurtrier.
Je le jure devant toutes les divinités, un jour, je me sauverai de ce maudit château. Et si l'éclat du jour te manque, je t'attendrai dans les prairies verdoyantes, où l'astre baigne de lumière fleurs et papillons. Nous chanterons cette heureuse victoire à l'unisson.
Je t'aime. À tout jamais.
Ton éternelle sœur. Ynesfyra.