13- Coup de bâton

Notes de l’auteur : Dans ce chapitre, j'ai utilisé à plusieurs reprises le terme art martial, mais ce n'est pas vraiment approprié. Je cherche encore, si quelqu'un a une idée. Bonne lecture

 

Nour redoutait le cours d'arts martiaux, le premier depuis son arrivée. Elle avait l'occasion d'assister, en douce, à l'entraînement des dernières années, et cela l'avait époustouflée. Ces adolescents avaient une assurance et une maîtrise qui les rendaient invulnérables aux yeux de la jeune fille.

De prime abord, avec son volume et son plafond très haut, l'endroit ressemblait plus à une salle de bal qu'à un lieu d'entraînement aux arts martiaux. Quantité d'armes étaient accrochées sur les murs lambrissés, de longues épées, des sabres courts, et même des haches. Tout un pan était réservé aux ffon, des bâtons de combat. Si les élèves se servaient de simple bâton en châtaignier pour l'entraînement, ceux sur le mur étaient finement ouvragés, certains paraissaient être en bronze, d'autres en argent.

C'est ici qu'officiait Amara Sikal, professeure d'art martial, archère émérite et fine pédagoque.
 

– Tiens, on te laisse participer au cours, s'exclama Anya, prenant à parti le reste de la classe. Cela montre que les professeurs, et même la directrice n'ont aucune considération pour toi. Tu n'es pas de taille ici, même pour un simple entraînement. Mais, après tout, peut-être qu'ils souhaitent te voir morte. Et, je ne te félicite pas, tes tresses sont toutes chiffonnées, ta coiffure est à refaire.

– Pour ceux qui ne l'auraient pas bien intégré, et pour Nour, je vais faire un rappel de ce que sont mes cours et ce qu'ils vous apporteront si vous êtes attentifs et travailleurs, fit la professeure d'une voix forte, en déambulant au centre de la salle,.

Ses yeux sombres étincelaient sous des sourcils grisonnants dont un montait et descendait assez souvent, à chacune des inepties que disaient ses élèves. Deux longues nattes poivre et sel lui couraient dans le dos, un pantalon ample et une chemise complétaient l'ensemble.

– Ici, pas besoin d'avoir de dons particuliers, poursuivit-elle, l'assiduité et l'écoute sont les clés pour avoir la maîtrise de son corps et de son esprit. Les arts martiaux développent la coordination, l'équilibre et la concentration. En première année, nous étudions principalement les combats au bâton et l'escrime. La méditation vous aidera pour l'auto hypnose, et un jour peut-être, qui sait, à atteindre la projection astrale. Je rappelle que la projection astrale survient lorsque nous quittons notre enveloppe corporelle de façon provisoire, que ce soit volontairement, ou contraint. Le but étant de vous connecter à l'univers. Nous allons commencer par un échauffement au bâton. Que chacun prenne un ffon, ordonna-t-elle.

Nour s'emparant d'un bâton, et rien qu'en l'observant, elle sut que quelque soit l'exercice, ce serait perdu d'avance. Le ffon était bien trop long, plus grand qu'elle, et trop lourd.

– Posez le ffon au centre de votre paume, main bien à plat, ordonna de nouveau la professeure. Ancrez bien vos pieds dans le sol et serrez vos abominaux. Ne quittez pas le bâton des yeux, considerez comme un prolongement de votre main. Maintenez l'équilibre.

L'exercice demandait une grande concentration, et de l'adresse. C'était comme lui demander de porter Oren sur une paume, se dit Nour. L'image la fit rire intérieurement. Le ffon oscilla légèrement de droite à gauche, et elle se reconcentra aussitôt. Un bref coup d'œil du côté de ses camarades lui montra que tous maîtrisaient la chose. Timéo, bien que plus petit qu'elle, se tenait droit comme un i, sa main libre calé dans le dos. L'autre était bien ouverte devant lui, le ffon dans la même position que son porteur. Oren semblait avoir plus de mal, son regard était fixé sur le bâton, et un bout de langue lui sortait de la bouche comme si celle-ci l'aidait à garder un certain équilibre. Car Oren avait l'air de valser, un pas en avant, un sur le côté, deux en arrière. Il lui arrivait de bousculer un des autres, tout aussi fébrile que lui. Nour l'imita, danser paraissait le moyen le plus sûr de ne pas faire tomber le ffon. Et puis, ce qui devait arriver arriva. Le pied gauche de Nour, pour une obscure raison, se tordit, et elle trébucha. Celu dura moins d'une seconde, une petite seconde où le ffon s'abattit, comme un arbre après qu'un bûcheron se soit occupé de lui, sur le visage de Timéo.

– Je suis tellement désolée, s'excusa Nour en se précipitant, trébuchant même à ses pieds.

– Je n'arrête pas de le dire, elle n'a rien à faire au Sanctuaire, s'indigna Anya tandis que tous les yeux fixaient Nour.

– Je suis presque certain qu'elle la pas fait exprès, la défendit Timéo, la main plaquée sur son œil tuméfié.

– Elios, veux-tu bien accompagner Timéo à l'infirmerie ? demanda la professeure en examina rapidement l'oeil du blessé. Un cataplasme, une bonne infusion et tu seras comme neuf, le rassura-t-elle.

Tous les élèves observèrent leurs camarades marcher jusqu'à la sortie, bien conscient que chacun d'eux aurait put être à sa place.

– Bon, tout va bien maintenant, annonça Amara Sikal. Les incidents arrivent fréquemment. Nous allons passer à l'entraînement.

Nour en frémit. Elle devait se battre, vraiment ? La professeure associa les binômes, et ce n'est que moyennement confiante qu'elle retrouva son adversaire. Anya. Devrait-elle toujours être en compétition avec la princesse elfique ?

Quand Anya s'inclina devant elle, Nour fit de même, et décida que la bonne attitude à avoir était de copier tous ses mouvements. Anya lui sourit, ses yeux verts pétillaient de malice maléfique. Ses cheveux volaient derrière elle à chaque pas, dans un mouvement souple. Son bâton, aux armoiries de la famille royale elfique ne faisait qu'un avec elle. C'était une sportive accomplie. Face à elle, Nour se fit l'effet d'être une taupe à qui l'on aurait donné un cure-dent pour se défendre face à un scorpion.

Anya fit tournoyer son bâton autour de son buste, au-dessus de sa tête en une chorégraphie élaborée. Puis, avec grâce, elle attaqua. Des coups francs, qui visaient principalement les jambes. Nour para plusieurs coups, bien consciente malgré tout qu'Anya y allait doucement. L'elfe attaqua de nouveau. Sans réfléchir, Nour se plia en deux et esquiva la parade. Elle s'en sortait bien. Anya saisit le bâton à deux mains, le fit tourner au-dessus de sa tête avant de faire un tour sur elle-même. Elle frappa fort. Le ffon frappa fort sur le poignet de Nour qui en lâcha son bâton. Elle étouffa un cri. La douleur fut si intense, que pendant quelques secondes elle ne sentit plus son bras. Les larmes aux yeux, sa seule envie fut celle de se jeter sur l'elfe, et de la taper encore et encore, jusqu'à effacer son éternel air satisfait.

– Je suis vraiment désolée, dit l'elfe en s'approchant rapidement. J'ai mal visé.

Nour la fixa avec une rage contenue, avant de jeter un oeil sur les autres élèves, la professeure. Personne n'avait remarqué l'incident. Autant se taire.

– C'était un accident, répéta-t-elle en massant son poignet endolori.

L'air affligé d'Anya paraissait pourtant sincère. Ou rusait-elle ? Ne sachant départager la question, Nour décida que oui.

– On change les binômes, fit alors la professeure. Oren, cesse de viser la tête de tes camarades, si tu envoies un de camarade à l'infirmerie, tu iras aussi compris. Nour, c'était pas mal, tu es rapide, et tu n'as visiblement pas peur de prendre des coups. Voyons ce que tu peux faire contre Luc.

Depuis son arrivée au Sanctuaire, Luc s'était contenté de lui lancer quelques regards, mais détournait les yeux quand elle le prenait en flagrant délit. Elle croisa alors le regard d'Oren, ce qui ne la rassura pas du tout. Elle ramassa le bâton à ses pieds, et s'avança vers son nouvel adversaire comme un condamné à la potence. Ils s'inclinèrent au même moment, mais Luc ne perdit pas une seconde pour attaquer. Le premier coup la frôla au niveau du genou, elle réussit à parer le deuxième, au prix d'une vive douleur qui lui traversa le poignet, le poids du bâton n'aidait pas. Luc était rapide, et assez agressif. Avec son bras blessé, elle tiendrait encore moins longtemps qu'elle avait pu l'espérer. Pour le moment, elle se contentait d'esquiver les parades. Les coups pleuvaient sans interruption. Nour s'essoufflait, son bras la faisait souffrir, et Luc en profitait. Il s'accroupit, balaya le sol avec le bâton, toucha Nour qui tomba à genoux. Quelques mèches de cheveux collaient à ses joues, rosies par l'effort et la honte qu'elle éprouvait face à cet échec cuisant. Ses forces l'abandonnaient, ses jambes ne la portaient plus. Malgré tout, elle se releva, chancelante. Sans pitié, Luc frappa une, deux fois, et à la troisième, il fit valdinguer le bâton de Nour à quelques mètres. La terrienne fit les quelques pas qui la séparaient du ffon, mais alors qu'elle se baissait pour le ramasser, le bâton glissa un peu plus loin. Elle jeta un oeil à Luc, puis de nouveau au bâton, qui bougea encore. Nour ne fut pas certaine qu'on avait le droit d'user de télékinésie. De toute façon, elle en était incapable. Elle se remit à genoux, vaincue, à bout de souffle. Et dire que ce n'était qu'un entraînement. Heureusement, Amara Sikal sonna la fin de l'épreuve. Oren accourut vers son amie, suivit de près par la professeure.

– Les épreuves nous rendent plus fort Nour Apsoum. Je crois que tu as ta place au Sanctuaire. Prouve-leur, ordonna-t-elle.

Nour tenta de lui sourire, mais le coeur n'y était pas vraiment. La cloche sonna et les élèves se dispersèrent.

– La professeure à tort, tu n'as rien à faire au Sanctuaire, tu n'es rien, fit Anya en s'éloignant.

Luc s'en alla, sans un mot, ni même une quelconque expression sur le visage. Nour resta assise, des larmes au bord des yeux, sa main serrant son poignet douloureux. Anya avait raison. Elle était arrivée à Epoké comme par magie, mais ce n'était pas sa place. Ces élèves étaient hors du commun. Comment pourrait-elle rivaliser ?

– Tu es blessée, constata Oren. Qu'est-ce qui s'est passé ?

Elle se releva tant bien que mal. À la fin de son récit, Oren affichait un air furieux.

– Il faut que tu ailles à l'infirmerie, c'est probablement une entorse. Et Anya doit être punie, c'est évident qu'elle l'a fait exprès.

–  Je veux bien aller à l'infirmerie mais on dit rien du tout, je suis pas une cafteuse, dit Nour, boudeuse, traînant les pieds vers la sortie.

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Baladine
Posté le 11/02/2023
Bonjour Sifriane !
Oh, c'est dur, pour Nour ! Au début j'aimais bien la prof, mais je la trouve pas si fine pédagogue que ça. Mettre la nouvelle en binôme avec des costauds sans lui expliquer comment se battre et la féliciter parce qu'elle "n'a pas peur de prendre des coups". Elle me paraît un peu louche et manque d'empathie. Luc est encore plus terrible qu'Anya ! Il lui parle même pas, quel méchant ! Au moins, Anya avait l'air vraiment désolée d'avoir blessé Nour.
Une petite phrase qui m'a embêtée un peu : "Elle frappa fort. Le ffon frappa fort sur le poignet de Nour qui en lâcha son bâton" => ça fait deux fois "frappa fort".
Je bondis sur le chapitre suivant, à tout de suite !!
sifriane
Posté le 12/02/2023
Bonjour Claire,
Ah mince, je voyais la prof moins moche que ça, mais après tout pourquoi pas, je vais y réfléchir.
Tu as raison pour le bâton, je vais changer ça.
A tout de suite :)
MichaelLambert
Posté le 16/01/2023
Bonjour Sifriane !

Pauvre Nour ! Voilà un cours où en plus de se moquer d'elle, on peut l'agresser physiquement... ça ne va pas être simple de s'intégrer dans ces conditions ! Mais c'est l'idéal pour l'intrigue : mettre des obstacles sur son chemin ! Je me réjouis de voir comment elle va les surmonter !

Pas facile de répondre à ta question sur le nom du cours. Personnellement, je trouve que ça ressemble plus à un sport de combat ou à un cours de maniement d'armes qu'à un art martial... mais je ne suis pas spécialiste dans la question ! Comme Vincent, je trouve que tu devrais inventer un nom cohérent avec ton univers et proche de ce que tu as fait pour le ffon !

A bientôt !
sifriane
Posté le 20/01/2023
Bonjour Michael,
Oui j'essaie de mettre Nour un peu plus en difficulté dans cette réécriture (j'ai toujours dû mal en première intention).
Pour le nom du cours je vais me creuser la cervelle pour trouver quelque chose.
A bientôt :)
Vincent Meriel
Posté le 13/01/2023
Bonjour,

J'aime bien ce chapitre, qui donne bien des difficultés à Nour, mais aussi des opportunités. La professeur à l'air très détendue à l'idée de laisser des élèves se frapper avec un bâton, mais c'était ainsi que s'entrainait les guerriers il y a longtemps après tout ^^

Anya me donne toujours envie de crier (donc bravo :P ). L'arrivée de Luc pour rosser cette pauvre héroïne est un peu surprenante, je ne sais pas encore si je dois le ranger dans les gentils avec des problèmes, ou les problèmes sans empathie.

Sur le style, j'ai l'impression que tu répètes plus de fois le mot "professeur" que son prénom "Amara", ce qui n'aide pas à le mémoriser ou à lui donner corps (de mon impression).

Pour le nom du cours, "arts martiaux" ne me semble pas si mal, vu qu'il y a bien une forme de dépassement du simple aspect martial du court (vers la méditation et la projection astrale). Après, le mieux serait peut-être que tu inventes ton propre nom (comme pour les "ffons"). Il existe plein d'arts martiaux différents et chacun à son nom (où sa dérivation/école...). D'autant que comme tu expliques le principe du cours, on devrait assez rapidement comprendre ce dont il s'agit.

Bonne continuation et à bientôt !
sifriane
Posté le 20/01/2023
Bonjour,
Désolée du retard, un peu à la ramasse en ce moment.
J'aime l'idée que les profs traitent les gosses comme des adultes, je trouve ça drôle et ça fonctionne bien avec du roman jeunesse.
Luc et Sikal ne devraient, à priori, pas reparaître c'est pour ça que j'écris la professeure au lieu de son nom. (je vais réfléchir à ça pour la suite)
En fait j'ai trouvé le nom de ffôn dans des vieilles histoires celtes que je ne retrouve plus (mais ça désignait un bâton de combat). Je vais bien trouver quelque chose pour le nom du cours.
Merci de continuer ta lecture
A bientôt :)
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