Kalan fila voir son frère. Ahia était déjà près de lui. Nessan était plus faible que la veille et désira rester au lit. Il n’échangea pas longtemps avec Kalan. Celui-ci laissa Isfan le rendormir, déçu.
— C’est normal qu’il y ait des jours plus difficiles, le rassura le Coloris. Je t’assure qu’il progresse. D’ailleurs, nous avons bien avancé aujourd’hui, c’est peut-être pour ça qu’il est plus fatigué ce soir. Il a beaucoup lutté.
— Tu as raison, je ne peux pas me plaindre alors que vous avez mis si peu de temps à le réveiller. Holl avait prédit une année au minimum.
— Oui, c’est grâce aux compétences d’Ahia qui sont incroyables. Entre elle et Popi, mon travail est grandement facilité.
— Je vois que j’ai les mêmes avantages qu’un chiot, ironisa-t-elle.
— Vous êtes différents. Popi amène quelque chose de… de plus ! la taquina-t-il.
— Je ne suis pas étonné, ce chiot est un maître soigneur, je le savais, renchérit Kalan.
— Je vous retiens, vous deux, déclara-t-elle. Heureusement que j’ai Nessan pour me soutenir.
— Tu pourras lui dire à quel point je tiens à lui ? Au cas où il ne serait pas en état demain…, commença Kalan.
— Tu pourras le lui dire toi-même, j’en suis persuadée, l’interrompit Ahia. Bon, tu devrais aller te laver avant que les représentants de Blige n’arrivent ou tu risques de les faire fuir.
— Je n’y peux rien si Nekoline ne me ménages pas. Mais tu as raison, je vais me laver et changer d’habits. Je me demande si Popi est déjà rentré à la maison d’ailleurs. Tu dors toujours ici, Ahia ?
— Oui je… Je suis bien auprès de Nessan.
Kalan sentit que son frère et sa meilleure amie s’étaient rapprochés durant leurs séances de guérison mentale. Cela lui fit bizarre qu’elle ne lui en parle pas et qu’elle paraisse gênée. Un petit silence embarrassant passa et Isfan se précipita de les saluer et de s’éclipser, n’ayant plus rien à faire dans cette chambre.
— Tu as quelque chose à me dire ? demanda Kalan qui voulut tendre la perche à son amie.
— Non, pourquoi ?
— Tu aimes dormir avec mon frère ? Tu peux m’en parler.
— Comme si tu me disais tout !
— Je te cache des choses, peut-être ?
— Tu ne me parles pas de tous les sentiments qui te traversent. C’est ton droit, mais ne crois pas que ça m’échappe.
— De quoi tu parles ?
— Arrête, tu ne t’en rends pas compte ? Tes taquineries, tes papillons dans le ventre, cette sensation étrange dans l’estomac et dans le cœur ? Je suis chamboulée rien qu’en étant à tes côtés.
— Tu délires, je ne sens rien du tout !
— Tu es tellement émotif que tu ne réalises même plus quand tes sentiments se bousculent.
— Je n’y comprends rien, tu es sûre que tu parles bien de ce que je ressens ? Tu as peut-être confondu.
Kalan était déboussolé. Ahia réfléchit un instant avant d’ajouter :
— Je suis sûre que c’est toi, mais c’est vrai que ce n’est peut-être pas que toi. C’est difficile à distinguer.
— Ahia…
— Oui ?
— Tu as changé de sujet, mais… Si tu éprouves quelque chose pour Nessan, tu as le droit de me le dire.
— Je… Je n’en sais rien en fait.
— Comment ça, tu ne sais pas ?
— C’est difficile de distinguer ce que je ressens, moi, et ce que ressentent les autres. Et puis on partage nos sentiments durant nos séances, alors ça embrouille tout.
— Je vois. Ça doit être difficile. Enfin tu peux m’en parler si tu en as envie.
— Merci Kal… Je comprends un peu mieux les moments où tu ne sais pas clairement ce que tu ressens. Je n’avais jamais imaginé ce que cela faisait d’être incapable de cerner ses sentiments.
— Je ne suis peut-être pas le mieux placé pour t’aider, mais je suis là si tu as besoin.
— Merci. C’est juste que… Nessan est tellement attentionné, même dans son état. Et persévérant et courageux. Il ne se passe pas une séance sans qu’il ne demande comment tu vas ou comment je vais, alors qu’il semble écrasé sous un amas de cauchemars et de craintes. Isfan lui dit de garder ses forces pour lui, mais il ne peut pas penser à sa guérison tant qu’on ne lui a pas donné de tes nouvelles. Je trouve ça tellement attendrissant et… fort.
Kalan sourit tendrement.
— Je reconnais bien mon frère. Vous vous ressemblez tous les deux, vous pensez aux autres alors même que vous portez des fardeaux dont personne ne peut réaliser le poids, comme avec ces histoires d’Essentielle...
— Holl me laisse un peu de temps avant de revenir à la charge avec cette histoire. Et tu es là pour me soutenir.
— J’essaie, mais je n’ai pas un mental aussi fort que Nessan, même si ça ne se voit pas en l’état actuel des choses. À sa place, je serais en ruine. Je pense que son calme influence la rapidité de son traitement.
— C’est vrai qu’on le sent durant les séances.
— De toute manière, il n’y a pas besoin de répondre à toutes ces questions. Si tu aimes dormir en boule dans son lit, je n’ai rien à y redire.
— Merci Kalan. Bon et toi alors ?
— Quoi moi ? Je t’assure que je ne comprends toujours pas, soupira-t-il.
— Je vois, je vois ! Bon, va te laver avant les festivités.
Il lui obéit sans protester et fila aux bains, rêvant de se sentir propre.