Vous allez penser que je suis une monstre, une vraie : l’une de celles qui se baladent à visage découvert, qui comme vous ont deux bras et deux jambes, une tête pensante, un cœur aimant – enfin, pour ce que vous penserez de ma façon d’aimer…
Je vais vous raconter et vous allez penser que je ne mérite pas ma place auprès de vous. Que mon corps repose sur le banc des accusées, que ma voix mérite d’être étouffée, et ma tête, coupée – oui, vous souhaiterez ma mort.
Je vais vous raconter mon histoire et vous allez penser que je mens. Que j’exagère. Que j’aurais pu mieux faire. Comment se fait-il que. A ma place, vous. Si c’était vous, alors. Et quand vous aurez fait le tour des possibles, des introspections, des moyens, quand vous vous serez assurés qu’il n’y a que moi pour être moi, pour faire moi, vous me condamnerez deux fois plus fort, deux fois plus loin.
Je vais vous raconter mon choix, vous allez tout penser de moi, vous me tuerez et puis vous fermerez les yeux. Vous oublierez. De « monstres » à « rien » il n’y qu’un pas que vous franchirez, comme ça, en un tournemain, parce que l’aveuglement vous est salutaire. Qu’il vous détourne de l’horreur. Qu’il vous garde dans le fabuleux écrin qu’est votre propre petite vie.
Oui, c’est ainsi, je vais vous raconter que je ne voulais pas de cet enfant, qu’il est pourtant né puisque j’ai accouché, qu’il a respiré, que je l’ai tenu dans les bras. Je vais vous raconter que je n’en voulais pas mais qu’il est bel et bien né, puisque je l’ai abandonné.