Aujourd’hui, j’avais eu droit à une visite des lieux. Le Complexe, immense, se constituait de deux niveaux, dont l’un souterrain. L’étage au niveau de la surface comprenait la partie à vivre, un grand salon de réception puis des pièces réservées à l’usage de Declan. Au niveau inférieur, l’espace se répartissait entre salles d’entraînement, bureaux et salles de réunion. Je n’avais pas encore vraiment compris en quoi consistait leur travail. Ils se battaient contre ceux qui m’avaient enlevé, mais les tenants et aboutissants restaient obscurs. Dès que je serai prête, Declan se tenait à disposition pour tout m’expliquer. Même si j’avais besoin de comprendre, prendre mes marques ici passait en priorité.
Après un tour en cuisine, je décidai d’aller me balader dans le Complexe histoire de m’habituer davantage avec les lieux et leurs occupants. Je me retrouvai devant le bureau de Yorsha. La porte entrouverte me donnait un aperçu du jeune homme installé devant son ordinateur. Je l’observai pianoter à une vitesse stupéfiante. Malgré ma culture balbutiante de leur – notre - espèce, j’avais la certitude que cela n’avait aucun rapport avec nos capacités spécifiques. Il était juste super doué dans son domaine. J’hésitai à manifester ma présence en le voyant ainsi absorbé. Apparemment, il avait senti ma présence. Il me lança un coup d’œil par-dessus ses fines lunettes teintées. Son look détonnait au milieu de la bande, notamment ses cheveux artistiquement négligés aux reflets bleu-gris.
— Un problème ?
Il m’intimidait avec son air sérieux et ses yeux dissimulés derrière l’écran opaque des verres métallisés. Et dire que je l’avais cru aveugle lors de notre premier face à face. Autant pour les idées reçues. Vu le talent dont il faisait preuve avec un clavier et un écran, il voyait parfaitement. Même sans discerner ses pupilles, je sentais l’intensité de son regard posé sur moi. Me reprenant, je secouai la tête.
— Declan m’a conseillé de me familiariser avec les lieux donc… Je passais juste dire bonjour et… Je ne voulais pas te déranger. Je file.
Je me retournais déjà, regrettant mon idée quand il me répondit, non sans cesser de taper sur les touches de son clavier.
— Je n’ai pas l’habitude d’avoir juste de la visite. La plupart du temps on vient pour me demander un service. Donc désolé de l’accueil.
Son air contrit me fit sourire. D’un geste de la main, je balayai ses craintes.
— C’est à moi de m’adapter pas le contraire. Promis la prochaine fois je t’embêterais pour quelque chose.
Il me jaugea un instant, les doigts en suspens au-dessus du clavier, semblant évaluer si je plaisantais ou non. Puis sa bouche se fendit d’un sourire et abaissant ses lunettes sur son nez, il m’offrit un clin d’œil.
— Je compte sur toi.
Un petit signe de la main et je repris ma déambulation dans le long couloir. Je finis par pénétrer dans la salle de sport. Plus j’avançais et plus j’étais ébahie par l’installation complète dont ils disposaient. Tous les équipements pour se muscler, des sacs de frappes, une salle de lutte recouverte de tatamis et… J’ouvris de grands yeux ronds en avisant la pièce tout au fond. Un stand de tir, rien que ça. Je frémis tout en étant attirée par les murs où se trouvaient exposés plusieurs pistolets. J’en effleurai un, avant de retirer ma main comme si je m’étais brûlée. Je me revis pointer l’arme sur mon tortionnaire, le bruit du coup de feu sembla retentir à mes oreilles. Je respirai avec application, luttant contre le souvenir. Peut-être pourrais-je avoir besoin d’entraînement. Je n’avais plus jamais envie d’être sans défense, une proie facile. Un dernier coup d’œil puis je sortis, retraversant le couloir desservant les différents espaces d’entraînement.
Il restait un endroit fermé où une petite plaque indiquait les vestiaires. J’hésitai. Je n’avais pas vraiment envie de tomber sur l’un des membres en train de se changer ou… De toute façon, des vestiaires restaient des vestiaires. J’allais m’en aller quand un bruit sourd me fit sursauter. Il provenait justement des vestiaires. Le son retentit de nouveau. Incapable d’attendre plus longtemps sans rien faire, j’ouvris prudemment la porte avant de passer la tête pour voir l’origine du bruit. M’avançant le long des casiers, je notai la présence d’un bac à glaçon, d’une fontaine à eau et d’une étagère remplie de serviettes. La pièce partait à angle droit. Je continuai, un peu intimidée. De larges bancs permettaient de s’asseoir, surplombés de crochets pour suspendre ses affaires et soudain, je m’arrêtais net en découvrant la scène. Arenht.
Je le vis se prendre la tête entre les mains, lâcher un juron puis soudain, son poing alla percuter avec violence le mur face à lui. Le bruit sourd qui en résulta me fit sursauter. Sans le vivre, j’avais ressenti le choc. L’onde de l’impact sembla se propager jusqu’à ma poitrine. Ses phalanges en ressortirent écorchées vives. Un grognement de frustration mêlée de douleur s’échappa de sa gorge. J’esquissai un pas vers lui quand il releva la tête et croisa mon regard. Jamais je ne l’avais vu si tourmenté. Mon cœur se serra. Impossible de le laisser ainsi. Il avait été là pour moi. Dépassant ma timidité, je continuai de me rapprocher de lui. Il entrouvrit les lèvres puis renonça à parler et baissa la tête pour m’observer saisir sa main blessée. Je passai délicatement les doigts sur la peau à vif, sentant son corps se crisper brièvement. Tous ses muscles étaient tendus. Je le sentais vibrer encore d’émotions contenues. Au moins me laissait-il l’approcher. Son souffle résonnait à mes oreilles.
— Attends, je vais chercher un peu de glace.
J’appréhendais son refus et le temps que dura l’aller-retour, je redoutai de retrouver la salle vide. Mais non. Il s’était juste assis, la tête entre les bras. J’hésitai un instant, le sac de glaçons à la main, puis m’avançai. Je me mis à genoux devant lui. D’un geste lent je saisis sa main puis appliquai la poche dessus. Je le sentais m’observer, sa présence m’enveloppant, intense. Quand je trouvai le courage de relever la tête, je demeurai saisie par son expression.
Il ne semblait pas me voir. Ses prunelles regardaient au-delà, plongeaient au cœur de souvenirs si douloureux et intenses que les larmes me vinrent, glissant silencieusement le long de mes joues. Qu’avait-il vécu pour être ainsi marqué ? Hanté au point de s’en faire mal physiquement ? Mes doigts effleurèrent les siens, sans que j’eusse réellement conscience de mon geste. J’avais besoin d’établir un contact avec lui, besoin de le voir remonter à la surface, lui offrir un point d’ancrage. Il tressaillit, mouvement si infime que je faillis ne pas le remarquer. Ses yeux cillèrent, comme s’il se réveillait. Ses sourcils se froncèrent. Il me regardait vraiment cette fois, moi et non un fantôme de son passé. Ce fut à mon tour de tressaillir, de sentir le martèlement assourdissant de mon cœur alors que son pouce longeait ma joue, essuyant dans le mouvement les sillons humides laissés par mes larmes.
Des bruits résonnèrent soudain dans le couloir menant à la salle. Des éclats de rire et les voix reconnaissables de Sheren et Doc. L’intensité de notre échange silencieux fut brisée net. Il se ferma, se rembrunit avant de s’écarter.
— Désolé.
Un simple mot qui contenait tant de douleur que j’en eus mal physiquement. Pourquoi une telle culpabilité ? La souffrance se lisait dans son regard ambré, souligné par les cernes creusés sur son visage.
Il s’éloigna me laissant seule sur le banc, incapable de bouger. Je me forçai à reprendre mes esprits. Les voix se rapprochaient et je n’avais pas le courage de faire bonne figure devant eux. L’estomac encore noué, je préférais me retrouver seule pour digérer notre entrevue. Je me glissai vers la sortie, priant pour qu’ils soient déjà entrés dans l’espace d’entraînement.
— Eh Lynee ! me héla Sheren.
Loupé pour le départ incognito. Je pris rapidement une inspiration, espérant dissimuler mon trouble. Dans mon esprit, la scène avec Arenht était encore vive. Au moins Arenht avait su filer discrètement.
— Alors tu te balades ? reprit-il, me sortant de mes pensées.
— Oui. C’est… Impressionnant. Je n’imaginais pas le sous-sol aussi vaste.
— On n’a pas à se plaindre c’est sûr. Au fait Doc te cherchait justement. Il vient de repartir. Le combat ce n’est pas trop son truc.
— Je vais le rejoindre alors. Et… bon entraînement.
— Faut bien entretenir ce corps de rêve, plaisanta-t-il avant de reprendre sa route.
Hello Aylyn ! Je reprends ma lecture ^^
Décidément, Arenht est bien mystérieux.
Et visiblement déconnecté.
Comme il ne semble pas tellement se confier, j'espère que quelqu'un pourra expliquer pour lui à Aylyn ce qui le tracasse !
Pas de remarques particulières pour ce chapitre, l'écriture est fluide, on continue de découvrir le nouveau décor. J'enchaîne avec le suivant!
Pour Arenht, on aura l'explication un peu plus tard.
Je continue à lire ton histoire. La curiosité demeure de chapitre en chapitre, c'est bien mené. :)
Je fais suite ici à ton dernier commentaire, je pense toujours que ce serait plus crédible de montrer que les représentants de l'ordre tentent d'aider Aylyn. Petite proposition à prendre ou à jeter : sous le choc, elle prétexte un besoin d'aller aux toilettes et s'enfuit en direction de sa voiture ? Là, tu reprends comme tu l'as écrit. Ainsi tu ne dois pas trop tout bousculer. (Ou à jeter hein ;) )
Je me demande pourquoi il n'y a que des hommes, les louves sont-elles plus rares ?
J'ai hâte de savoir si elle a été adoptée ou si ses parents étaient aussi des loups-garous. ^^ Comment ils ont eu connaissance de cette équipe organisée.
Je suis curieuse de découvrir le secret d'Arenht.
Je te partage deux petits trucs relevés mais je n'entre pas dans une BL détaillée ;) :
Si jamais, j'ai relevé de façon rapprochée des expressions fort similaires (parfum bon marché, odeur de vieille cigarette - les mots ne sont pas exactement ceux-là). Et dans la partie où Aylyn reçoit les révélations autour de la table, l'image de la position de ses mains m'a perturbée quand tu dis qu'elle chipote aux manches de son pull (une main est sous celle d'Arenht).
Bonne suite d'écriture :)
À +
J'adore ce chapitre ! Je ne pensais pas que le bâtiment était aussi grand ! Ça doit prendre du temps pour faire le ménage. Je me demande ce cas vécu Arenth, j'espère que Aylyn réussira à l'aider .
Bonne continuation !