Doc n’était pas très loin. En entendant les doubles portes s’ouvrirent, il se tourna et s’arrêta en me voyant.
— Aylyn. Ça va ? Tu arrives à prendre tes marques ?
— J’essaye. Sheren m’a dit que tu me cherchais.
— Oui. On a une petite surprise pour toi. Et n’essaye même pas de me faire lâcher le morceau avant.
J’eus beau tenter de deviner ce qu’il préparait, je n’en avais pas la moindre idée. Il m’amena à l’extérieur. Je découvrais pour la première fois l’endroit où se nichait le Complexe, en plein cœur du parc Algonquin. Vu l’immensité du territoire, c’était le lieu idéal pour être à l’abri du regard des curieux. La nature à perte de vue, l’odeur vivifiante du grand air. J’inspirai à pleins poumons, m’emplissant des senteurs riches de la forêt.
Je regardais les panneaux défiler à travers les vitres, m’attelant à trouver un quelconque indice sur notre destination. La seule certitude était que l’on s’éloignait vers le sud, empruntant la voie rapide.
Il y aura un peu de routes, m’avait-il averti avant de m’emmener vers sa voiture, un pick-up, idéal pour circuler sur les routes inégales du parc ou avaler de grandes distances. Il s’avéra même confortable. Une fois installée, Doc posa sur le tableau de bord un paquet chargé de viennoiserie et deux tasses isothermes. La noire contenait du café, sa drogue indispensable et la bleue du thé. Je fus touchée de son attention. Deux jours parmi eux et pourtant l’impression d’avoir trouvé bien plus qu’un refuge. Une famille. Je repensais à la première fois que j’avais croisé Doc.
Avec lui, cela avait été une évidence. Sans le connaître, fraîchement débarquée dans un lieu inconnu, je lui fis instantanément confiance, tout autant qu’à Arenht. Peut-être son regard doux, empathique ou bien ses soins prodigués avec adresse et bienveillance… Seul mon subconscient pouvait répondre. C’était une première pour moi, avec ma phobie de tout ce qui touchait au médical, de ne pas bondir hors de ce lit à la simple vue de l’aiguille entre ses doigts. Instinctivement je m’étais raccrochée à son regard et là, ma crise de panique s’était lentement délitée, ma respiration s’était calmée. Il représentait un ami, un repère fiable. Aucune ambiguïté, notre entente avait de suite était fluide. Il agissait comme un grand frère, enfin, tel que je me l’imaginais.
Bercée par les mouvements hypnotiques de la voiture, je sombrai sans m’en rende compte dans le sommeil. Une main pressée contre mon épaule me tira de celui-ci.
— On arrive bientôt, m’informa Doc.
Frottant mes yeux ensommeillés, je me redressai sur mon siège et observai les alentours. J’arrivai à intercepter le nom de la ville. Peterborough. Je fouillai dans mes souvenirs.
— C’est où tu travailles, m’exclamai-je. Tu comptes me faire une petite visite de ton hôpital ?
Rien qu’à l’idée, mon ventre se noua de manière désagréable. Il dut se douter de mon appréhension.
— À moins que tu le veuilles vraiment, je n’ai pas l’intention de t’infliger ce calvaire.
Je me détendis aussitôt. Il continua à progresser dans la ville, s’éloignant du centre-ville pour atteindre un quartier plus résidentiel. Ah, son appartement peut-être.
— On est arrivé ! Si mademoiselle veut bien se permettre, fit-il en m’ouvrant la portière.
Je ne pus m’empêcher de pouffer devant son cérémonial. Il m’entraîna vers un petit immeuble pas désagréable à regarder. Malgré sa construction datant de plusieurs décennies, il semblait bien entretenu. Je suivis Doc dans l’escalier, grimpant l’escalier jusqu’au deuxième et dernier étage. Alors que je m’attendais à ce qu’il sorte sa clé pour ouvrir, je fus surprise de le voir toquer à la porte. Ce n’était donc pas chez lui que…
— Enfin vous voilà ! nous accueillit Antonh avec chaleur. Entrez. Tu n’as pas lâché l’info au moins, s’enquit-il auprès de Doc.
D’un signe de tête, il le rassura. De mon côté, je me demandais ce qu’ils tramaient tous les deux. Le frère d’Arenht me fit un grand sourire avant de me tendre un porteclé. Je le saisis sans vraiment comprendre. Deux clés côtoyaient un petit loup en peluche.
— Je… commençai-je.
— Bienvenue chez toi, s’exclamèrent-ils en cœur.
Je sursautai, passai de l’un à l’autre en secouant la tête, éberluée. Quoi ? Est-ce qu’ils… Mon cerveau venait de bugger.
— Vous… C’est… Pourquoi ?
Ils retenaient visiblement leurs rires, attendant que j’arrive à formuler une phrase complète. Je ne rêvai pas, ils venaient de me donner les clés d’un appartement. La bouche entrouverte, je fixai l’objet trônant au milieu de ma paume, totalement débordée d’émotions.
Une main amicale vint effleurer mon bras, me sortant de ma transe.
— Alors ? Notre surprise te plaît ?
Je riais à travers mes larmes.
— Vous êtes fous, vraiment. C’est… trop. Je…
— Respire Aylyn, me conseilla Antonh tout en ébouriffant doucement mes cheveux. Tu es de la famille maintenant. Et on prend soin de notre famille.
Ces simples mots, ajoutés à son geste me firent éclater en sanglots. Désormais ils étaient tout pour moi. Ils m’offraient beaucoup plus qu’un lieu où me poser. Tellement plus. Je n’étais pas habituée à recevoir autant des autres. Je me retrouvais à demi écrasée entre les deux amis, entourée de leurs bras réconfortants. Je finis par leur demander de me laisser respirer entre deux éclats de rire. Mes nouveaux amis, capables de me faire passer des larmes au rire en un moins de deux secondes. Une fois l’émotion retombée, je découvris les lieux.
Petit, mais cosy, l’atmosphère accueillante donnait envie de s’y poser. Le studio se composait d’une pièce unique, mais chaque espace était délimité. Le coin salon avec son petit canapé au doux ton gris faisait face à une petite table basse en bois brut, derrière, un petit coin-cuisine souligné par un bar, puis la chambre dont un rideau protégeait l’intimité. Adjacente, une salle de bain contenait une douche et un lavabo. Il n’y avait rien de superflu, mais le tout suffisait amplement à mes besoins et l’on s’y sentait bien. De vastes baies vitrées occupaient tout un pan du mur, laissant entrer la lumière à flot.
Je n’arrivais pas à m’expliquer la sensation curieuse qui me saisit alors que je faisais le tour de la pièce, comme une présence imprégnant les murs.
— Qui habitait ici ? demandai-je tout en étudiant les reproductions accrochées au mur.
Il y eut un raclement de gorge. Je me retournai vers les deux hommes en attendant leur réponse. Je crus discerner une gêne dans leur expression, avant que Doc ne prenne la parole.
— Une personne qui nous a malheureusement quitté.
Je remarquai les traits crispés d’Antonh, son regard fuyant, ses doigts effleurant la tranche des livres posés sur les tablettes. La personne en question avait compté pour lui. Je me sentis mal à l’aise de prendre possession de lieux leur rappelant une perte.
— Je peux rester dans la chambre au Complexe, commençai-je.
Antonh releva les yeux sur moi.
— Tu seras très bien ici. Ces lieux sont vides depuis bien trop longtemps.
— On a amené tes affaires, intervint Doc, en profitant pour changer de sujet. Toutes celles de ta chambre étudiante. Arenht a fait le dernier voyage pendant que ta coloc était en cours. On a bien sûr laissé un petit mot pour lui expliquer ton départ. Enfin… une explication pour la rassurer.
Bien entendu. Les vraies raisons s’apparentaient plus à un mauvais film, presque trop délirant pour être plausible. L’idée de l’appeler et tout lui raconter avait effleuré mon esprit. Quelques secondes à peine. Toutes les raisons pour lesquelles c’était inenvisageable me tombèrent vite dessus. Je risquais de la mettre en danger, sans parler de l’énormité de la nouvelle. Moi une… louve-garou. Vu ma propre réaction à l’annonce de ma vraie nature, je n’osais imaginer celle de Cassie.
— Alors ça te plaît ?
La question de Doc me fit revenir au présent.
— J’adore. Je ne sais pas comment vous remercier…
— Fais-nous un petit café, proposa-t-il l’air de rien. On t’a aussi mis les denrées de bases. Thé pour toi et café pour tes invités, ajouta-t-il.
— D’accord. Antonh, même chose ?
Je m’empressai de prendre possession du petit coin cuisine. Je sentais que j’allais me plaire ici.
Eh bien la familia est bien généreuse. Mais n'est-ce pas dangereux de la laisser vivre seule alors qu'un groupe de scientifiques fous sont à sa poursuite ? J'aurais suggéré une coloc avec Arenht, tiens.
Coquilles :
"En entendant les doubles portes s’ouvrirent" -> s'ouvrir ou qui s'ouvrirent
"Une fois installée, Doc posa" -> installé ?
"des larmes au rire en un moins de deux secondes" -> un mot en trop
Répétition :
"Je suivis Doc dans l’escalier, grimpant l’escalier"
À bientôt pour la suite ! :)
Tu as raison pour la notion de sécurité. Je vais réécrire en mentionnant que Doc habite dans le même immeuble. Merci pour tes remarques qui m'aident à améliorer la cohérence de l'histoire :-)
Super ce chapitre ! Tu décris toujours aussi bien ce qu'il se passe, Aylyn a eu beaucoup d'émotion à la fois triste et joyeuse. J'avoue que ça ma ému, elle a d'autres amis en qui elle peut avoir confiance.
Bonne continuation !
Oui, elle a eu beaucoup d'émotions et ce n'est que le début 😅.